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Il peut donc se rencontrer un ensemble de circonstances exceptionnelles dans lesquelles le propriétaire peut agir comme partie civile contre ceux qui auraient transporté du gibier tué dans des battues. Son intérêt est évident, et la légitimité de son action serait admise par les Tribunaux. -- Ceci est d'autant plus manifeste, qu'un cerf dépourvu de son bois se vend à la Halle de 100 à 150 francs. Le bois d'un dix cors vaut au moins 150 francs. Si l'on en a tué un grand nombre, on voit jusqu'à quel point le propriétaire de la chasse se trouve lésé.

Une dernière question surérogatoire avait été élevée. On reprochait au lieutenant de louveterie d'avoir quitté la battue avant qu'elle fût terminée. On soutenait qu'elle s'était continuée hors sa présence, et qu'elle s'était prolongée pendant la nuit. La chasse de nuit donnait lieu à une action directe contre ses auteurs et non contre le lieutenant. Quant à la chasse de jour, peu importait qu'elle se fût continuée sans sa présence. La question présentait peu d'intérêt, puisque l'illégalité de la battue résultait de l'absence de tout représentant de l'administration forestière. A supposer qu'un agent forestier ait été présent, après le départ du lieutenant, la battue aurait pu continuer sous sa direction. Quant au lieutenant, s'il se retire intempestivement, il peut encourir les réprimandes de ses supérieurs; mais il ne commet aucun délit, pas plus que s'il autorise à tirer ou qu'il tire lui-même en dedans d'une enceinte. Bien que cette action soit contraire aux règles de la vénerie, et qu'il puisse en résulter de graves accidents, le tir dans l'enceinte, non suivi de blessures, n'est pas punissable. Les blessés, s'il y en avait, auraient seuls le droit de porter plainte.

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10 Motifs des jugements, motifs insuffisants, expertise, responsabilité, 2o Responsabilité, gibier, bois, propriétaire, faute, constatation.

Est nul pour contravention à l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, le jugement qui rejette sans donner de motifs une demande en nullité d'expertise, et qui admet la responsabilité d'une partie sans constater aucune faute qui lui soit imputable (1re espèce).

Le jugement qui, pour décider que le gibier habitant le bois d'un propriétaire a causé, par la faute de celui-ci, un préjudice au propriétaire du fonds voisin, se réfère uniquement à un rapport d'expert,

lequel ne relève à la charge de la partie déclarée responsable aucun fait ayant le caractère d'une faute, viole les règles établies en matière de responsabilité (C. civ., 1382 et suiv. (2 espèce).

La Cour de cassation a toujours le droit de vérifier l'existence de la faute (3o espèce).

1re Espèce: (De Larochefoucauld, duc de Doudeauville,

c. Jubault.)

ARRÊT.

LA COUR: Statuant sur le pourvoi formé contre un jugement du tribunal civil de Vendôme du 3 févr. 1876: Vu les articles 7 de la loi du 20 avril 1810, 1382 et 1383 C. civ.; Attendu que le duc de Doudeauville a pris devant le tribunal de Vendôme des conclusions tendant à l'infirmation du jugement de défaut du 28 juin 1875, qu'il demandait au juge d'appel de dire qu'il n'était pas responsable, en principe, des dégâts causés par le gibier de sa forêt, qu'aucune faute n'était relevée contre lui, que la décision manquait de base légale, et que, par l'adoption de l'avis des experts qui ne s'expliquaient pas sur les faits pouvant engendrer sa responsabilité, elle n'avait pas statué sur la question de responsabilité, qu'enfin le rapport d'experts était entaché de nullité par suite de l'inobservation des formes prescrites par les articles 42 et 317 C. pr. civ.; Attendu que le jugement du Tribunal de Vendôme a rejeté implicitement, sans donner de motifs, la demande en nullité de l'expertise, et qu'il a admis la responsabilité du duc de Doudeauville sans constater aucun fait constituant une faute qui lui fût imputable; Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement attaqué a violé les articles susvisés : Par ces motifs, casse.

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Du 18 juin 1878. Ch. civ. MM. Mercier, 1er pr. Rohault de Fleury, rap. - Charrins, av. gén., c. conf. Mimerel et Coulombel, av.

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2o Espèce (De Larochefoucald, duc de Doudeauville, c. Jubault.)

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ARRÊT (après délib. en la ch. du cons.)

