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de Chanluau ; Attendu qu'à ce moment, les chasseurs se trouvaient à une distance que les témoins évaluent, les uns, à 500 mètres, les autres à 200 ou 300 mètres; que le piqueur, aidé de l'un des témoins, a enlevé le chevreuil et l'a transporté sur un champ voisin pour en faire la curée ; qu'il s'agit, au débat, d'une chasse à courre et d'un chevreuil lancé par des chiens courants sur la propriété de leur maître;

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En droit: Attendu, que d'après la déposition de Choquart, le chevreuil ayant été forcé sur un terrain voisin de celui de Chanluau, et n'ayant été transporté sur ce terrain que par l'effet de la lutte et des efforts des chiens, aucun fait de chasse n'a été accompli par Champenois sur ledit terrain ; Attendu qu'il en serait de même, si l'on devait accepter la déposition des autres témoins, d'après lesquels le chevreuil a été forcé sur Chanluau lui-même ; Attendu, en effet, que le fait du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui, ne constitue pas par lui-même un délit de chasse; que si la loi de 1844 n'a pas consacré au profit du chasseur le droit de suite, elle a posé en principe que les juges apprécieraient, suivant les circonstances, le caractère de ce passage; qu'ils rechercheraient s'il a été indépendant de la volonté du chasseur, si ce dernier a fait ce qui dépendait de lui pour rompre ses chiens; s'il a été dans l'impossibilité de les arrêter; si, en un mot, il s'agit d'un acte de chasse pratiqué par les chiens seuls, auquel cas il n'y a pas de délit; ou si, au contraire, ledit fait de passage a été accepté, encouragé, ou tout au moins toléré par le maître, qui a appuyé ses chiens, ou qui, pouvant les rompre, në l'a pas fait, auquel cas il a participé à l'acte de chasse accompli par ceux-ci, et commis ainsi le délit prévu par l'article 11;

Attendu que la jurisprudence a précisé les faits qui caractérisent cette coopération volontaire du chasseur, la faisant résulter du long stationnement des chiens sur l'héritage d'autrui, de la présence du maître posté sur la lisière et surveillant le résultat des efforts de ses chiens; que le principe qui domine toutes ces espèces se résume dans la possibilité, ou dans l'impossibilité pour le chasseur de rappeler ses chiens; Attendu que le chasseur qui se trouve à 200 ou 300 mètres de sa meute, au moment où elle pénètre à la suite d'un chevreuil sur l'héritage d'autrui, s'est nécessairement trouvé dans l'impossibilité de l'arrêter à raison d'un écart qui n'a duré que quelques instants, et qu'il s'agit là d'un fait de passage parfaitement indépendant de sa volonté ; que les prévenus, en établissant ce fait, justifient par là même de l'excuse admise la loi ;

par

Attendu que ces principes sont applicables au cas où les chiens ont arrêté et capturé sur le terrain d'autrui le gibier qu'ils ont poursuivi depuis longtemps sur le terrain de leur maître, et qui était à ses fins; que les raisons de décider sont les mêmes ; qu'il s'agit toujours de rechercher s'il y a eu, de la part du chasseur, participation et acquiescement à l'acte de chasse accompli par sa meute; qu'on ne comprendrait pas qu'il pût être déclaré responsable pénalement d'un fait indépendant de sa volonté, et qu'il aurait fait tous ses efforts pour empêcher; qu'en effet, s'il est vrai que la bonne foi n'est pas une excuse en matière d'infraction à la loi sur la chasse, on est d'accord pour recounaître qu'il faut, pour constituer le délit de chasse, un acte de libre volonté

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qui ne se rencontre pas dans la cause ; Attendu le fait du chasseur que d'avoir pénétré sur le terrain d'autrui dans ces circonstances, pour enlever le chevreuil mort, ne peut constituer un délit; que l'animal ayant été tué par la meute, sans la participation délictueuse du maître, et sans que sa responsabilité pénale fût engagée, celui-ci pouvait emporter le gibier dont il était devenu propriétaire en raison de l'occupation pratiquée par ses chiens; qu'il est de principe, en effet, que l'enlèvement d'un animal sur le terrain d'autrui n'est pas un délit, si sa destruction elle-même n'a pas été accomplie au mépris de la loi sur la chasse (Cass., 22 juillet 1869, D., 69, I, 536; Rouen, 21 décembre 1869. S., 80, II, 332); Qu'il résulte de ces principes qu'aucun délit ne peut être imputé au piqueur Champenois à raison de l'entrée des chiens sur la terre de Chanluau, ni à raison de l'enlèvement du chevreuil effectué par ledit Champenois;

