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Le notaire qui omet sciemment de mentionner l'aliénation de la coupe, dans l'acte de vente de la forêt, est à bon droit déclaré responsable de

la coupe, mais entre l'acquéreur de la coupe et l'acheteur de la forêt. Par quel moyen, si cette opinion était admise, l'acquéreur de la coupe pourrait-il se défendre contre l'éviction que lui ferait subir la vente ultérieure de la forêt ou obtenir du moins la réparation du préjudice résultant de cette éviction? Il est certain d'abord que l'acheteur de la coupe ne saurait conserver son droit vis-à-vis de l'acheteur de la forêt en faisant opérer la transcription de son titre; car la transcription n'est prescrite, et par cela même n'est autorisée, que pour les actes translatifs de droits réels immobiliers; or, il s'agit ici d'un droit personnel mobilier (L. 23 mars 1855, art. 1; Aubry et Rau, op. cit., t. II, § 164, texte et note 24; Laurent, op. cit., t. V, no 432). L'acquéreur de la coupe ne pourrait obtenir l'exécution de sa propre vente qu'en faisant annuler, par application de l'article 1167 du Code civil, la vente consentie à l'acquéreur de la forêt. Mais il est de règle que l'acquéreur d'un immeuble n'est tenu de l'action paulienne à laquelle se trouvait soumis son auteur qu'autant que les conditions requises pour l'exercice de cette action se trouvent également réunies dans sa personne, qu'autant, en d'autres termes, qu'il a personnellement participé à la fraude (Aubry et Rau, op. cit., t. II, § 176 his, lettre d). Or, il est possible que cette participation ne soit pas établie, soit parce qu'elle n'aura pas existé, soit à raison des difficultés de la preuve. L'acquéreur de la coupe n'aura donc, en définitive, que la ressource d'agir en garantie contre son vendeur pour obtenir la réparation du préjudice résultant de l'éviction qu'il aura subie. Mais, en fait, cette ressource sera presque toujours illusoire, la déloyauté même des agissements du vendeur étant un indice à peu près certain de son insolvabilité (Dalloz, Rec. périod., 1878, p. 261.)

Ainsi, l'équité proteste contre la solution formulée dans les motifs de l'arrêt rapporté; et nous estimons que le droit est ici d'accord avec l'équité. Sans doute l'article 1141 du Code civil ne règle dans ses termes que le conflit qui s'élève entre deux acquéreurs successifs d'un même meuble; mais il doit être étendu au cas où, par exception, la chose successivement vendue est meuble par rapport au premier acquéreur et immeuble par rapport au second. En effet, d'après l'enseignement des jurisconsultes les plus autorisés, l'article 1141 n'est qu'une conséquence de la maxime: En fait de meubles, possession vaut titre, maxime érigée en disposition de loi par l'article 2179 du Code civil, et qui signifie que, relativement aux meubles, le fait de la possession constitue en faveur du possesseur un titre irréfragable de propriété (Aubry et Rau, op. cit., t. II, § 174, p. 55, et § 183, texte et note 2). Or, la propriété, une fois légalement constituée, est, de son essence, un droit réel, absolu, opposable aux tiers. L'acquéreur, une fois mis en possession réelle et effective de la coupe, et qui en est devenu par cela même propriétaire, ne saurait donc en être évincé sous prétexte que, dans une vente passée postérieurement avec un tiers, cette coupe a été considérée comme un immeuble dont la propriété n'est point acquise par la seule possession.

Quant à la question de savoir dans quels cas et à quelles conditions la possession de l'acquéreur de la coupe est suffisamment caractérisée pour qu'il puisse opposer son titre à l'acquéreur de la forêt, elle doit être résolue d'après les faits particuliers à chaque affaire. Nous inclinons à penser que le martelage, à moins qu'il n'ait eu lieu dans des circonstances exceptionnelles comme celles qui sont relevées par l'arrêt rapporté, constitue une possession suffisante. Il a été jugé

l'éviction subie par l'acheteur de la coupe, alors surtout qu'il connaissait l'insolvabilité du vendeur (C. civ., 1382, 1383) (1).

(Millot et Dufournel c. Langlois et autres.) ARRÊT.

