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de classer les loups parmi les animaux nuisibles, et il est à supposer qu'un arrêté qui permet l'emploi des pièges autorise par son silence celui du fusil, assurément moins destructeur. Tout le monde sait, enfin, que ce double droit de destruction peut être délégué à des tiers et par conséquent être exercé par les mandataires ou les serviteurs du propriétaire.

A ce titre déjà, le jugement du Tribunal de Montfort ne nous paraît pas à l'abri de la critique, mais il a complètement méconnu toute la législation spéciale relative au loup. Cette législation spéciale réside dans : 1° l'article 20, tit. Ier, de la loi des 26 septembre-6 octobre 1791, par lequel les corps administratifs doivent encourager les habitants des campagnes par des récompenses, à la destruction des animaux malfaisants qui peuvent ravager les troupeaux; 2o la loi du 10 messidor an V, art. 2 et 4, qui accorde des primes à ceux qui auront tué des loups; 3° l'ordonnance du 20 août 1814, qui a force légale d'exécution, que la Cour de cassation a proclamé, par arrêts du 6 juillet 1861 et 21 janvier 1864, le Code de la matière, et dont l'article 20 est ainsi conçu: «< Tous les habitants sont invités à tuer le loup sur leurs propriétés. »

Il fut un temps, aussi, où la destruction des loups était monopolisée au profit des louvetiers et où l'on punissait sévèrement celui qui allait sur leurs brisées. On conviendra qu'un ensemble de textes aussi complet ne peut laisser le moindre doute sur le droit du propriétaire de tuer le loup par tous moyens et même sur le droit qu'a le public de s'introduire sur la terre d'autrui pour tuer un animal dont la présence vient d'être signalée.

On ne saurait punir ce que la loi encourage et récompense : la Cour de Nancy l'a très bien compris dans un arrêt du 29 mars 1852 (Ann. for., VI-XIX), où il s'agissait d'un chasseur au loup dans une forêt qui ne lui appartenait pas. A. PUTON.

No 57. COUR DE RENNES (Ch. corr.). 22 décembre 1880.

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Pâturage, durée, fixation par l'administration forestière, titres,

commune, intervention.

La solution de la question de savoir quelle doit être, d'après les titres, la durée du pâturage en forêt n'appartient pas à l'administration forestière appelée à déclarer la défensabilité (1).

En conséquence, lorsqu'un usager est poursuivi par le propriétaire

(1) Conf, req., 20 mai 1835, Dalloz, vo FORÊTS, no 1446.

d'une forêt pour avoir exercé son droit de pâturage en dehors du temps fixé par la déclaration de défensabilité, le maire peut intervenir dans l'instance correctionnelle pour opposer un titre d'après lequel les habitants de la commune usagère auraient le droit de faire pâturer leurs bestiaux pendant toute l'année (1).

Dans ce cas, il y a lieu d'admettre l'exception préjudicielle soulevée par le maire intervenant au nom de la commune.

(Chotard c. Levesque.)

Un jugement du Tribunal de Montfort du 24 juillet 1880 fait connaître des faits de la cause.

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LE TRIBUNAL: Attendu que les consorts Levesque ont cité Chotard en police correctionnelle sous la prévention d'avoir, le 8 février 1880, dans un canton de la forêt de Paimpont déclaré défensable, fait pâturer quatre vaches dont il était propriétaire en dehors du temps fixé par l'administration forestière pour la durée du pacage en l'année 1880; Attendu que la commune de Paimpont dûment autorisée par arrêté du Conseil de préfecture du 21 mai 1880 est intervenue dans l'instance; Attendu que le prévenu et la commune sollicitent un sursis au jugement de l'instance correctionnelle et le renvoi de toutes les parties en cause devant la juridiction civile pour faire statuer sur l'étendue du droit de pâturage qui leur appartient et qu'ils soutiennent devoir s'exercer pendant douze mois et non huit, comme le porte l'état dressé le 2 novembre 1879 par le sous-inspecteur des forêts délégué du conservateur du vingt-troisième arrondissement forestier;

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Sur la recevabilité de l'intervention:

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Attendu qu'aux termes de la loi du 18 juillet 1837, le maire est chargé de la conservation et de l'administration des propriétés communales sous la surveillance de l'autorité supérieure et de représenter la commune en justice soit en demandant, soit en défendant; Attendu que les conclusions du maire de la commune de Paimpont tendent à faire établir entre elle et le propriétaire de la forêt le droit qu'elle prétend être attribué à ses habitants par les titres qu'elle invoque et une possession immémoriale conforme; Attendu que le jugement correctionnel à intervenir se trouve ainsi subordonné au jugement qui sera rendu au civil sur les droits de la commune et que, dès lors, il est juste que celle-ci puisse intervenir dans l'instance dirigée contre un de ses habitants relativement à un droit communal.