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En ce qui touche l'action de Chesnon: Sur la qualité en laquelle il agit: Attendu qu'il justifie être usufruitier du terrain sur lequel l'acte de chasse aurait été accompli; Attendu que l'usufruitier ayant le droit de jouir comme le propriétaire lui-même, à charge de respecter la substance de la chose, il lui appartient,'dès lors, de chasser sur les terres soumises à son usufruit; A l'égard de la nullité de forme résultant de ce que la citation a été donnée par erreur à la requête de Mme Chesnon, au lieu de l'être à la requête de M. Chesnon : Attendu que cette nullité, résultant d'une différence entre l'original et la copie de l'exploit, eût dû être proposée in limine litis et avant les enquêtes; qu'il suffit de donner acte aux parties de ce que l'action est dirigée par M. Casimir Chesnon;

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Au fond: · En fait : — Attendu que Chesnon reproche aux prévenus d'avoir, le 31 décembre dernier, à Bournaud, transporté le chevreuil mort sur son terrain et d'en avoir fait la curée;

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En droit Attendu qu'au point de vue juridique, la chasse comprend tous les actes tendant à la recherche, à la poursuite et à la destruction, ou occupation des animaux sauvages; que la mort de l'animal est le dernier acte de la chasse; qu'on ne saurait voir un fait de chasse dans l'acte qui consiste à dépecer et à diviser l'animal aussitôt après sa mort, et à en distribuer les membres aux chasseurs ou aux personnes présentes, et les entrailles aux chiens courants qui ont participé à sa poursuite; Que vainement on objecte qu'en terme de vénerie la curée est le dernier acte de la chasse, et qu'il s'accomplit avec un certain appareil en présence des chiens, sur le terrain même de la chasse; Qu'au point de vue légal, l'expression de chasse a une signification plus restreinte que dans le langage de la vénerie, et qu'il est impossible d'y faire rentrer les actes postérieurs à la destruction du gibier poursuivi; Qu'ainsi le délit de chasse relevé par Chesnon, à raison de la curée faite sur son terrain, n'est pas établi ; Qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la responsabilité civile de M. d'Oyron, à raison des faits de son piqueur;

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Par ces motifs; Le Tribunal met hors de cause MM. d'Oyron et Lejeune, et donnant acte aux parties de ce que l'action est introduite par M. Casimir Chesnon, et non par Mme Chesnon, déclare MM. Chanluau et Chesnon non

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recevables et mal fondés en leur action contre MM. d'Oyron, Lejeune et Champenois, les en déboute; renvoie les prévenus de la fin de la prévention et condamne les plaignants solidairement aux dépens.

Du 13 mai 1881.- Trib. de Loudun; MM. Muray, prés.; Bourgueil, subs.; pl., MMes Marsault et Morillon du Bellay, av.

OBSERVATIONS. Les solutions très nettes, données par ce jugement, sans être nouvelles, ne sont pas sans intérêt.

La première se réfère à la poursuite du gibier sur le fonds d'autrui. Le passage des chiens sur les terres du voisin n'est point un droit pour le chasseur, mais seulement un fait qui peut, dans certaines circonstances, ne pas être considéré comme un délit, à la condition que le chasseur n'aura rien négligé pour rompre et rappeler ses chiens. C'est là le point essentiel à établir et sans la preuve assurée duquel l'on aboutit à une condamnation.

Ainsi, même le simple fait d'attendre sur ses propres terres, en action de chasse, et sans les ramener, les chiens en quête ou à la poursuite sur le fonds voisin, constitue un délit.

(Voir Rouen, 3 février 1870, dans le Droit de 1870, n° 218; Rouen, 11 janvier 1872, Recueil de Rouen, 1872, 175; C. cass., 7 décembre 1872 (Sirey, 1873, I, 94; Dalloz, 1872, I, 476); Angers, 17 mai 1873 (Dalloz, 1873, II, 172); Crim. cass., 4 janvier et 26 juillet 1878 (Dalloz, 1878, I, 334, et 1879, I, 142); Sorel, Droit de suite, no 21; Le Blond, Code de la chasse, I, no 222; Jullemier, Procès de chasse, p. 67.)

Il se présentait deux autres questions dans le procès de Loudun.

D'abord, dans quelles conditions le chasseur peut-il atteindre, sur le terrain d'autrui, le gibier par lui poursuivi et blessé ? Il y a ici une distinction à établir.

La bête de chasse a-t-elle reçu des coups de feu ou a-t-elle été assaillie par les chiens au point d'être mise à ses fins?

Hors de combat, elle est assimilée à une pièce morte et le chasseur peut venir l'enlever sur le fonds voisin et même la faire chercher par ses chiens. (Voir Sorel, Dommage aux champs, no 29; Gillon et Villepin, no 175; Villequez, Droit du chasseur sur le gibier, p. 36 et 41; Giraudeau et Lelièvre, la Chasse, no 162.)