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LA COUR : Considérant que, par acte sous seing privé du 31 mars 1873, enregistré à Gray le 26 mai suivant, Royer a vendu à Millot les coupes nos 10 et 11 de sa forêt des Montots pour le prix de 13 350 francs payé comptant; qu'il est stipulé dans cet acte que les deux coupes seront exploitées pendant l'exercice 1873-1874; que Royer est autorisé à cette vente par ses créanciers hypothécaires; qu'enfin le nombre des arbres à réserver est déterminé ; Que le 30 avril 1873, Millot a cédé son marché à Dufournel, moyennant le même prix de 13 350 francs également payé comptant; Qu'il résulte de la correspondance échangée entre Dufournel et Royer que ce dernier, dont la situation était des plus obérées, désirait, après avoir reçu le prix de ses coupes, en obtenir la rétrocession, afin de faciliter la vente, désormais inévitable, de sa forêt des Montots; qu'après plusieurs ajournements sollicités par lui, ses agents et ceux de Dufournel ont procédé, les 26 et 27 juin, au martelage des arbres réservés; Que, dans une lettre adressée à Dufournel, le 6 juin (laquelle sera enregistrée avec le présent arrèt), Royer écrivait : « Si votre employé est instruit de ce qui se passe entre nous, recommandez-lui de n'en souffler mot à qui que ce soit, pas même à Courty; qu'il dise tout simplement que l'opération à faire (le martelage) est pour parvenir à la vente des taillis et surtaillis »; Qu'il est établi par les documents de la cause que l'employé de Dufournel s'est, en effet, conformé à ces recommandations; Considérant que, le 29 août 1873, il

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est intervenu, avec le concours du notaire Langlois, entre Dufournel et Royer, une nouvelle convention, écrite de la main de Langlois, aux termes de laquelle la vente du 31 mars serait résiliée, à la condition que Royer payerait une somme de 14 690 francs, savoir : 4 690 francs le 1er octobre suivant, et 10 000 francs dans le mois qui suivrait la vente de la forêt des Montots, et au plus tard le 1er juin 1874; qu'à défaut de payement du premier terme, Dufournel pourrait exploiter les deux coupes aussitôt après le 1er octobre; qu'à défaut de payement du second terme, le marché conservant toute sa force, il aurait la faculté de les exploiter en deux années, moitié en 1874 et moitié en 1875; Que le premier terme de 4690 francs a été payé à l'échéance; Considérant que, par acte reçu Langlois, notaire à Chaumont, le 19 avril 1874, Royer, à la suite de deux adjudications publiques demeurées infructueuses, a vendu à Sommelet la totalité de sa forêt des Montots, fonds et superficie; qu'aux termes de cet acte, transcrit le 4 mai suivant au bureau

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que l'acquéreur qui a commencé l'abatage de la coupe, doit être considéré comme ayant pris possession de la totalité (Besançon, 25 janvier 1819, et sur pourvoi, Req., 21 juin 1820, rapporté Jur. gén., vo BIENS, no 40). DALLOZ. M. Lyon-Caen a publié dans le Recueil de Sirey, 1877, 2e partie, p. 193, des observations qui sont, en partie, contraires à celles de M. Dalloz).

(1) Voir, dans le même sens, Rennes, 21 mars 1870 (D., P., 1872, II, 87).

jour de la vente;