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Au fond: Attendu que l'article 119 du Code forestier, au titre des bois des particuliers, ne donne à l'administration forestière que le droit de déclarer les parties de bois défensables où pourront s'exercer les droits de pâturage, parcours, panage et glandée et ce suivant l'état et la passibilité des forêts reconnus et constatés par la même administration; que dès lors il ne lui appar

(1) Le maire a toujours le droit d'intervenir devant le Tribunal correctionnel pour élever l'exception préjudicielle au nom de la commune (Comment. C. for., art. 182, no 1294). La jurisprudence est fixée sur cette question.

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tient pas de fixer la durée pour l'exercice annuel du pâturage, ni d'indiquer les époques de l'année auxquelles l'interdiction des bestiaux pourra avoir lieu; qu'en cas de difficultés sur la durée du pâturage, sur les saisons pendant lesquelles ce droit peut s'exercer, les Tribunaux ordinaires sont seuls compétents pour en connaître (Dalloz, vo FORÊTS, no 1446, et arg. de l'article 121 du Code forestier); Attendu de ce qui précède que la disposition de l'état du 2 novembre 1879 par laquelle la durée du pacage pour l'année 1880 est dite fixée du 1er avril au 30 novembre doit être considérée comme non avenue et ne saurait lier les Tribunaux ordinaires; -Attendu qu'à supposer qu'il fût établi que l'état dont il s'agit ait été dressé contradictoirement avec la commune, cette clause relative à la durée du pacage serait nulle comme constituant une transaction administrative en dehors de l'autorité compétente; Attendu que le prévenu et la commune articulent que, d'après la charte de 1467 et les documents faisant loi entre les parties, le droit de pâturage appartenant aux communes doit s'exercer et s'est de temps immémorial exercé pendant les douze mois de l'année et non huit; qu'ils excipent ainsi d'un droit réel fondé sur un titre apparent et sur des faits de possession équivalents qui seraient de nature, dans le cas où ils seraient reconnus par l'autorité compétente, à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou contravention;

-

Par ces motifs; Admet l'intervention de la commune de Paimpont, lui décerne acte, sans toutefois mettre Chotard hors de l'action dirigée contre lui, de ce qu'elle prend le fait et cause du prévenu; Admet l'exception préjudicielle élevée par la commune et Chotard, et fixe à six mois le délai dans lequel ceux-ci devront saisir les juges compétents et justifier de leurs diligences; Dépens réservés.

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APPEL,

ARRÊT.

LA COUR: Considérant que la culpabilité de Chotard résultant de l'infraction par lui commise à l'arrêté pris par l'administration forestière et subordonnée à la question de savoir si cet arrêté a été légalement pris, c'està-dire si, en présence des titres des parties combinés avec les dispositions du Code forestier, il appartenait à l'agent forestier de fixer et de réduire la durée des droits d'usage revendiqués par la commune de Paimpont et ses habitants; qu'il y a lieu, dès lors, de surseóir à statuer au correctionnel, jusqu'à ce que les Tribunaux civils aient déterminé la nature et la durée de ces droits, ainsi leur mode réglementaire ; que La Cour: Confirme le jugement dont est appel, ordonne qu'il sortira son plein et entier effet, réserve les dépens.

Du 22 décembre 1880. Cour de Rennes (Ch. corr.). - MM. Maîtrejean, prés.; Arnault de Guéniveau, av. gén. (concl. conf.); pl. Me Grivart, av.

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Sont passibles de dommages-intérêts les individus qui st livrés à des vexations systématiques et persistantes pour entravxercice du droit de chasse.

(Gauthier et Pruniot c. Ménard.)

Les paysans n'aiment point les Parisiens: Gauthier père et finsi que Pruniot père et fils, en ont donné une nouvelle preuve.

