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avec subventions ou primes accordées par l'Etat en exécution de la présente loi.

Mais les bois ainsi créés bénéficient des dispositions de l'article 226 du Code forestier et sont exemptés d'impôts pendant trente ans.

Art. 19. Les terrains restaurés avec primes ou subventions de l'Etat sont interdits au pâturage jusqu'à ce que la défensabilité en ait été reconnue dans les conditions énoncées à l'article 119 du Code forestier.

Les propriétaires d'animaux trouvés en délit sur ces terrains seront poursuivis conformément aux dispositions des articles 199 et 201 du Code forestier.

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Art. 20. Les travaux de consolidation, de reboisement et de gazonnement, que l'état de dégradation du sol et des dangers nés et actuels peut nécessiter, sont obligatoires et exécutés par les soins et aux frais de l'Etat.

Il est procédé dans les formes déterminées par les articles suivants :

Art. 21. Un décret rendu en conseil d'Etat déclare l'utilité publique des travaux et fixe le périmètre des terrains sur lesquels ils doivent être exécutés.

Ce décret est précédé : 1o d'une enquête ouverte dans chacune des communes intéressées; 2° d'une délibération des conseils municipaux de ces communes; 3° de l'avis d'une commission spéciale composée du préfet ou de son délégué, président; d'un membre du conseil général; d'un membre du conseil d'arrondissement et d'un membre du conseil municipal de la commune intéressée, délégués pour un an par le conseil respectif et toujours rééligibles; d'un ingénieur des ponts et chaussées ou des mines, d'un agent forestier, ces deux derniers membres nommés par le préfet; 4o de l'avis du conseil d'arrondissement et de celui du conseil général.

Le procès-verbal de reconnaissance des terrains, le plan des lieux et l'avant-projet des travaux proposés par l'administration des forêts avec le concours d'un ingénieur des ponts et chaussées ou des mines, restent déposés à la mairie pendant l'enquête, dont la durée est fixée à trente jours.

Ce délai court à partir de la signification de l'arrêté préfectoral qui prescrit l'ouverture de l'enquête et la convocation du conseil-municipal.

Art. 22. Le décret est publié et affiché dans les communes intéressées. Le préfet fait, en outre, notifier aux communes, aux établissements publics et aux particuliers un extrait du projet contenant les indications relatives aux terrains qui leur appartiennent.

Un duplicata du plan du périmètre décrété est déposé dans les archives de la mairie.

Art. 23. L'Etat est tenu soit d'acquérir à l'amiable, soit d'exproprier les terrains compris dans les périmètres de travaux d'utilité publique, en remplissant les formalités prescrites par la loi du 3 mai 1841.

Les communes, les établissements publics et les particuliers conservent la libre jouissance de leurs terrains jusqu'à ce que l'Etat leur en ait payé la valeur.

TITRE IV

DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

Art. 24. Les communes, les établissements publics et les particuliers pourront requérir l'application de la présente loi, pour les périmètres dont ils sont propriétaires, s'ils ont été déclarés d'utilité publique avant la promulgation, sans distinguer ceux dans lesquels les travaux de reboisement ou de gazonnement n'ont pas reçu un commencement d'exécution de ceux qui sont déjà en cours d'exécution, ou les laisser sous l'empire des lois du 28 juillet 1860 et du 8 juin 1864.

Les communes, les établissements publics et les particuliers seront mis en demeure, par l'administration des forêts, de faire connaître leur option dans un délai de six mois.

Art. 25. En cas d'option pour la loi nouvelle, l'administration des forêts sera tenue, dans l'année qui suivra la déclaration qui en sera faite, de notifier aux déclarants quels sont ceux des terrains leur appartenant qu'elle juge nécessaire de maintenir définitivement dans les périmètres de reboisement et de gazonnement et d'acquérir à l'amiable ou par expropriation.

En conséquence il sera procédé à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des travaux, à la fixation des périmètres des terrains sur lesquels ils doivent être exécutés, ainsi qu'à l'expropriation en cas de non-acquisition à l'amiable dans les formes et les délais ci-dessus prescrits.

Seulement, l'Etat aura la faculté de payer le prix en un certain nombre d'annuités dont le montant, pour chacune, ne pourra être inférieur au dixième de la valeur totale attribuée aux terrains acquis.

Les annuités non payées porteront intérêt à 5 pour 100 l'an, mais l'Etat aura toujours la faculté de se libérer en tout ou en partie.

Les communes, les établissements publics et les particuliers, en optant pour la nouvelle loi, seront libérés des dépenses mises à leur charge par les lois du 28 juillet 1860 et du 8 juin 1864.

Toutefois, la plus-value résultant des travaux effectués sera prise en considération par le jury dans l'évaluation du montant de l'indemnité.

Art. 26. Les dispositions des lois des 28 juillet 1860 et 8 juin 1804, postérieures aux formalités relatives à la déclaration de l'utilité publique des travaux, continueront à recevoir leur application à l'égard des communes, des établissements publics et des particuliers qui auront déclaré vouloir rester sous leur empire, ou qui n'auront pas fait connaître leur option dans les délais cidessus fixés.