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des hypothèques de Langres, l'acquéreur entrera en jouissance à compter du Qu'il n'y est fait aucune mention de l'aliénation des coupes nos 10 et 11, vendues à Millot; Que Dufournel, n'ayant pu obtenir de Royer le payement du second terme de 10 000 francs à l'échéance du 1er juin 1874, se mit aussitôt en mesure d'abattre ces deux coupes; mais que Sommelet s'y opposa et prétendit que, faisant partie de la forêt achetée par lui, elles étaient sa propriété ; Considérant que les coupes de bois sont immeubles par leur nature et ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure que les arbres sont abattus; qu'évidemment la vente d'une forêt, comprenant à la fois le fonds et la superficie, est immobilière pour le tout et investit l'acquéreur, par le seul fait du contrat, de la plénitude du droit de propriété sur l'ensemble, indivisible à son égard, du fonds et de la superficie qui composent l'immeuble forestier; Qu'au contraire, la vente d'une coupe de bois, achetée pour être abattue, est réputée purement mobilière, puisque, entre le vendeur et l'acheteur, elle n'a d'autre objet que de mobiliser le bois en le séparant du fonds; qu'une pareille vente ne confère à l'acheteur aucun droit réel sur l'immeuble, et ne peut engendrer, à son profit, qu'une action personnelle contre le vendeur; Considérant qu'en dehors des stipulations de son contrat, l'acquéreur d'un immeuble n'est tenu, vis-à-vis des tiers, que des charges réelles qui grèvent la propriété vendue, et nullement des obligations personnelles de son vendeur relatives à cette propriété (sauf le cas prévu par l'article 1743 du Code civil), ces obligations eussent-elles une date certaine antérieure à la vente de l'immeuble; - Considérant les que dispositions de l'article 1141 du Code civil sont inapplicables à l'espèce; qu'en effet, il ne s'agit pas, dans la cause, de la vente d'une chose purement mobilière; que cette chose ne serait telle qu'autant qu'elle aurait le même caractère mobilier à l'égard de ses deux acheteurs successifs; mais qu'en toute hypothèse, on ne peut considérer, comme une mise en possession réelle de l'acheteur des coupes, le martelage accompli, le 26 juin 1873, dans des conditions telles que, par la volonté même des parties, il semblait, aux yeux des tiers, bien plutôt une opération préliminaire à la vente que la prise de possession de coupes déjà vendues; qu'ainsi, les premiers juges ont, à bon droit, accueilli la demande de Sommelet, en décidant que Millot et Dufournel ne pouvaient se prévaloir contre lui de la vente du 31 mars 1873;

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Considérant que l'intervention personnelle du notaire Langlois auprès de Dufournel pour en obtenir, dans le seul intérêt de Royer, la convention du 29 août 1873, lui imposait des devoirs auxquels il a manqué; que, bien avant cette démarche, il avait pleine connaissance de la situation désespérée de Royer; que, du 20 décembre 1873 au 22 avril 1874, il a reçu des actes d'obligations hypothécaires pour une somme de 133 000 francs, absorbant et au delà, avec les obligations hypothécaires antérieures, la valeur de tous les immeubles de Royer; qu'il savait donc que celui-ci était complètement insolvable vis-à-vis de ses créanciers chirographaires; Que cependant, le 26 janvier 1874, il écrivait à Dufournel: « M. Royer n'a pas encore vendu ses bois; néanmoins, je crois pouvoir vous dire que l'affaire sera probablement arrêtée ce mois-ci. M. Royer compte vous rembourser les 10 000 francs

de solde aussitôt la vente, et au plus tard le 1er juin. J'ai l'assurance que les choses se passeront au mieux des intérêts de tous, que M. Royer réalisera avantageusement ses immeubles, et que vous serez exactement payé. Cette assurance est purement morale, et je n'entends contracter aucun engagement vis-à-vis de vous; » Que cette lettre semble n'avoir eu pour but que d'entretenir Dufournel dans une sécurité trompeuse, puisque, quelques semaines plus tard, le notaire Langlois rédigeait le cahier des charges de la forêt des Montots, et omettait sciemment d'y insérer une clause relatant l'aliénation des deux coupes vendues à Millot; que cependant il avait alors la certitude absolue que, à raison de l'état de déconfiture de Royer, l'acquéreur de ces deux coupes n'avait d'autre garantie, pour récupérer son prix, que les coupes elles-mêmes; qu'il n'a pas même pris le soin d'avertir Dufournel de l'éviction certaine que lui ménageait la vente à laquelle il allait procéder; Qu'en préparant ainsi cette éviction, le notaire Langlois a commis, en dehors de toute stipulation conventionnelle, une faute grave, qui engage sa responsabilité envers celui qui en a été victime; Que c'est donc avec toute raison que les premiers juges l'ont condamné solidairement, avec les consorts Royer, au payement de la somme de 10 000 francs avec intérêts, restant due à Dufournel... ;

Par ces motifs, etc.

