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N° 65. CONSEIL D'ETAT (sect. du content.). 22 novembre 1878. Elections municipales, condamnation pour délit forestier, éligibilité. Les dispositions de l'article 15, combiné avec l'article 27 du décret organique du 2 février 1852, aux termes desquels les individus condamnés à la peine de l'emprisonnement pour vol sont déclarés indignes d'être élus aux fonctions municipales, ne doivent pas être étendues aux individus condamnés pour les délits spécialement prévus et définis par le Code forestier.

En conséquence, doit être annulé, pour fausse application dudit article 15, l'arrêté d'un conseil de préfecture qui se fonde sur une condamnation à l'emprisonnement à raison d'un délit forestier pour annuler une élection de conseiller municipal.

(Viard.)

Le sieur Viard s'est pourvu devant le Conseil d'État contre un arrêté, en date du 15 février 1878, par lequel le conseil de préfecture du département de l'Eure a annulé son élection comme membre du conseil municipal de la commune de Thuit-Hébert.

A l'appui du pourvoi, on soutenait que l'article 15, § 5, du décret organique du 2 février 1852, ne déclare incapables d'être inscrits sur les listes électorales que les individus condamnés à l'emprisonnement pour vol, et que, d'après le tableau annexé audit décret, la condamnation pour vol qui entraîne l'incapacité est celle prononcée par application des articles 379, 388 et 401 du Code pénal. Or, le requérant a été condamné non pour vol, par application desdits articles, mais pour délit forestier, par application des articles 192,196, 201 et 202 du Code forestier; ces condamnations, prononcées en vertu de ces articles, n'entraînent pas l'incapacité d'être élu.

LE CONSEIL D'ÉTAT, — Considérant que si, aux termes de l'article 15, combiné avec l'article 27 du décret organique du 2 février 1852, les individus condamnés à la peine de l'emprisonnement pour vol sont déclarés indignes d'être élus, cette disposition ne saurait être étendue aux individus condamnés pour les délits spécialement prévus et définis par le Code forestier; - Considérant que le sieur Viard a été condamné à la peine de l'emprisonnement par jugement du Tribunal de police correctionnelle de Rouen du 30 novembre 1871, par application des articles 192, 196, 201 et 202 du Code forestier; Qu'ainsi c'est à tort, et par une fausse application de l'article 15 du décret du 2 février 1852, que le conseil de préfecture á annulé son élection comme membre du conseil de Thuit-Hébert; - Décide: Art. 1er. L'arrêté du conseil de préfecture du département de l'Eure, en date du 15 février 1878, est réformé dans la disposition par laquelle il a annulé l'élection du sieur Viard. Art. 2. L'élection du sieur Viard est déclarée valable.

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(Le Droit.)

Du 22 novembre 1878.

Cons. d'État (sect. du contentieux.)

MM. Andral, prés.; Le Vavasseur de Précourt, maître des req. Braun, comm. du gouv.; pl., Me Jozon, av.

OBSERVATIONS.-L'arrêt rapporté est juridique, sans aucun doute. Il est certain que les délits forestiers ne figurent ni dans la nomenclature des délits spécifiés dans l'article 15 du décret du 2 février 1852, ni dans le tableau y annexé qui fait corps avec la loi et mentionne les articles 379, 388 et 401 du Code pénal. Il est non moins incontestable que certains délits forestiers constituent des vols d'une nature particulière, entièrement distincts de ceux dont la répression est organisée par le Code pénal, et que le mot vol n'est jamais écrit dans le Code de 1827.

Après avoir rendu cet hommage à la théorie, il doit être permis de signaler les étranges anomalies de notre législation pénale. Le Code de 1810 est beaucoup plus sévère que le Code forestier, en ce qui concerne les atteintes portées aux arbres d'avenue, de haies, et tous les arbres épars sur les terrains dont la production principale est autre que le bois. Celui qui a coupé un seul arbre, quelle qu'en soit la grosseur, peut être puni d'un emprisonnement de six mois, lequel peut être porté à cinq ans, si l'on a abattu dix arbres ou plus (art. 445). Les peines sont les mêmes à raison de chaque arbre mutilé, coupé ou écorcé de manière à le faire périr (art. 446). La destruction d'une ou de plusieurs greffes peut, suivant les cas, entraîner un emprisonnement de deux ans (447). Il est vrai que la sévérité de ces articles n'est qu'apparente et que, dans l'état actuel de la législation, chacune des infractions ci-dessus peut n'être punie que d'un franc d'amende, par application de l'article 463 du Code pénal. Il n'en résulte pas moins que les juges sont libres d'être très sévères ou très indulgents; et que, dans le cas où ils inclinent vers la sévérité, ils peuvent prononcer des peines beaucoup plus fortes que celles qui sont édictées par la loi forestière dans des circonstances analogues. Quoi qu'il en soit, les individus frappés par les dispositions ci-dessus, même des peines les plus fortes, ne sont pas exclus des listes électorales ni privés de l'éligibilité, en vertu du décret-loi de 1852 (art. 15 et 27).

