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(Dusauter.)

Ainsi jugé par le rejet du pourvoi du sieur Dusauter, condamné à 16 francs d'amende pour délit de chasse, par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, en dats du 12 février 1880.

ARRÊT :

LA COUR: Sur l'unique moyen du pourvoi pris de la violation des articles 9 et 11 de la loi du 3 mai 1844, en ce que l'arrêt attaqué aurait refusé de reconnaître au demandeur le droit de détruire à l'aide d'une arme à feu des pies et des pigeons ramiers qui portaient dommage à une propriété : Attendu que le préfet de l'Aisne, par un arrêté pris le 1er septembre 1879 pour l'exécution de l'article 9 de la loi du 3 mai 1844, a dressé la liste des animaux qui, dans ce département, doivent être considérés comme malfaisants ou nuisibles; que, par l'article 6 de cet arrêté, les propriétaires, possesseurs ou fermiers sont autorisés à détruire sur leurs terres, en tout temps, à l'aide de pièges en usage autres que les lacets, les animaux énumérés dans cette liste, notamment les pies et les pigeons ramiers; mais qu'aux termes de l'article 8 du même arrêté, cette destruction ne peut s'opérer à l'aide du fusil, lorsque la chasse est suspendue ou fermée, qu'en vertu de l'autorisation du préfet, pour l'arrondissement chef-lieu, et des sous-préfets pour les autres arrondissements;

Attendu qu'un procès-verbal dressé par les gendarmes de la brigade de la Fère constate que, dans le courant du mois de décembre dernier, alors que la terre était couverte de neige et que la chasse était suspendue, le sieur Dusauter, sans autorisation du préfet, a, pendant plusieurs jours, sur la demande d'un de ses voisins, tué, à l'aide d'un fusil, des pies et des pigeons ramiers qui causaient des dégâts dans un champ planté en choux de Bruxelles; Que traduit, à raison de ce fait, devant le Tribunal correctionnel de Laon, le prévenu, par un jugement confirmé ultérieurement par la Cour d'appel d'Amiens, a été condamné à 16 francs d'amende pour avoir contrevenu au paragraphe 3 de l'article 11 de la loi du 3 mai 1844 ;

Attendu que Dusauter soutient dans son pourvoi que c'est à tort que cette condamnation a été prononcée contre lui, parce qu'il n'aurait, en réalité, fait qu'user du droit accordé par l'article 9 de ladite loi à tout propriétaire de repousser ou de détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommage à ses propriétés ; — Qu'il prétend que le mot «< bête fauve », inscrit dans la loi, doit être pris dans un sens général et comprend tous les animaux sauvages, malfaisants ou nuisibles; Attendu que cette interprétation ne saurait être acceptée; qu'en effet le législateur a distingué, dans l'article 9 précité, les aninaux nuisibles ou malfaisants de ceux qu'il désigne sous le nom de bêtes fauves; que, quant aux premiers, il laisse aux préfets le soin d'en dresser la nomenclature, pour chaque département, et de régler les modes de destruction qui pourront être autorisés, tandis qu'à l'égard des bêtes fauves qui portent dommage à la propriété, il reconnaît le droit de les repousser et de les détruire, même avec l'aide d'armes à feu, en dehors de RÉPERT. DE LÉGISL. FOREST. NOVEMBRE 1881.

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T. IX.