Art. 27. Dans les communes assujetties à l'application de la présente loi, les gardes domaniaux appelés à veiller à l'exécution et à la conservation des travaux dans les périmètres de reboisement et de gazonnement, seront chargés en même temps de la constatation des infractions aux mises en défens et aux règlements sur les pâturages et de la surveillance des bois communaux, de manière que pour le tout il n'y ait désormais qu'un seul service entièrement à la charge de l'Etat.

Art. 28. Sont et demeurent abrogées, pour l'avenir, les lois des 28 juillet 1860 et 8 juin 1864.

Art. 29. Un règlement d'administration publique déterminera les mesures à prendre pour l'application de la présente loi.

DISCUSSION.

Séance du 1er juillet 1880 (Sénat).

PREMIÈRE DÉLIBÉRATION SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AUX TERRAINS

EN MONTAGNE.

M. Le président. L'ordre du jour appelle la première délibération sur le projet de loi relatif à la restauration et à la conservation des terrains en montagne.

Quelqu'un demande-t-il la parole pour la discussion générale?

M. MICHEL, rapporteur. Je demande la parole.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. le rapporteur. (Bruit de conversations.)

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M. le rapporteuR. Messieurs, la restauration des montagnes constitue un des problèmes les plus difficiles à résoudre. La prétention du projet de loi que la commission a l'honneur de vous soumettre est de remonter à l'origine des torrents pour déterminer les causes de leur transformation et indiquer ensuite les moyens les plus propres pour en amener l'extinction. Son but est double: elle tend tout à la fois à prévenir le retour des terribles inondations qui, périodiquement, viennent désoler les bassins de nos grands fleuves, et à régénérer les pâturages. Ce projet de loi soulève des questions de propriété; il peut engager dans une assez large mesure les finances de l'Etat ; il touche, enfin, aux intérêts les plus vifs des populations pastorales. C'est vous dire qu'à tous les points de vue il est vraiment digne des graves méditations du Sénat. Ce sont, du reste, ces difficultés à la fois si nombreuses et si complexes qui jusqu'à présent ont arrêté le législateur, ou qui du moins l'ont déterminé à ne proposer, et à titre d'essai, que des moyens transitoires. Votre commission s'est trouvée en présence d'intérêts multiples, tous considérables, tous également respectables. Est-elle parvenue à les concilier et à donner à chacun d'eux la légitime satisfaction qui lui est due? Telle est la question sur laquelle le Sénat est appelé à se prononcer aujourd'hui. Je demande la permission, pour l'éclaircir car elle est difficile et pour la résoudre, de présenter quelques rapides observations sur la nature et l'étendue du mal, sur les moyens proposés pour y porter remède, et sur ceux que votre commission, d'accord, au moins sur les bases, avec le gouvernement, considère comme indispensables pour atteindre ce but.

La dégradation du sol des montagnes atteint vingt-six départements, dans les Pyrénées, dans le plateau central et dans les Alpes; elle les atteint à des degrés divers, parce que le désordre ne s'est pas produit partout avec la même intensité, et qu'à chaque pas on ne se heurte pas contre des situations exacte

ment analogues. Ainsi dans les Pyrénées, où les eaux sont abondantes, le sol fertile, l'herbe fine et épaisse, la nature se plaît plus particulièrement qu'ailleurs à la production spontanée des pâturages. La réparation y est donc moins urgente, moins nécessaire et, partant, plus facile à opérer. Les Cévennes, dans une région plus chaude et plus sèche, tiennent en quelque sorte le milieu entre les Pyrénées et les Alpes. Dans les Cévennes, le sol se ravine; il y éclate soudain de violents orages; la réparation y est plus urgente que dans les Pyrénées, mais elle l'est certainement moins que dans les Alpes. Dans cette dernière contrée, le mal est partout, et partout aussi il est urgent d'y porter remède. Les montagnes des Alpes, complètement dénudées, n'offrent plus, comme on le dit souvent, aux regards attristés, que l'aspect d'un squelette rocheux. A part les zones riches et brillantes du département de l'Isère et les parties littorales du Var et des Alpes-Maritimes, qui résument les beautés du Dauphiné et de la Provence, depuis la Savoie jusqu'à la mer, le sol, adossé aux Alpes, ne présente qu'un vaste chaos de montagnes pleines d'anfractuosités d'où se précipitent des milliers de torrents dévastateurs. (Très bien !)