C'est avec intention que nous n'avons pas parlé de l'article 444 du Code pénal. En effet, cet article se différencie de ceux qui le suivent en ce que son application s'étend aux arbres faisant partie d'une forêt, aussi bien qu'aux arbres existant sur un terrain dont le bois n'est pas le produit principal. Le fait prévu par l'article 444 est celui de dévastation de plants venus naturellement ou faits de main d'homme, ce qui comprend tout. Tel n'est pas l'avis de

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M. Blanche (Etudes sur le Code pénal, t. Ier, no 606). Suivant cet auteur, l'article 195 du Code forestier est uniquement applicable à l'enlèvement des plants en forêt. Nous ne saurions partager cette opinion. L'article 195 s'applique à l'arrachement de plants, sans dévastation; mais le cas de dévastation tombe toujours sous le coup de l'article 444. C'est ce qu'a reconnu la Cour de Montpellier le 6 juin 1842. Nous avons rapporté cet arrêt dans notre Commentaire, no 1434, 987. Il a été reproduit depuis dans Dalloz, Jurisprudence générale, v° FORÊTS, no 383. Dans cette espèce, il s'agissait d'un délit de dévastation commis sur 3 hectares de forêts. Le comité de jurisprudence des Annales forestières s'est prononcé en ce sens dans une espèce où les habitants d'une commune s'étaient portés, pendant deux mois, dans divers cantons d'une forêt domaniale dont ils avaient dévasté 40 hectares (Bull. Ann. forest., t. V, art. 828). L'article 444 du Code pénal autorise à placer les dévastateurs sous la surveillance de la haute police; mais cette condamnation ne les prive pas, ipso facto, de leurs droits politiques. Pour qu'il en soit ainsi, il faut, d'après l'article 15, n° 10, du décret-loi du 2 février 1852, que l'emprisonnement prononcé en vertu de l'article 444 du Code pénal ait été de trois mois au moins. Il suit de là que tout individu, condamné à quatre-vingtneuf jours de prison, est apte à exercer toute fonction municipale, départementale ou législative.

Ce n'est pas tout; si l'on examine l'article 388 du Code pénal et si on le compare aux infractions forestières, on voit se produire les anomalies les plus étranges. Qu'un individu ait pris une bûche ou un fagot dans une coupe en exploitation, ou un pavé dans une carrière ouverte, l'article 388 permet de prononcer contre lui un emprisonnement d'un an à cinq ans. Si, au contraire, on applique le Code forestier, l'auteur du fait peut en être quitte pour une amende de 2 francs. Pourquoi donc en est-il ainsi? Pourquoi l'individu frappé, en vertu de l'article 388 du Code pénal mitigé par l'article 463, d'un emprisonnement d'un jour est-il exclu des listes. électorales, tandis que celui qui a été condamné à une peine beaucoup plus forte, en vertu de l'article 192 du Code forestier ou de l'article 444 du Code pénal, sera électeur et même éligible ?

Nous savons, et nous l'avons dit, que la sévérité de l'article 388 • se trouve singulièrement tempérée au moyen de la latitude accordée aux juges par l'article 463 du Code pénal. Cependant, il y a peu d'années encore, les textes de ces deux articles conduisaient au résultat que voici un gardė champêtre dressait un procèsverbal pour pêche à la ligne dans une morte sans communication

avec une rivière. Le pêcheur n'avait peut-être pris qu'un goujon, peut-être même n'avait-il pris aucun poisson; cependant le Tribunal ne pouvait alors, sans méconnaître l'article 463 modifié en 1863, condamner ce pauvre homme à moins de dix jours de prison; et, quoique le plus souvent gracié, il n'était plus ni électeur ni éligible,

Hatons-nous de dire que cette loi de l'Empire a été abrogée, en 1870, par un décret de la Défense nationale; mais la possibilité de la condamnation n'en existe pas moins avec toutes ses conséquences.