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toute intervention de l'autorité; qu'on ne comprendrait pas que, dans le même article de loi, le législateur eût employé des expressions différentes, si l'une et l'autre disposition de la loi s'appliquait aux mêmes animaux ;

Attendu, d'ailleurs, que la seconde partie du paragraphe 3 de l'article 9 a été empruntée presque textuellement à la loi du 22 avril 1790 qui permettait à tout propriétaire, possesseur ou fermier de repousser avec des armes à feu les bêtes fauves qui se répandraient dans les récoltes; que s'il est vrai qu'à l'époque où cette loi a été promulguée, on comprenait sous ce nom, non seulement les bêtes fauves proprement dites, telles que les cerfs, daims et chevreuils, mais encore d'autres bêtes, telles que les sangliers, les loups, les renards, etc., désignés jadis dans la langue de la vénerie, sous le nom de bêtes noires et bêtes rousses, on n'a jamais étendu cette appellation au menu gibier (notamment aux oiseaux), qui dans les anciennes ordonnances sur la chasse était toujours distingué des bêtes fauves; Qu'il en est de même actuellement et qu'on ne saurait, soit dans ce sens usuel, soit dans le sens de la loi, considérer des pies et des pigeons ramiers comme étant des bêtes fauves ; Attendu, dès lors, que, loin de violer les dispositions des articles 9 et 11 de la loi du 3 mai 1844, l'arrêt attaqué en a fait une juste application; que cet arrêt, d'ailleurs, est régulier en la forme; REJETTE...

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Du 11 juin 1880. Cour de cass. (Ch. crim.), MM. de Carnières, pr. ; Sallantin, rapp.; Petiton, av. gén.; pl., Me Sabatier, av. (Le Droit.)

N° 87.-COUR D'AIX (Ch. corr.).

15 juillet 1881.

Bois communaux, lit des cours d'eau, « res nullius », exception prėjudicielle, cantonnier, intention, responsabilité civile, conducteur des ponts et chaussées.

Lorsqu'un chef cantonnier des ponts et chaussées est prévenu d'un délit de coupe de bois commis dans le lit ou sur la rive d'un torrent traversant une forêt communale, il n'est pas recevable à se prévaloir d'une exception préjudicielle tirée de ce que les arbres par lui coupés se trouvaient sur un terrain qui doit être considéré comme res nullius.

Vainement le prévenu se prévaudrait-il de ce que ce terrain aurait été qualifié res nullius par son supérieur hiérarchique qui l'aurait autorisé à couper les arbres dont il s'agit.

En matière forestière, l'absence d'intention frauduleuse ne fait pas disparaître le délit ; alors même que l'acte incriminé aurait été autorisé par le supérieur du fonctionnaire qui l'a commis.

Le conducteur des ponts et chaussées qui a autorisé un cantonnier à couper et à s'approprier des arbres poussés sur les bords d'un torrent, ne peut être considéré comme civilement responsable, alors qu'il n'a donné qu'un simple conseil, sans aucun ordre formel.

(Forêts c. Aime et Ferlin.)

Le 27 août 1880, le garde forestier à Ollioules constatait la coupe de quatre jeunes ormes, dans le canton de la forêt communale appelé Barre de Taillan.

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Ces arbres étaient situés sur la rive droite du torrent de la Reppe, rive qui se trouve comprise entre ledit torrent et la route nationale n° 8. Les recherches du garde lui apprirent que ces ormes avaient été coupés par le sieur Aime (Jacques), chef cantonnier, demeurant à Ollioules, qui ne les avait abattus que parce que son chef, M. Ferlin, conducteur des ponts et chaussées, lui avait dit qu'ils appartenaient à l'Etat. M. Ferlin, consulté par le garde, avait en effet répondu qu'il pensait que l'Etat, propriétaire de la route nationale, possédait les terrains compris entre la route et le milieu du lit du torrent qui la longe.

La saisie des arbres coupés eut lieu au domicile du sieur Aime.

A l'occasion de cette saisie, une correspondance s'engagea entre l'inspecteur et l'ingénieur des ponts et chaussées, lequel prétendit:

1° Que les arbres abattus ayant une partie de leurs racines dans le mur de soutènement de la route, les agents des ponts et chaussées, chargés de la conservation de ces ouvrages, avaient le droit de les couper; du torrent de la Reppe n'appartient à personne ; que les terrains sur lesquels avaient poussé ces arbres, appartiennent à l'Etat; -4° Que le procès-verbal est irrégulier.