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Le torrent, voilà le mal rongeur de la montagne ; c'est le torrent qui s'attache à ses flancs comme une lèpre. C'est le torrent qui joue le rôle le plus redoutable dans le phénomène des inondations. Il doit sa force ou plutôt sa puissance destructive à la pente de son lit, à la rapidité de son cours, aux crues courtes, subites, violentes auxquelles il est assujetti, et par-dessus tout, à cette propriété particulière et singulière, caractéristique, d'affouiller dans les montagnes, de charrier les terres et de divaguer un peu partout. Quand, d'un lieu élevé, on aperçoit des torrents disséminés et encombrant toutes les vallées, on ne peut se défendre d'un sentiment de profonde tristesse. On les voit, tenant ensevelies sous leurs déjections les parties les plus fécondes, les plus fertiles de la plaine. Ils créent par des entassements monstrueux, des exhaussements de lits qui vont jusqu'à toucher les tabliers des ponts. Ils interceptent les voies de communication, ravagent les propriétés et menacent d'engloutir des centres d'habitations. Un pays ainsi ravagé est l'image de la désolation et de la mort. Le sentiment que j'exprime change de caractère et devient de l'effroi quand les torrents sont mis en mouvement par des orages: ce ne sont plus de simples rivières débordées, il ne s'y produit rien qui ressemble aux accidents ordinaires du régime fluvial ; ce sont de véritables lacs roulants par cataractes, précédés par un vent impétueux, annoncés par un bruit qui rappelle celui de la foudre ou des armes à feu; ils descendent de toutes les pentes, se. heurtent, se livrent entre eux dans le lit de la même rivière de gigantesques combats. Ils emportent les terres sous forme de lave noire, rouge, jaunâtre ; ils enlèvent par courants les galets, les rochers, des blocs énormes, et transportent au loin ces héritages broyés et dispersés.

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Le torrent, messieurs, naît et se forme sous l'action des eaux. Partout où le sol montagneux se dégrade, il tend à se généraliser. Dans les Alpes, il règne en maître absolu. Quelles sont donc les causes d'un mal aussi profond, d'un mal aussi considérable? Il en est deux dont je n'ai pas à entre

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tenir le Sénat, parce qu'elles échappent absolument à l'action de l'homme : ce sont le climat et la nature géologique du sol. Il n'appartient sans doute à personne de voiler le soleil, de tamiser son ardeur, d'effacer la limpidité du ciel, pas plus qu'on ne peut changer la nature schisteuse des terrains qui descendent sur les pentes avec la rapidité du sable! Un sol friable, inconsistant, comme celui des Alpes, se transforme en poussière quand il est effrité par les ardents rayons du soleil et devient de la boue quand il est pétri et tassé par les orages. Eh bien, ces deux éléments, réunis et déchaînés, ne seraient jamais parvenus à entamer le sol, si l'homme, dans son imprévoyance, n'avait lui-même dépouillé la montagne de son armature végétale, boisée ou gazonnante. Les causes vraies, incontestées, les seules causes du mal que nous déplorons, sont le déboisement et l'abus de la dépais

sance.

Le déboisement a malheureusement son point de départ dans une loi du mois de septembre 1791; sous l'empire des idées qui dominaient à cette époque, le législateur, résolu à affranchir la propriété de toute servitude et de toute entrave, crut que le moment était venu de proclamer pour les particuliers la liberté absolue dans leurs bois. Ceux-ci, contenus jusque-là par les rigueurs de l'ordonnance de 1669, excités par l'enthousiasme d'une liberté naissante, parcoururent les bois le fer et le feu à la main. La dévastation à laquelle ils se livrèrent fut faite sur une si vaste échelle, les dégâts, si l'on peut ainsi qualifier des actes couverts par l'immunité de la loi, furent si considérables, les dangers pour l'avenir si imminents, que les auteurs même de ces dégâts furent les premiers à ouvrir un courant de réaction qui devait aboutir bientôt à de nouvelles restrictions pour la culture des bois. Les communes imitèrent ces exemples; elles voulurent, à leur tour, transformer leurs bois en pâturages, les livrer à la culture, et même en faire le partage entre les habitants; et, depuis cette époque, à chacune de ces dates où le principe d'autorité s'est affaibli, où le zèle de l'administration s'est ralenti, les communes ont recommencé la dévastation. Il est établi que, depuis le mois de septembre 1791 jusqu'en l'an XI, c'est-à-dire jusqu'en 1803, il a été abattu au moins 500 000 hectares de bois. La dépaissance a été placée par votre commission sur la même ligne que le déboisement. On peut même dire que c'est peut-être là la cause principale du mal dont nous souffrons; il est difficile de s'expliquer comment jusqu'à présent elle a pu être reléguée au dernier plan. Tous ceux qui ont fait de cette question une étude spéciale, agronomes, ingénieurs, économistes, forestiers, partagent cette opinion. Pour la justifier, il n'est pas nécessaire de rechercher si les inondations ont exactement répondu aux époques auxquelles le déboisement a été opéré; il suffit de rappeler que le déboisement a été arrêté, pour les communes, par la soumission de leurs bois au régime forestier, et, pour les particuliers, par la prohibition de défricher, tandis que le pacage s'est toujours exercé librement, avec tous les attributs de la propriété, c'est-à-dire même avec ses abus. La cupidité des communes, il faut bien le reconnaître, a donné à ces abus un caractère particulier d'acuité.

Les communes se considèrent-elles, en effet, comme de simples usufruiREPERT. DE LÉGISL. FOREST.

DÉCEMBRE 1880.

T. IX.-11

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