Au contraire, il semble que le législateur ait, au point de vue de la privation des droits politiques, réservé toute son indulgence pour le délinquant forestier. Il pourra bien, si son cas est grave, être condamné à un emprisonnement qu'il subira, mais il sera toujours électeur.

Ceci dit, voyons ce qui pourrait se passer en poussant les conséquences à l'extrême. Qu'on suppose une commune située dans un pays très boisé et où les délits forestiers soient fréquents. Les délinquants d'habitude, les récidivistes sortis de prison, s'ils connaissent leurs droits, chercheront à se faire élire au conseil municipal. Il n'est pas impossible qu'ils y parviennent; bien plus, qu'ils y soient en majorité. Alors que deviendrait la propriété forestière? Les visites domiciliaires seraient impossibles; on ne trouverait plus de municipaux pour recevoir les affirmations; il faudrait que les gardes se transportassent journellement au chef-lieu du canton, souvent fort éloigné. Pendant ce temps, la forêt serait au pillage. Sans doute, en l'absence de procès-verbaux, on aurait la ressource du témoignage des gardes; mais le défaut d'exécution de la loi n'en serait pas moins déplorable.

Il faut espérer que l'hypothèse ci-dessus restera chimérique, et que le bon sens des populations écartera des conseils municipaux les délinquants forestiers d'habitude. S'il en était autrement, ce serait le cas de dire: Caveant consules!

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Garde particulier, serment, officier de police judiciaire, délit de chasse, •

compétence.

Le garde particulier n'est pas investi du caractère d'officier de police judiciaire, tant qu'il n'a pas prêté serment. En conséquence, il n'est pas

justiciable de la première chambre de la Cour d'appel pour les délits de chasse par lui commis sur le territoire confié à sa surveillance (1).

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(Ministère public c. Tisserand.) - ARRÊT.

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LA COUR : Considérant que Tisserand est prévenu d'avoir, le 13 juillet 1878, chassé en temps prohibé sur un terrain dont la surveillance lui était confiée en qualité de garde particulier du sieur Prévost; Considérant qu'à la date du 13 juillet 1878 Tisserand n'avait pas encore prêté serment en qualité de garde particulier; qu'à ce moment il n'était donc pas encore investi du caractère d'officier de police judiciaire; qu'en conséquence la Cour est incompétente pour statuer sur le délit qui lui est imputé ; Par ces motifs, se déclare incompétente.

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C. Dijon (1re Ch.). - MM. Saverot, prés.; Cardot,

N° 67.

COUR DE CHAMBÉRY (Ch. corr.). – 13 mai 1880.

Pêche fluviale, ligne flottante, engin prohibé, pêche à la cuiller, loi du 15 avril 1829, article 5.

La pêche vulgairement connue sous le nom de pêche à la cuiller doit être considérée comme rentrant dans les dispositions de l'article 5 de la loi du 15 avril 1829 et n'est pas défendue.

(Dorfin et Domenget.)

La question soumise à la Cour, et tranchée par l'arrêt que nous reproduisons aujourd'hui, intéresse les amateurs de pêche, mais aussi les adjudicataires du droit de pêche; si les premiers ont un intérêt à interpréter d'une manière large les dispositions de l'article 5 de la loi du 15 avril 1829, les adjudicataires du droit de pêche ont un intérêt absolument opposé. La pêche à la cuiller doit-elle être considérée comme une pêche à la ligne flottante ou constituet-elle une pêche avec un engin prohibé? Telle était la question soumise à la Cour.

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Pour mieux faire comprendre en quoi consiste le mode de pêche en question, il est nécessaire de connaître sur quels motifs le Tribunal avait fondé sa décision qui a été réformée par la Cour.

Le considérant de ce jugement est ainsi conçu :

Attendu qu'il est retenu que le maniement de cet engin de pêche se fait en bateau, soit en le tenant à la main, soit en l'attachant au bateau lui-même ; qu'il est armé de plombs pour descendre au fond de l'eau ; que son séjour y

(1) C'est le serment qui donne au garde le caractère d'officier de police judiciaire. Jusqu'à ce qu'il ait rempli cette formalité il n'est que le mandataire du propriétaire et ses procès-verbaux ne font pas foi jusqu'à preuve contraire. Voir, sur une question analogue: Orléans, 1er décembre 1875, Rép. Rev., p. 241 et les observations à la suite.

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