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2o Que le lit 3o Qu'il est fort possible

Malgré ces observations, le procès-verbal ayant été déféré au Tribunal correctionnel de Toulon, il est intervenu, à la date du 25 mars 1881, un jugement dont la teneur suit:

LE TRIBUNAL : Ouï les prévenus en leurs réponses et défenses dont le greffier a tenu note sur feuille séparée;

Ouï M. Vincent, inspecteur des forêts, qui, après avoir résumé l'affaire, a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal faire aux prévenus Aime et Ferlin application des articles 192, 198 et 206, s'il y a lieu contre Ferlin, civilement responsable, et les condamner aux frais;

Ouï M. Dyrion, ingénieur des ponts et chaussés, qui, aux noms des sieurs Aime, chef cantonnier, et Ferlin, conducteur des ponts et chaussées, a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal se déclarer incompétent, les prévenus ayant agi au nom de l'administration des ponts et chaussées et en vertu des instructions générales à eux données ;

Subsidiairement, et pour le cas où il se déclarerait compétent, surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été décidé par qui de droit, poursuites et diligences de la partie qu'il plaira au Tribunal d'indiquer, si les terrains appartiennent à la commune d'Ollioules et sont soumis au régime forestier, ou si par contre ils font partie d'un cours d'eau non navigable ni flottable, ou même s'ils appartiennent à l'Etat comme dépendance à titre d'alluvion de la route nationale no 8;

Ouï M. Lavondès, substitut du procureur de la Républiqué, qui a déclaré s'en rapporter à la justice ;

Sur quoi:

Attendu que les prévenus soulèvent une exception d'incom

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pétence, disant qu'ils ont agi comme employés de l'Etat, en vertu des instructions générales à eux données émanant de M. l'ingénieur en chef du Var, du 23 novembre 1877, approuvées par M. le préfet du Var le lendemain, art. 28 D, ordonnant aux cantonniers d'arracher ou couper les racines des chardons, orties ou autres grandes herbes susceptibles de détériorer les talus; Qu'il ne s'agit pas dans l'espèce de chardons, d'orties ou autres grandes herbes coupées ou dont les racines auraient été arrachées, mais de quatre ormes vifs coupés ; — Que dès lors le règlement en question ne saurait être invoqué;

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Attendu qu'en outre, les prévenus soulèvent une exception préjudicielle de propriété, soutenant que le terrain sur lequel ont été coupés les ormes dont il s'agit, fait partie du lit de la rivière de la Reppe, cours d'eau non navigable ni flottable et partant que le terrain en question n'appartient à personne, étant res nullius, et ne saurait être soumis au régime forestier; Que les énonciations du procès-verbal ne contredisent pas cette affirmation et qu'à l'audience l'administration des forêts a prétendu que la Reppe était un cours d'eau non navigable ni flottable, et que son lit s'étend jusqu'au point en litige;

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Attendu que la jurisprudence aujourd'hui constante, soit du contentieux administratif, soit des Tribunaux de l'ordre judiciaire, reconnaît le caractère de res nullius aux lits des cours d'eau non navigables ni flottables; Que les prévenus soutiennent que les ormes coupés l'ont été dans le lit de la Reppe; Que la Reppe d'Ollioules est un cours d'eau non navigable ni flottable; Qu'à l'appui de cette prétention ils invoquent un document administratif, tableau A, année 1862, département du Var, état statistique des cours d'eau non navigables ni flottables, dressé en exécution d'une circulaire du 30 juin 1861 et dans lequel la Reppe d'Ollioules figure sous le no 2, comme traversant les territoires d'Evenos, d'Ollioules et de Saint-Nazaire ; Attendu qu'à cette exception l'administration des forêts, en droit, oppose les termes de l'article 182 du Code forestier qui exige que le délinquant ou contrevenant qui élève l'exception préjudicielle de propriété excipe d'un titre apparent de propriété ou de faits de possession équivalents à lui personnels;

