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dont les Lettres sur la cour de chancellerie, furent publiées en France par M. le professeur Paul Royer-Collard, en 1830. Déjà quelques améliorations ont été introduites dans cette juridiction (1), mais elles sont loin d'être suffisantes.

Le discours qui fait l'objet de cet article a été prononcé le 13 juin dernier par lord Langdale, à la chambre des pairs d'Angleterre, à l'occasion d'une motion faite par le lord chancelier, concernant la réformation de sa propre juridiction. Aucun orateur n'était plus capable que lord Langdale de répandre de vives lumières sur cette grave question. Et en effet, avant que d'être promu, naguère, aux importantes fonctions de maître des rôles, ce jurisconsulte s'était fait connaître au barreau, sous le nom de M. Bickersteth, par une profonde connaissance de la législation de son pays et par un esprit d'une rare sagacité.

Lord Langdale fait remarquer que les devoirs du chancelier sont en partie judiciaires et en partie politiques, et que quant à ses devoirs judiciaires, les uns le constituent juge originel et les autres juge d'appel. Comme juge, dans les cas où sa juridiction est originelle, il n'a pas seulement à entendre et à déterminer toutes les matières diverses qui appartiennent à la cour de chancellerie, mais d'autres matières qui lui sont dévolues en sa qualité de préposé aux charités (visitor of charities) provevant des bienfaits du roi, et de tuteur ou surintendant de la personne et de l'état des fous et des idiots, en vertu de la commission spéciale qu'il en reçoit du roi.

En sa qualité de juge d'appel, le chancelier est président ou orateur (speaker) de la chambre des lords, lorsqu'elle

(1) Voy. sur ces améliorations, la Revue, t. Ier, p. 26 et p. 182.

agit comme cour suprême d'appel pour tout le royaume-uni ; il est président ou grand-juge de la cour de chancellerie, révisant ou confirmant, infirmant ou changeant les arrêts et les ordonnances du maître des rôles ou da vice-chancelier. Lord Langdale s'élève contre cette dernière attribution du chancelier, et il fait remarquer que, rigoureusement, il n'est pas juge d'appel des décisions du maître des rôles ou du vice-chancelier, mais que, suivant la pratique de la

les jugemens et les ordonnances de ces deux magistrals n'étant définitifs que lorsqu'ils ont été mis sur le rôle (enrolled), et cette formalité n'étant accomplie qu'après la signature du chancelier, il en résulte que celui-ci a une sorte de droit d'appel ou de révision, dans le cas dont il vient d'être question. Bien plus, lord Langdale fait remarquer que, comme pair, le chancelier ne devrait avoir que son vote individuel, comme les autres pairs, dans les jugcmens rendus par la chambre des lords; mais en fait, les pairs qui l'assistent, n'entendant souvent rien aux matières judiciaires, c'est lui seul qui fait le jugement.

En sa qualité de personnage politique, le chancelier est le principal conseiller du roi en matière de législation; il fait partie du conseil privé, est membre du cabinet et grand officier de l'état, responsable dans toutes les matières poli. tiques qui dérivent de la garde et de l'usage du grand sceau. Il est le chef de la justice, surintendant de toutes les cours, ministre chargé de tout ce qui concerne l'administration de la justice; il est chargé de préparer les lois à présenter au parlement, d'en proposer de nouvelles et de faire réformer les anciennes ; c'est sur lui en particulier que le roi et les deux chambres ont les yeux fixés, lorsqu'il s'agit d'avoir un avis ou un renseignement sur toutes les matières relatives

à l'administration de la justice et à l'état de la législation. Il est président de la chambre des lords dans ses attributions politiques et législatives, et parmi ses devoirs politiques (ou plutôt administratifs) se trouvent la nomination ou la révocation des magistrats et la curatelle des biens du roi dont la valeur excède 20 liv. sterl. de revenu annuel.