M. Ménard, négociant de Paris, propriétaire d'un domaine d'arrondissement de Melun, avait, en outre, loué la chasse de certains boe garde de ce propriétaire ayant gêné MM. Gauthier et Pruniot dans lefaçon de chasser, et dans ce qu'ils avaient cru être leur droit jusque-là, x-ci n'imaginèrent rien de mieux que de se livrer à des vexations en M. Ménard et ses amis. Ils passaient en fumant devant la ligne des chars pour empêcher de tirer; ils faisaient sonner du cor au milieu d'urhasse en plaine; les charretiers qui passaient avaient pour consigne de favacarme et de la voix et du fouet. C'était, un autre jour, de véritables feux peloton exécutés par nos bons villageois et leurs amis sur les parcelles leappartenant, dès que l'on savait qu'une chasse se préparait pour les lisiens, à l'occasion du repos dominical.

M. Ménard tint bon cependant et continua à chasser malgré to. La fureur des Gauthier et des Pruniot ne connut alors plus de bornes, des injures furent adressées aux propriétaires parisiens et à leurs invités. Ménard, pour en finir, dut assigner ses voisins en dommages-intérêts pour 1 vexations dont il était l'objet et pour les entraves apportées à l'exercice de son droit de chasse.

Devant le Tribunal de Melun, MM. Gauthier et Pruniot formèrent un demande reconventionnelle sous le prétexte qu'eux, au contraire, avaient été victimes du demandeur et des Nemrods ses amis.

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Le Tribunal de Melun ordonna une enquête et, sur le vu de cette instruction, il a rendu, le 20 juillet 1877, un jugement ainsi conçu : LE TRIBUNAL : Attendu En ce qui touche la demande principale : qu'il résulte des pièces et documents de la cause, et notamment de l'enquête, que les sieurs Gauthier père et fils, Pruniot père et fils se sont livrés à des vexations systématiques et persistantes qui ont gêné et même entravé l'exercice du droit de chasse des sieurs Ménard; Que ces faits ont causé à Ménard un préjudice dont il lui est dû réparation; - Que le Tribunal possède les éléments nécessaires pour évaluer dès à présent ce préjudice; qui touche la demande reconventionnelle : - Attendu que, parmi les faits établis par la contre-enquête, les uns sont l'exercice d'un droit légitime. res autres ont un caractère vexatoire, mais sont loin d'atteindre ceux à la charge du défendeur; Par ces motifs, Condamne conjointement et solidai

-

En ce

rement le és Pruniot père et fils, Gauthier père et fils, à payer à Ménard lae de 700 francs; les condamne, en outre, aux dépens.

Sur l'aperjeté par MM. Gauthier et Pruniot, la Cour a confirmé le jugement.

Du 10 f1879. Cour de Paris.

chy, av. gl., Mes Guerrier et Carraby.

MM. Descoutures, prés.; Four(Le Droit.)

N° 59. COMITÉ DE JURISPRUDENCE.

Dans wropriété superficiaire, c'est-à-dire quand, dans un immeuble ruralforestier, la superficie appartient à un propriétaire et le fonds à utre, le droit de chasse appartient-il au tréfoncier ou au superficie ou à tous les deux à la fois?

RÉPONSE.

La quon est entièrement neuve et n'a jamais été tranchée, ni dans doctrine ni dans la jurisprudence; du moins à notre connaisste. C'est donc ici le cas de se reporter aux principes et de rahner d'après les règles de droit.

On neurait, en effet, invoquer l'exemple de situations analogues, les que celles de l'usufruitier, de l'emphytéote, du fermier, d'usager, de l'antichrésiste.

Si, e effet, on reconnaît le droit de chasse à l'usufruitier à l'excluon du propriétaire, c'est qu'un texte formel (C. civ., 678) lui recenaît le droit de se comporter comme un propriétaire, et que cui-ci n'a temporairement aucune jouissance sur l'immeuble se trouve vis-à-vis de lui dans une situation exactement quifiée de nue propriété.

Si on l'accorde à l'emphytéote, c'est que le démembrement de propriété dont il jouit est tellement étendu, qu'il en a tous les attributs et qu'il exerce sa jouissance sur le fonds d'une manière plus étendue encore que l'usufruitier. Si certains auteurs (Gillon et Villepin, p. 45) l'attribuent à l'antichrésiste, ils sont contredits par d'autres (Championnière, p. 45), qui font remarquer qu'il n'a sur l'immeuble qu'un droit de gage, précaire, subordonné au remboursement de la créance, lui donnant les fruits, mais non un attribut du sol et une portion quelconque du domaine. Aussi, on s'accorde généralement à penser que si la chasse est louée au roment du contrat, le créancier antichrésiste a droit à ce fruit en garantie de sa créance; mais il n'a pas le droit de chasser luimême ni de laisser chasser au seul titre d'antichrésiste.

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