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Telle est la règle prescrite pour les cours d'assises. Si dans le cours des débats on juge nécessaire d'entendre des témoins sur un fait douteux, le président a le droit de suspendre les débats pour les faire entendre. Le ministère public le requerra même, s'il y a vraiment nécessité de les entendre. Il n'a d'autre désir que de voir luire la vérité.

» Mais après toutes les concessions faites au maréchal, après les preuves acquises par la notoriété publique, quand on ne parle que de faits antérieurs au fait principal, il ne peut s'empêcher de persister à croire que ce n'est pas dans l'intérêt de la cause, mais dans le seul but de prolonger de quelques jours l'incertitude actuelle du sort du maréchal, qu'on demande des délais; il conclut, en conséquence, à ce que les débats soient incontinent ouverts, sauf au président à prendre telles mesures qu'il croira convenables à l'égard des témoins dont l'audition lui paraîtra nécessaire. >>

Mr. Dupin a répliqué: « On nous oppose que les débats étant commencés, il faut les continuer; mais les débats ne sont pas ouverts, puisque le réquisitoire du procureur du Roi tend à ce qu'ils commencent incontinent. On nous oppose encore les règlemens des cours d'assises : l'argumentation devient difficile; tantôt nous procédons comme des conseils de guerre, tantôt comme des cours d'as

sises, tantôt comme des cours spéciales: quel est en définitif celui de ces trois modes que nous devons suivre ? J'accepte celui des cours d'assises puisque c'est le dernier dont on a parlé. Eh bien! devant les cours d'assises, le jour de la comparution est fixé long-temps d'avance; ici les pièces ne nous ont été communiquées que le 18; c'est le 18 seulement que nous avons reçu l'acte d'accusation : pouvions-nous faire assigner des témoins avant de savoir si nous étions accusés, de quoi nous étions accusés ?

» Je réduis la cause à ce point: A-t-il été possible, en passant toutes les nuits, en consacrant notre existence toute entière à la cause du maréchal, de nous préparer à le défendre aujourd'hui ? Avons-nous pu, avec la rapidité de l'éclair, envoyer nos citations aux témoins domiciliés sur tous les points du royaume? On pourra y suppléer, diton, avec l'instruction écrite. Eh quoi! tous les témoins à charge seront entendus verbalement, et nous n'aurons à leur opposer que de simples renseignemens! C'est du choc des dépositions que naîtra la lumière. Si nous n'avons qu'un papier mort opposer à des discours animés, la partie n'est pas égale. Il ne suffit pas que le maréchal soit déchargé des faits antérieurs au 14 mars; mais il faut encore que la chambre sache dans quelle situation d'esprit

à

il se trouvait quand le fait qu'on lui reproche s'est passé.

» En droit, il n'y a eu nul délai préfix; en fait, nous ne sommes légalement accusés que du 18. Il est évident qu'en quatre jours de temps nous n'avons pu assigner les témoins. Si nous demandons qu'ils soient cités à la requête du ministère public, c'est afin qu'il n'y ait pas de temps perdu. Nous ne demandons que le délai rigoureusement nécessaire, et nous nous en rapportons pleinement à votre justice. »

M. Bellart a dit : « Je ne reprends la parole que pour redresser un fait. A entendre le maréchal, il semblerait qu'il n'est prévenu que depuis quatre jours de l'accusation dirigée contre lui. Mais n'a-t-il pas déjà été traduit en jugement? Si le maréchal avait entendu, le 18, pour la première fois, parler des charges qui s'élèvent contre lui, il serait parfaitement fondé; mais après avoir essuyé une première instruction, cette prétention n'est pas soutenable. Les témoins sont inutiles à entendre; le ministère public ne peut interposer son autorité pour les faire comparaître. Je persiste dans mes con

clusions. >>

Mc. Berryer a répondu : « Je ne me permets qu'une remarque, c'est que devant les conseils de guerre il n'y a jamais d'acte d'accusation. L'attaque n'y est

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jamais connue. Nous ne pouvions donc pas être avertis des chefs multipliés qu'on nous impute, et auxquels se rattachent quinze textes du code pénal au code militaire. Le conseil de guerre, malgré son inflexible sévérité, a mis de niveau les moyens d'attaque et les moyens de défense; la cour des pairs ne sera pas moins équitable. »

La chambre s'est retirée, pour délibérer, à cinq heures et demie; à six heures et demie, elle est rentrée en séance, et M. le chancelier a prononcé l'arrêt suivant :

<< La chambre des pairs, faisant droit sur la demande de l'accusé, tendante à l'ajournement des » débats à tel jour qu'il lui plaira fixer, après avoir » entendu les conclusions des commissaires du Roi, » s'ajourne à lundi 4 décembre, dix heures du ma» tin, pour tout délai, pour l'examen, l'ouverture >>*des débats et le jugement, toutes les assignations

>> aux témoins tenant. >>

Après ce jugement, la seconde audience a été

levée.

T

Les débats ont recommencé le 4 décembre.

M. le chancelier, président, a de nouveau de

mandé au maréchal ses noms, prénoms, âge, lieu de naissance, domicile, etc.; il a répondu comme précédemment.

Après l'appel nominal de Messieurs les pairs M. le procureur-général a dit :

«La lecture donnée à la chambre de l'acte d'accusation expose tous les griefs contre le maréchal Ney. Les retracer en détail, après qu'ils ont été déjà mis sous les yeux, ce serait et faire un double emploi et perpétuer les sentimens de douleur qu'ils ont déjà excités en vous: je crois devoir faire, à la rapidité de la marche de l'affaire, et pour l'intérêt de la justification et de l'accusation, le sacrifice du développement que je pourrais donner à ces imputations. Je vais donc me borner à faire donner par le secrétaire-archiviste lecture de la liste des témoins.

» Le greffier en chef a donné lecture de la liste des témoins appelés à la requête du ministère public et de l'accusé."

Témoins appelés à la requête du ministère public.

MM. le duc de Duras, Magin, Pantin, Perrache, le chevalier de Richemont, de Beausire, le duc de Reggio, le baron Clouet, le comte de Faverney, le prince de Poix, le comte de Scey, le comte de la Genetière, le comte de Grivel, le comte de Bourmont, de Balliencourt, Charmoille de Fresnoy, le chevalier Grison, Tumeril de Le

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