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Lord Langdale fait remarquer combien sont différens tous ces devoirs et quels inconvéniens résultent de leur multiplicité. Nous n'entrerons pas dans les moyens qu'il indique pour amener la simplification d'une magistrature aussi complexe; nous dirons toutefois qu'il lui semble que les attributions du lord chancelier devraient être partagées entre deux fonctionnaires différens l'un conserverait le premier de ces titres, le second serait nommé garde des sceaux (keeper of the great seal). Voici, au surplus, comment il résume ses vœux sur cette importante matière: » Je propose de rendre le lord chancelier juge plus réel qu'il ne l'est maintenant, de toutes les causes qui appartiennent à la juridiction originelle de la cour de chancellerie, en déférant à la cour entière, les fonctions judiciaires qu'il exerce seul, et en lui retirant la garde et l'usage du grand sceau. Je propose de rendre la chambre des pairs une cour d'appel plus réelle, en lui procurant l'assistance des secours que les différens cas peuvent demander, et je propose que le lord garde des sceaux, élant exempt de toutes fonctions 'judiciaires, puisse consacrer toute sa capacité et toute son attention à l'exécution des lois et à l'administration de la justice. Je n'aurais pas proposé un changement aussi considérable, si autre chose m'avait paru répondre à l'exigence du cas proposer moins que la circonstance l'exige serait une moquerie. Le lord chancelier, comme il est nou

vellement constitué dans la cour de la chancellerie, serait, avec les autres juges, apte à statuer sur toutes les anciennes affaires qui appartiennent à cette juridiction originelle; et si la cour de l'échiquier devenait une cour d'équité plus réelle, elle pourrait statuer sur les causes qui lui sont dévolues actuellement, et aussi sur les affaires qui sont maintenant soumises à la cour de révision des banqueroutes. La chambre des lords, renforcée du concours effectif d'hommes spéciaux, pourrait, si vous le jugiez convenable, connaître de tout ou partie des affaires portées en appel au comité judiciaire du conseil privé. Il y aurait, je pense, lly une grande convenance à les lui conférer toutes; mais re-· lativement aux colonies qui ont des législatures qui leur sont propres, il faudrait attendre l'approbation de ces législatures. Il serait étrange qu'elles préférassent le comité judiciaire du conseil-privé, constitué comme il est, à la chambre des lords, assistée ainsi que je l'ai proposé,

« Le lord garde des sceaux, sans aucun pouvoir judiciaire, serait le conseiller principal du roi en matière de législation, conseiller privé, membre du cabinet et grandofficier de l'état, responsable en toutes matières ministé– rielles et politiques qui dériveraient de la garde et de l'usage du grand sceau. Il pourrait être le chef de la loi, gardant le medium entre l'état et la profession; il aurait lą nomination des magistrats, et il serait responsable pour la nomination de tous les juges et des officiers de justice. »>

Telles sont les vues principales qui caractérisent le projet de lord Langdale. Si nous ne nous trompons, le plan proposé par lord Brougham, il y a quelques années était plus radical, et dès lors moins praticable peut être en ce moment que celui dont nous venons de parler.

Nous ajouterons aux détails sommaires que nous donnons sur la cour de chancellerie, qu'en vertu d'un bill rendu en 1832, sur la proposition de lord Althorp, le traitement annuel du chancelier est de 10,000 liv. sterling (environ 250,000 fr.), à quoi il faut ajouter 4,000 liv. sterl. (environ 100,000 fr.) qu'il reçoit comme président de la chambre des lords. Ce traitement, quelque considérable qu'il puisse nous paraître, n'est cependant pas comparable à celui qui était précédemment attribué au chancelier, et l'on assure que lord Eldon a retiré, du produit de cette éminente fonction, jusqu'à 22,000 liv. sterl. par an (environ 550,000 fr.).

Toutes les discussions, aussi lumineuses que modérées, qui se sont élevées depuis quelques années dans le parlement, ou qui ont été agitées en dehors par les publicistes et les jurisconsultes, concernant la réforme du vieil édifice social en Angleterre, ont déjà produit d'heureux fruits. Nous ne doutons pas que d'ici à peu de temps de notables changemens n'y soient également introduits dans les institutions judiciaires, et il ne nous semble pas qu'il y ait rien de plus urgent que de réformer les attributions de la cour de chancellerie; nous ne pouvons oublier, en effet, que nous avons entendu dire à l'un des hommes les plus illustres de l'Angleterre, sir James Mackintosh, qu'il ne pensait pas qu'il y eût dans le monde entier un personnage aussi occupé que le lord chancelier; or, nous sommes arrivés à une époque où l'on ent généralement que la division du travail doit produire, dans l'ordre moral, d'aussi heureux effets que la division des propriétés en produit pour la prospérité de nos sociétés modernes.

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