La chasse, en effet, est la poursuite du gibier vivant. S'il est mort; si le chasseur l'a mis à bas, il en a fait sa propriété, et de là son droit d'aller le ramasser n'importe en quel endroit, même avec le secours de ses chiens, si la bête est tombée dans un fourré, dans un fossé profond, une pièce d'eau ou une rivière.

Ainsi, un chevreuil est blessé de deux coups de fusil; le chasseur, son arme en bandoulière, suit ses chiens et leur arrache le chevreuil dans une partie de forêt où il n'a pas droit de chasser. Il ne commet aucun délit, comme l'a décidé la Chambre criminelle de la Cour de cassation par son arrêt du 23 juillet 1869. (Voir le Droit, 1869, no 174; Sirey, 1870, I, 94.)

Mais, si la bête n'est pas mortellement blessée, si elle peut échapper; si un sanglier, par exemple, bien qu'atteint de plusieurs balles, fait tête aux chiens, en tue et blesse plusieurs, il n'est pas permis de l'achever sur le terrain d'autrui, parce qu'il peut encore démonter la meute et reprendre sa course. (Voir Crim. cass., 28 août 1868, n° 297; le Droit, 1868, no 207; Dalloz, 1868, I, 509.) C'est un point de fait laissé à l'appréciation du juge et toujours dominé par la question de savoir si la pièce de gibier est morte ou a pu être considérée comme telle, ce qui n'est parfois pas facile à discerner. Mais le doute devra toujours tourner au profit du chasseur.

Le Tribunal de Loudun avait enfin à décider si l'on peut faire la curée sur la propriété du voisin.

Pourquoi non, suivant les principes que nous venons de développer? La poursuite, la chasse est finie. Il n'y a plus de délit possible.

La curée chaude ou fouaille, s'il s'agit du sanglier, s'accomplit au moment où l'animal vient de tomber et avant qu'il soit refroidi; c'est la meilleure.

Le pied droit de devant de la bête levé, les filets et morceaux délicats réservés, on abandonne à la meute le reste, dépecé, tout sanglant et étendu sur le cuir de l'animal.

Les chiens se précipitent alors sur leur proie, au son des fanfares et à la lueur des torches, quand la nuit est venue.

La curée n'a jamais été considérée comme un fait de chasse. susceptible d'être un délit, et c'est à tort que, dans cette affaire de Loudun, le deuxième demandeur, comme le premier, avait assigné.

Il ne pouvait que réclamer des dommages-intérêts si ses champs avaient été foulés, ravagés, si un préjudice quelconque lui avait été causé. (Le Droit.)

No 92. Lor. 20 août 1881. CODE RURAL.

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Loi relative aux chemins et sentiers d'exploitation, loi relative aux chemins ruraux, loi ayant pour objet le titre complémentaire du livre 1er du Code rural, portant modification des articles du Code civil relatifs à la mitoyenneté des clôtures, aux plantations et aux droits de passage en cas d'enclave (1).

Loi relative au Code rural (chemins et sentiers d'exploitation).

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,

Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

SECTION III

Des chemins et sentiers d'exploitation.

Art. 33. Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers héritages, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi; mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public.

Art. 34. Tous les propriétaires dont ils desservent les héritages sont tenus les uns envers les autres de contribuer, dans la proportion de leur intérêt, aux travaux nécessaires à leur entretien et à leur mise en état de viabilité.

Art. 35. Les chemins et sentiers d'exploitation ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s'en servir. Art. 36. Toutes les contestations relatives à la propriété et à la suppression de ces chemins et sentiers sont jugées par les Tribunaux comme en matière sommaire.

Le juge de paix statue, sauf appel, s'il y a lieu, sur toutes les difficultés relatives aux travaux prévus par l'article 34.

Art. 37. Dans les cas prévus par l'article 34, les intéressés pourront toujours s'affranchir de toute contribution en renonçant à leurs droits, soit d'usage, soit de propriété, sur les chemins d'exploitation.

(1) Cette loi intéresse le service forestier en ce qui concerne : 1o les chemins ruraux traversant les bois domaniaux; 2o les modifications apportées à différents articles du Code civil relatifs aux arbres de lisière; 3o les dispositions relatives aux enclaves.

La première section, relative aux chemins ruraux, est de beaucoup la plus importante. Il est vraisemblable que des instructions administratives traceront aux agents forestiers la marche à suivre pour le cas où ils penseraient que ces chemins sont la propriété exclusive de l'Etat.

Quant aux modifications apportées aux articles 671 et suivants du Code civil, on remarquera que les dispositions nouvelles sont généralement en harmonie avec la jurisprudence et qu'elles tranchent plusieurs questions controversées. A l'avenir il n'y aura plus de difficulté sur ce qu'on doit entendre par arbres à haute tige et arbres à basse tige.

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