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Du 28 mars 1876. C. de Dijon (3 Ch.). - MM. Saverot, prés.; PouxFranklin, av. gén.; Lombart, Ally, Fremiet et Massin, av.

N° 69. CIRC. DE L'ADMINIST. DES FORÊTS. 30 avril 1880, no 265. Accréditation de la signature des ordonnateurs secondaires des forêts.

MONSIEUR LE CONSERVATEUR, aux termes du paragraphe 8 de l'article 85 du règlement du 26 décembre 1866 sur la comptabilité publique, « la signature des ordonnateurs secondaires est, au moment de leur entrée en fonctions, accréditée auprès des comptables sur la caisse desquels ils peuvent avoir des mandats de payement à délivrer. »

Le ministre des finances vient de décider que ces dispositions doivent être entendues en ce sens que ce n'est pas le titulaire lui-même qui accrédite sa signature, mais bien l'administration supérieure dont il relève directement.

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Il résulte de cette interprétation qu'à l'avenir j'aurai seul qualité pour accréditer auprès des trésoriers-payeurs généraux la signature des conservateurs. Pour me mettre à même de remplir cette formalité, j'ai décidé que tout conservateur récemment promu ou appelé à une nouvelle résidence devra adresser à l'administration, au moment de son installation, le bulletin suivant :

Signature de M.

(nom, prénoms)

nommé conservateur des forêts à

par décret en date du

installé le

(Signature.)

Dans le cas où la conservation comprendrait plusieurs départements, il devrait être envoyé autant de bulletins qu'il y a de départements. - Vous continuerez, comme par le passé, à accréditer vous-même auprès de MM. les trésoriers-payeurs généraux la signature de l'agent qui serait chargé, à titre intérimaire, de la direction de la conservation. Recevez, etc.

Le sous-secrétaire d'Etat, président du conseil d'administration,
Cyprien GIRERD.

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2 oct. 1880, no 271.

N 70. CIRC. DE L'ADMINIST. DES FORÊTS. Délivrances de menus produits. Modifications apportées à la rédaction des avis d'autorisation destinés aux receveurs des domaines.

MONSIEUR LE CONSERVATEUR, une décision ministérielle du 25 septembre 1857, portée à la connaissance des conservateurs le 22 octobre suivant (circulaire no 763), exempte des droits de timbre et d'enregistrement les permis délivrés pour l'enlèvement des menus produits des forêts dont le prix a été payé d'avance. Elle dispose, en outre, que le payement du prix a lieu sur l'avis de l'autorisation transmis au receveur des domaines par l'agent forestier local. Pour l'exécution de cette décision, l'administration des forêts avait fait imprimer des formules contenant une soumission souscrite par l'acquéreur, agréée par l'inspecteur forestier local, et qui, transmise au receveur des domaines chargé d'encaisser le prix convenu, pour lui servir de titre de recouvrement, était exempte, comme le permis, du timbre et de l'enregistre

ment.

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Sur les observations de l'administration des domaines, M. le ministre des finances a jugé que ce mode de procéder était irrégulier. La décision de 1857 ne s'applique, en effet, qu'aux documents administratifs et ne saurait être étendue à des actes d'une nature différente, tels que des demandes souscrites par les concessionnaires de menus produits. Ces demandes tombent sous le coup des dispositions de l'article 12 de la loi du 13 brumaire an VII, qui soumet toutes les pétitions en général à la formalité du timbre de dimension. M. le ministre des finances a, en conséquence, demandé qu'afin de prévenir toute difficulté et de conserver à l'exemption accordée en 1857 son caractère exceptionnel, l'administration des forêts modifiât les formules dont elle faisait usage et ne rédigeât plus l'avis d'autorisation destiné au receveur des domaines sous la forme d'une pétition ou d'une soumission signée par le concessionnaire. · J'ai déféré à ce désir et je vous invite à donner des ordres pour que l'on n'emploie plus dans votre conservation que les formules du nouveau modèle (série 5, no 6, avril 1879). - Recevez, etc.

Le sous-secrétaire d'Etat, président du conseil d'administration,
Cyprien GIRERD.

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