Attendu que si ces conditions doivent être rigoureusement exigées quand le prévenu soutient que le terrain sur lequel a été commis le délit ou la contravention est une propriété privée, il n'en saurait être de même dans l'espèce, puisque le propre des res nullius, par leur nature, est de n'appartenir à personne et de n'être susceptible d'aucun acte de possession légale, ni d'appropriation personnelle ;

Attendu que dès lors il y a lieu de surseoir à statuer au fond; d'impartir aux prévenus un bref délai dans lequel ils devront saisir les juges compétents du litige et justifier de leurs diligences;

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Par ces motifs ; - Vu les conclusions des parties; Code forestier;

Vu l'article 182 du

Vu le tableau A des cours d'eau non navigables ni flottables du département du Var dressé en 1862; - Se déclare compétent;

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Faisant droit à l'exception préjudicielle soulevée par les prévenus, sursoit à statuer au fond jusqu'à ce que la question préjudicielle ait été vidée ; Dit toutefois que les prévenus, dans les trois mois du présent, devront saisir les juges compétents de la connaissance du litige et justifier de leurs diligences; que sinon il sera passé outre ; Appel par l'administration des forêts:

Dépens réservés.

ARRÊT.

LA COUR : Attendu que les poursuites exercées contre Aime, cantonnier, et Ferlin, conducteur des ponts et chaussées, ont été motivées par un procèsverbal régulier, qui constate que quatre ormes vifs ont été coupés dans une forêt appartenant à la commune d'Ollioules, soumise au régime forestier; Que les prévenus, après avoir opposé l'incompétence du Tribunal de police correctionnelle, ont subsidiairement proposé une exception préjudicielle fondée sur ce que les terrains qui portaient les ormes faisaient partie du lit d'un cours d'eau non navigable ni flottable n'appartenant à personne ou dépendant, à titre d'alluvion, d'une route nationale; - Attendu que l'exception préjudicielle ayant été accueillie par les premiers juges, appel a été émis par l'administration forestière; Que, devant la Cour, les prévenus ont versé des conclusions dans lesquelles, sans continuer à se prévaloir du moyen d'incompétence, ils excipent: 1o de ce que la contravention aurait été relevée sur une parcelle devant être considérée comme res nullius; 2o sur ce que, dans tous les cas, l'administration forestière serait sans qualité ;— Qu'ils ont demandé, en outre et subsidiairement, par les mêmes conclusions, un sursis pour « que la procédure puisse être mise en état, conformément à la dépêche ministérielle du 15 juin dernier, par l'intervention régulière de M. le préfet du Var»;

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Sur l'exception préjudicielle : Attendu que les prévenus sont seuls en présence de la Cour; Qu'aucune intervention régulière ne s'est produite en leur faveur; Qu'aucune revendication de propriété n'est formulée au nom de l'Etat par les fonctionnaires chargés de le représenter; Que les prévenus sont donc réduits à exciper, en leur nom personnel, de ce que l'usage du sol sur lequel les arbres ont été coupés, serait commun à tous ;

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Attendu que la Cour n'a pas à décider si le ravin de la Reppe contient ou ne contient pas un véritable cours d'eau, et si ce serait dans le lit d'un cours d'eau ou, au contraire, à côté de ce lit et sur une rive, que les arbres auraient été coupés; qu'elle a seulement à rechercher si, même en admettant l'hypothèse dans laquelle se placent les prévenus, leur exception pourrait être admise;

Attendu qu'aux termes de l'article 182 du Code forestier, l'exception préjudicielle, fondée sur un droit de propriété ou autre droit réel, ne peut être accueillie qu'à la double condition qu'elle sera appuyée sur un titre ou sur des faits de possession équivalents, personnels au prévenu, et que le titre produit ou les faits articulés seront de nature à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou de contravention;

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