LA COUR Statuant sur le pourvoi en cassation du jugement du Tribunal civil de Vendôme du 20 mai 1876 pour violation des articles 1382 et 1383 C. civ.; · Vu lesdits articles; Attendu que la décision attaquée se borne à déclarer qu'il résulte du rapport de l'expert que le gibier habitant les bois du demandeur en cassation a occasionné par la faute de celui-ci un préjudice au défendeur, qu'il est justifié que la responsabilité du demandeur se trouve engagée, et qu'il est, par suite, inutile d'autoriser la preuve des faits articulés ; Attendu que ni le jugement, ni le rapport auquel il se réfère ne relève ni ne précise aucun fait à la charge du demandeur constituant une faute, une imprudence, ou une négligence de nature à engager sa responsabilité ; - D'où il suit que le jugement en condamnant le demandeur comme responsable manque de base légale, et a par là même violé les articles susPar ces motifs, casse.

visés ;

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Du 18 juin 1878.

Ch. civ. MM. Mercier, 1er pr. -Rohault de Fleury, rap. Charrins, 1er av. gén., conf.; Mimerel et Coulombel, av.

3o Espèce.

(Foacier de Ruzé c.

Longuet). — ARRÊT.

LA COUR : Vu les articles 1382 et 1383, C. civ.: Attendu que les dommages causés aux propriétés voisines d'un bois, autre qu'une garenne, par les lapins qui y séjournent, n'engagent la responsabilité du locataire de la chasse qu'autant qu'il est prouvé que ces dommages sont le résultat d'une faute qui lui est imputable; que l'appréciation de cette faute étant soumise au contrôle de la Cour de cassation, il est indispensable que les faits ou omissions qui la constituent soient précisés par les juges du fond; Attendu que, dans l'espèce, si le tribunal déclare que les lapins existant dans le bois de la Queue-d'Ham n'ont pas été détruits en quantité suffisante et que la faute en est au sieur Foacier de Ruzé, fermier de la chasse, il n'indique pas en quoi il n'a pas fait le nécessaire, c'est-à-dire quels moyens de destruction il a omis; qu'en statuant ainsi, le jugement attaqué a donné un motif implicite pour rejeter la demande subsidiaire d'enquête formée par de Ruzé ; mais qu'il manque, au fond, de base légale ; - D'où il suit qu'il a faussement appliqué et par suite violé les articles de loi ci-dessus visés ; Casse, etc. Du 5 août 1879. Ch. civ. MM. Gastambide, prés.; Guérin, rapp.; Desjardins, av. gén. (concl. conf.); Sabatier et Demasure, av.

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OBSERVATIONS. Les trois arrêts rapportés sont très importants. Ils confirment en l'accentuant la jurisprudence consacrée par la Cour de cassation, de laquelle il résulte que celui qui se plaint d'un dommage causé par le gibier doit prouver la réalité et l'importance du dommage. (V. tables du Rép. de la Revue, t. VI et VII, vo Chasse.)

Dans les deux premières espèces, il y avait eu rapports d'experts, mais ces rapports ne s'expliquant pas sur les faits qui avaient donné lieu à la responsabilité, la faute du propriétaire de la forêt n'était pas prouvée. Le Tribunal, en se fondant sur ces expertises manquant de précision, s'était borné à déclarer sèchement l'existence du dommage sans exprimer en quoi consistait la faute.

De plus, dans la première espèce, l'expertise était arguée de nullité, et cependant le Tribunal avait admis la responsabilité sans s'expliquer sur la nullité de l'expertise qui se trouvait ainsi rejetée implicitement. Cette décision était donc nulle pour défaut de motifs.

Dans la seconde espèce, la nullité de l'expertise n'était pas demandée; mais ni le rapport, ni le jugement ne relevaient aucun fait constitutif d'une faute pouvant donner lieu à la responsabilité. Cette absence de précision enlevait au propriétaire de la forêt la possibilité d'établir la preuve contraire, laquelle est de droit.

En résumé, il résulte des arrêts rapportés qu'il ne suffit pas que le juge du fait déclare sèchement l'existence du préjudice ; il faut qu'il indique et qu'il précise les causes du préjudice qui peuvent seules motiver l'allocation d'une indemnité. A défaut de ces constatations, le jugement de condamnation manque de base légale.

Il faut remarquer, en outre, que l'absence de précision des faits enleverait à la Cour suprême son droit souverain de vérifier l'existence de la faute, et d'apprécier si les circonstances admises par les juges du fait constituent en réalité les caractères d'une faute entraînant la responsabilité du propriétaire, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil. C'est ce que la Chambre civile a déclaré dans la troisième espèce. E. MEAUME.

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Destruction des bêtes fauves, battues aux sangliers autorisées. par arrêté préfectoral, chasse des cerfs, biches et faons, acte délictueux, Se livre à un fait de chasse délictueux qui ne peut être couvert par les dispositions de l'article 9, § 3, de la loi du 3 mai 1844 celui qui, en présence d'un arrêté préfectoral autorisant des battues pour la destruction des sangliers, chasse des cerfs, biches ou faons.

