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présenterait cinq à six généraux qui éleveraient leurs prétentions au trône.

le maréchal pour

M. Bellart. Le général Lecourbe a-t-il parlé au témoin des dispositions faites arrêter Bonaparte?

par

Le témoin. Le général m'a dit : Que voulez-vous faire quand les troupes ne veulent pas se battre? Mais, si j'avais commandé, il en aurait été autrement. On fait du soldat tout ce qu'on veut.

Le maréchal. Le général Lecourbe n'a pu tenir un discours aussi peu véridique. Les troupes étaient en marche d'après les ordres du ministre de la guerre, et sous la conduite de M. de Bourmont. Ce n'était donc pas un jeu d'enfant de les diviser .pour les faire marcher en échelons. J'ai demandé qu'on fit venir cent mille cartouches en poste. Après cela, depuis huit mois, on peut avoir arrangé les dépositions pour dire que j'avais manigancé des ordres à l'effet d'éparpiller les trou pes et les désorganiser.

M. Bellart. M. le Gagneur était-il présent à la conversation que vous avez eue avec les géné raux Lecourbe et Bourmont?

Le témoin. En partie. Il est sorti pour faire apporter à manger au général Lecourbe, qui déclarait qu'il mourait de faim,

Sixième témoin. M. le comte de Bourmont,

lieutenant-général des armées du Roi, a déposé, après les interpellations d'usage, ainsi qu'il suit :

« J'ai déjà fait à Lille une déclaration ; mais la commisération qui s'attache toujours aux grandes infortunes, m'a porté à répondre simplement aux questions de la commission rogatoire. J'ai su depuis que le maréchal avait affirmé que j'avais approuvé la proclamation qu'il a lue aux troupes. Cette assertion m'oblige à des explications. Si elles ajoutent à la gravité du crime dont il est accusé, ce sera sa faute.

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» Jusqu'au 14 mars, les ordres donnés le maréchal Ney, et transmis par moi, ont été ou m'ont paru conformes aux intérêts du Roi. Le 13 au matin, le baron Capelle, préfet du département de l'Ain, arriva à Lons-le-Saulnier de bonne heure, et vint m'apprendre que la ville de Bourg était insurgée; que le 72°. régiment avait arboré la cocarde tricolore malgré le général, malgré les of ficiers supérieurs. Je pensai que cette nouvelle devait être communiquée à M. le maréchal, et j'allai chez lui pour la lui annoncer. Le maréchal en parut assez fâché, ne me dit que peu de choses, qu'il pensait qu'on pouvait préserver les autres troupes de la contagion.

» Le 14 au matin, le maréchal m'ordonna de faire mettre le 8. régiment de chasseurs à cheval

en bataille, et de faire prendre les armes aux autres troupes, pour leur parler. Ensuite le maréchal me dit: Vous avez lu les proclamations de l'empereur, elles sont bien faites; ces mots, la victoire marche aupas de charge, feront un grand effet, sans doute, sur le soldat: il faut bien se garder de les laisser lire aux troupes. Sans doute, lui dis-je. Mais ça va mal, ajouta-t-il; n'avez-vous pas été surpris de vous voir ôter la moitié du commandement de votre division, et de recevoir l'ordre de faire marcher vos troupes par deux bataillons et trois escadrons? c'est de même dans toute la France, toute l'armée marche comme cela. C'est une chose finie absolument.

» Je ne l'avais pas compris ; le général Lecourbe entra. Je lui disais que tout était fini, dit-il au général Lecourbe. Celui-ci parut étonné. Oui, ajouta le maréchal, c'est une affaire arrangée; il y a trois mois que nous sommes tous d'accord; si vous aviez été à Paris, vous l'auriez su comme moi. Les troupes sont divisées par deux bataillons et trois escadrons; les troupes de l'Alsace de même; les troupes de la Lorraine, de même; le Roi doit avoir quitté Paris, ou il sera enlevé; mais on ne lui fera pas de mal; malheur à qui ferait du mal au Roi! On n'avait l'intention que de le détrôner, de l'embarquer sur un vaisseau, et de le faire con

duire en Angleterre. Nous n'avons plus maintenant, continua le maréchal, qu'à rejoindre l'empereur. Je dis au maréchal qu'il était très-extraordinaire qu'il proposât d'aller rejoindre celui contre lequel il devait combattre. Il me répondit qu'il m'engageait à le faire, mais que j'étais libre. Le général Lecourbe lui répondit: Je suis ici pour servir le Roi, et non pas pour servir Bonaparte; jamais il ne m'a fait que du mal, et le Roi ne m'a fait que du bien. Je veux servir le Roi, j'ai de l'honneur. Et moi aussi, répondit le maréchal, j'ai de l'hon

neur

mais je ne veux plus être humilié; je ne veux plus que ma femme revienne chez moi les larmes aux yeux, des humiliations qu'elle a reçues dans la journée. Le Roi ne veut pas de nous, c'est évident; ce n'est qu'avec Bonaparte que nous pouvons avoir de la considération; ce n'est qu'avec un homme de l'armée que l'armée pourra en obtenir. Venez, général Lecourbe; vous avez été mal traité, vous serez bien traité. Le général Lecourbe répondit que c'était impossible;.qu'il allait se retirer à la campagne. Une petite discussion s'éleva entre eux : enfin, une demi-heure après, il prit un papier sur la table. Voilà ce que je veux lire aux troupes, dit-il; et il lut la proclamation. Le général Lecourbe et moi, nous nous sommes opposés à ce qu'il voulait faire ; mais persuadés que, si tout était

arrangé, il avait pris des mesures pour empêcher ce que nous pourrions entreprendre, sachant que les troupes, déjà fort ébranlées par les émissaires de Bonaparte, avaient en lui une grande confiance (car c'était de tous les généraux celui qui possédait le plus là confiance de toute l'armée), nous résolûmes d'aller sur la place: nous étions affligés et tristes. Les officiers d'infanterie nous dirent qu'ils étaient bien fâchés de cela; que, s'ils l'avaient su, ils ne seraient pas venus. Après la lecture, les troupes défilèrent aux cris de vive l'empereur! et se répandireut én désordre dans la ville.

>> Le maréchal était si bien déterminé d'avance à prendre son parti, qu'une demi-heure après, il portait la décoration de la Légion d'Honneur avec l'aigle, et à son grand cordon la décoration à l'effigie de Bonaparte. Son parti était done pris, à moins qu'il ne l'eût emportée d'avance à Lons-leSaulnier pour le service du Roi.

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Le maréchal a dit : « Depuis huit mois que témoin prépare son thème, il a eu le temps de le bien faire. Il a cru impossible que nous nous trouvássions jamais en face; il a cru que je serais traité comme Labédoyère, et fusillé par jugement d'une commission militaire ; mais il en est autrement : je vais au but. Le fait est que le 14 je l'ai fait demander avec le général Lecourbe. Ils sont venus en

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