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R. Non.

D. Déposez ce que vous savez des faits contenus dans l'acte d'accusation.

R. Je persiste dans ma précédente déposition

écrite.

D. Vous devez, devant la chambre, répéter les mêmes faits qui sont contenus dans cette déposition.

R. Le 7 mars dernier j'ai introduit M. le maréchal Ney dans le cabinet du Roi, de onze à onze heures un quart. Le maréchal s'est avancé d'un pas ferme vers le Roi, et, en s'inclinant, il a remercié Sa Majesté de la confiance dont elle venait de lui donner un témoignage par des pa roles pleines de bonté. Après avoir baissé la main que le Roi a daigné lui tendre, il a dit à Sa Majesté que, s'il pouvait prendre Bonaparte, il le lui ramenerait dans une cage de fer.

Le président a demandé au maréchal : Avez-vous, quelques observations à faire sur la déposition du

témoin ?

R. Je n'ai point dit cela. Je croyais avoir dit l'inverse; que l'entreprise de Bonaparte était si extravagante que, si on le prenait, il mériterait d'être amené dans une cage de fer.

Mr. Berryer a demandé que M. le président interpellât le témoin pour savoir si ce sont bien les termes dont s'est servi le maréchal.

TOME II.

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Le témoin a répondu : Je ne sais si ce sont les termes positivement; mais c'est bien le sens de ce qu'il a dit.

Deuxième témoin, M. le prince de Poix.

Après les formules d'usage, M. le prince de Poix a déclaré s'appeler Philippe-Louis-Marc-Antoine de Noailles, prince de Poix, grand d'Espagne de première classe, capitaine des gardes du Roi, lieutenant-général de ses armées, gouverneur de Versailles, etc., chevalier de Saint-Louis, etc., âgé de soixante-deux ans, domicilié à Paris; il a persisté dans sa déposition écrite.

Sur l'observation de M. le président, de rappeler devant la chambre les faits relatifs à l'accusation, il a déposé ainsi qu'il suit :

Le 7 mars, jour de son départ, le maréchal Ney fut introduit chez le Roi pour prendre congé de Sa Majesté; le Roi le fit entrer sur-le-champ, et lui dit à peu près ces mots : Partez; je compte bien sur votre dévouement et votre fidélité.

Le maréchal s'inclina, baisa avec affection la main que le Roi lui tendit, et dit: Sire, j'espère bien venir à bout de le ramener dans une cage de fer. Après quoi il sortit.

Le troisième témoin, le comte de Scey, se nomme Pierre Georges, comte de Scey-Montbelliard, maréchal des camps et armées du Roi,

chevalier de Saint-Louis, ancien préfet du département du Doubs, âgé de quarante-quatre ans, domicilié à Besançon, ne connaissant pas l'accusé avant les faits qui ont donné lieu à l'acte d'accusation, a déposé à peu près en ces termes, après les interpellations d'usage:

« A l'arrivée du maréchal à Besançon, entre neuf et onze heures, le 10 mars, j'allai prendre ses ordres. Il me dit qu'il n'en avait aucun à me donner. Il me demanda de lui procurer des chevaux de selle et de l'argent sur la caisse publique ; Il tenait des discours véhémens contre Napoléon ; cependant, en ce moment, il existait un grand enthousiasme de fidélité pour le Roi à Besançon. Les voitures de Monseigneur le duc de Berri avaient été menées au cri de vive le Roi!

» Je lui demandai des munitions et des armes pour les volontaires royaux et les gardes nationales ; il me répondit qu'il n'y en avait pas. Il me donna des inquiétudes sur les entreprises de Bonaparte, en me disant que S. A. R. Monseigneur le duc de Berri ne viendrait pas, qu'il l'en avait détourné. :

» J'avais vu partir des canons et dégarnir la place. J'en demandai raison au général d'artillerie, qui me répondit que cela ne me regardait pas, et qu'il agissait en vertu des ordres qu'il avait reçus.

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>> Au moment de son départ pour Lons-leSaulnier, M. le maréchal me fit demander par M. Passinges de Préchamp, son chef d'état-major, un mandat de 15,000 francs sur le receveur général. Je fis observer à cet officier que je ne pouvais le délivrer, vu le peu de fonds qu'il y avait dans les caisses, et qu'il était de mon devoir de conserver, pour assurer le prêt à la garnison; que M. le maréchal se procurerait facilement ailleurs l'argent qui pouvait lui être nécessaire pour une campagne aussi courte. M. de Passinges, mécontent de mon refus, me répliqua avec vivacité : Cela n'ira pas comme vous le pensez. Les partisans des Bourbons sont sans énergie.

» Depuis le départ du maréchal Ney, je n'ai reçu de lui qu'une lettre du 13 mars, par laquelle il me demandait les contrôles de la garde nationale à pied et à cheval.

» Le 15 au matin, la proclamation du maréchal arriva à Besançon.

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Le président a demandé au maréchal s'il avait des observations à faire.›

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Le maréchal a répondu au témoin : « Je ne vous ai jamais parlé d'argent à Besançon ; je vous ai dit de faire diligence pour avoir des chevaux pour le train d'artillerie, et vous n'en avez rien fait. On n'a point dégarni Besançon; on a au

contraire rentré dans la place toutes les pièces du polygone qui servaient à l'instruction. Quant à

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l'argent, les 15,000 francs, qui étaient un bon du ministre de la guerre, ne m'ont été payés qu'à Lille, à la fin de mars, lorsqu'il m'en était dû 45,000. »

Le témoin a dit : « L'argent m'a été demandé pour M. le maréchal. Je ne sais pas si c'était pour le service du Roi ou pour les besoins personnels de M. le maréchal. >>

Le maréchal. Vous rappelez-vous, monsieur le préfet, que vous m'avez écrit, à Lons-le-Saulnier, que vous aviez 700,000 francs pour le service du Roi à ma disposition? Je vous ai répondu que ni moi ni mes troupes n'en avions besoin; que vous deviez les conserver pour le trésor royal. C'est de Besançon qu'est partie cette infâme calomnie, qu'on m'avait donné 500,000 francs; cela ne se répète plus aujourd'hui; mais, si j'avais été assassiné sur la route d'Aurillac à Paris, jamais mes enfans n'auraient pu me laver de cette infamie.

Le témoin. Vous m'avez donné l'ordre de faire arriver des chevaux. Ils sont arrivés.

Le maréchal. Vous vous trompez : le commandant d'armes est chargé du service sur sa responsabilité. Pour moi, je n'avais que des dépôts à

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