Aux termes dudit article, alors même qu'un dommage pourrait être causé à sa propriété par des bêtes fauves se trouvant dans une forêt voisine, le propriétaire ne peut détruire lesdites bêtes fauves que dans le cas de légitime défense motivé par un péril imminent.

(Min. pub. c. Tholimet et autres.)

Les habitants des communes limitrophes de la forêt de Fontainebleau se plaignent vivement du dommage causé à leurs propriétés par les incursions du gros gibier qui se trouve dans cette forêt.

Pour porter remède à cet état de choses, M. le préfet de Seine-et-Marne a autorisé, en 1878 et en 1879, des battues qui devaient avoir lieu sous la direction du maire; elles étaient limitées aux sangliers.

Dans quelques-unes de ces battues, le maire de Montigny-sur-Loing autorisa ses administrés qui y prenaient part à tirer sur les cerfs et les biches. Plusieurs de ces animaux ont été tués dans ces conditions.

Le parquet de Fontainebleau a considéré qu'en ne se conformant pas rigoureusement aux dispositions des arrêtés préfectoraux, les habitants de Montigny-sur-Loing s'étaient rendus coupables du délit de chassse en temps prohibé; il a cité devant le Tribunal correctionnel MM. Tholimet, Denis, Martin, Monier, Gentil (Adrien), Gentil (Louis) et Bartier.

Ces derniers ont été renvoyés des fins de la poursuite par le jugement

suivant, rendu le 14 novembre dernier par le Tribunal de Fontainebleau, et qui fait suffisamment connaître les moyens invoqués respectivement :

LE TRIBUNAL : Attendu qu'il résulte des documents soumis au Tribunal qu'en 1872 les palissades séparant la forêt de l'Etat du territoire de Montignysur-Loing ont été enlevées par l'administration forestière ; Attendu que

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cet enlèvement de palissades a nécessairement favorisé l'incursion des cerfs et biches sur les propriétés des habitants de cette commune, notamment dans la partie comprise sous la dénomination du Vallon des Treuilleaux, entre le hameau de la commune de Montigny, le chemin de fer du Bourbonnais et la commune de Marlotte; Attendu que les ravages causés sont devenus si considérables, notamment depuis deux ans, ainsi qu'il résulte non seulement des renseignements généraux, mais de la déposition du garde champêtre et du maire, que celui-ci crut pouvoir user de la faculté donnée par la loi du 3 mai 1844; qu'en fait, profitant d'une proposition admise par le maire de la commune de Bourron pour la destruction des sangliers, le maire de Montigny, sans même attendre le résultat d'une demande de battue transmise au préfet de Seine-et-Marne, le 28 juillet 1879, convoqua le 2 août, à son de caisse, ses administrés pour repousser et détruire en même temps les cerfs et les biches, contre lesquels le fermier de la forêt, trop intéressé suivant lui, à la conservation du gibier, ne paraissait prendre que des mesures illusoires ; Attendu c'est ainsi que que, le 3 août, les prévenus se rendirent, en compagnie d'une quarantaine d'habitants non compris dans la prévention, à un point de réunion connu sous le nom de Vallon des Treuilleaux, joignant immédiatement la forêt, pour repousser et détruire les animaux portant dommage et dont la présence continue offrait un danger de tous instants; Attendu qu'au reproche de la prévention d'avoir, dans ces conditions, chassé en temps prohibé les prévenus répondent, tant par eux-mêmes que par leur défenseur, qu'ils n'ont qu'usé du droit conféré par l'article 9 de la loi précitée de repousser et détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommage aux propriétés ;

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Attendu que le ministère public, sans contester l'existence des dégâts, maintient la prévention en soutenant que l'exception de l'article 9 n'est irrévocable qu'au cas où l'animal serait pris en flagrant délit de pâture ou de dommage, et que, par suite, les prévenus ont enfreint l'arrêté préfectoral, en date du 31 juillet 1879, qui n'autorise que la destruction des sangliers; Mais attendu que les termes invoqués de la disposition de l'article 9 doivent être interprétés dans le sens d'une application utile et possible; Que les dégâts commis par les sangliers, cerfs et biches, s'ils le sont parfois le jour, ne le sont généralement que la nuit, c'est-à-dire alors que la plaine est silencieuse et dépourvue d'habitants; que les dégâts sont généralement commis dès le matin, quand les habitants arrivent aux champs; —Que s'il fallait limiter la destruction au cas de flagrant délit, outre que ce flagrant délit est peu susceptible de se présenter le jour en raison de l'instinct des animaux, il faudrait admettre que les habitants pourraient, au temps où la chasse est prohibée, sortir de nuit comme de jour avec une arme à feu ; Que ce serait les exposer à être poursuivis pour chasse la nuit en temps prohibé et

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