Page images
PDF
EPUB

semble. Je suis fâché que Lecourbe ne soit plus s mais je l'invoque dans un autre lieu, je l'interpelle contre tous ces témoignages devant un tribunal plus elevé, devant Dieu, qui nous entend tous; c'est par lui que seront jugés l'un et l'autre, et que

sera connue la vérité. J'étais la tête baissée sur la fatale proclamation, et vis-à-vis d'eux, qui étaient adossés à la cheminée. Je sommai le général Bourmont, au nom de l'honneur, de me dire ce qui se passait. Bourmont, sans ajouter aucun discours préliminaire, prend la proclamation, la lit, et dit qu'il est absolument de cet avis. Il la passe ensuite à Lecourbe. Lecourbe la lit, ne dit rien et la rend à Bourmont. Lecourbe dit ensuite: Cela vous a été envoyé ; il y a quelque rumeur; il y a long-temps qu'on prévoit tout cela. Le général Bourmont fit rassembler les troupes, et il eut deux heures pour réfléchir : quant à moi, quelqu'un m'a-t-il dit: Où allez-vous ? vous allez risquer votre honneur et votre réputation pour une cause funeste? Je n'ai trouvé que des hommes qui m'ont poussé dans le précipice.

>>Je n'avais pas besoin, Monsieur de Bourmont, de votre avis, quant à la responsabilité, dont j'étais chargé seul ; je demandais les lumières et les conseils d'hommes à qui je croyais une ancienne affection, et assez d'énergie pour me dire: Vous avez

tort. Au lieu de cela, vous m'avez entraîné, jeté dans le précipice. Après la lecture, j'ajoutai qu'il paraissait que c'était une affaire arrangée ; que les personnes envoyées par Bonaparte m'avaient dit telle et telle chose. Je leur proposai à déjeuner; ils le refusèrent et se retirèrent.

>> Bourmont rassembla les troupes sur une place, que je ne connaissais même pas; il pouvait, s'il jugeait ma conduite mauvaise, et que je voulusse trahir, faire garder.ma porte. J'étais seul, sans cheval, sans officiers.

» Il a beaucoup d'esprit ; sa conduite a été trèssensée. Je l'avais vivement prié de loger chez moi, il ne l'a pas voulu. Il s'éloigna, se réfugia chez le marquis de Vaulchier, formant ensemble des coteries pour être en garde contre les événemens, et s'ouvrir dans tous les cas une porte de derrière.

>>Ensuite, Bourmont et Lecourbe sont venus me prendre avec les officiers, et m'ont conduit au milieu du carré où j'ai lu la proclamation. Après cette lecture, nous avons été arrachés, étouffés, embrassés par les troupes qui se sont retirées en bon ordre.

» Les officiers supérieurs sont venus dîner chez moi ; j'étais sombre. Bourmont y était; et, s'il dit que la table était gaie.

vrai, il dira

Voilà la vé

rité.

TOME II.

9

M. le président a dit au maréchal: A quelle heure M. de Bourmont est-il venu vous prendre?

R. Vers onze heures. Il y avait eu une première visite à dix heures: ils sont venus chez moi; je leur ai lu la proclamation, et je les ai congédiés; ils sont ensuite revenus. Si j'étais resté à Besançon, je siégerais aujourd'hui parmi vous, et je n'aurais rien à me reprocher.

M. le président au témoin. Comment, après avoir lu la proclamation, avez-vous donné aux troupes l'ordre de s'assembler?

R. Elles en avaient l'ordre auparavant..

D. Cet ordre n'a donc pas été donné par vous?

R. Lorsque j'ai donné cet ordre, j'en avais l'ordre verbal; mais je n'avais pas connaissance de la proclamation.

Le maréchal. Après la lecture de la proclamation, je vous ai dit d'assembler les troupes. Bourmont peut dire ce qu'il veut. Il me charge, afin de rendre sa conduite plus pure. S'il avait eu intention de servir le Roi, il aurait pu arriver le 16 ou le 17 à Paris. C'est l'arrivée de M. Clouet de Paris qui l'a déterminé.

M. le président au témoin. Aviez-vous assez d'influence sur les troupes pour arrêter l'effet de la proclamation?

R. Non l'influence du maréchal était plus con

:

sidérable que la mienne. S'il n'y avait pas été, je l'aurais pu peut-être. J'ai la confiance que les troupes auraient marché, comme les officiers le promettaient.

D. A quelle heure avez-vous eu connaissance de la proclamation?

R. A onze heures.

D. A quelle heure avez-vous été sur la place?
R. Entre midi et une heure.

D. Qu'avez-vous fait dans l'intervalle?

R. Je suis sorti de chez le maréchal; rentré chez moi, j'en suis ensuite sorti pour aller chez le maréchal, d'où nous sommes partis pour aller sur le terrain.

D. Comment, après avoir eu connaissance de la proclamation, avez-vous accompagné le maréchal qui allait la lire?

R. Parce que je souhaitais voir quelle impression cette proclamation produirait sur l'esprit des troupes. La plupart des officiers m'avaient promis qu'ils me suivraient; je voulais voir s'il ne se manifesterait pas quelque esprit d'opposition. Je ne croyais pas qu'il fût en mon pouvoir d'empêcher le maréchal de lire la proclamation, à moins de le tuer, puisque mes observations n'avaient eu aucun effet, et que Lecourbe avait aussi été d'avis de rester fidèle au Roi, et qu'il n'avait rien produit.

[ocr errors]

Quant au reproche de n'être pas parti de suite. pour rejoindre le Roi, c'est la crainte d'être arrêté qui m'a déterminé à suivre le maréchal. Je suis arrivé le 18 à Paris, et le 19 j'ai vu le Roi.

Le maréchal Ney. M. de Bourmont prétend que je portais une décoration de Bonaparte. J'ai conservé celle du Roi devant Bonaparte, et jusqu'à Paris, où mon bijoutier m'en a fourni de nouvelles; on peut le faire entendre. Comment pouvez-vous faire une pareille supposition! C'est une infamie, général, de dire que j'avais d'avance l'intention de trahir.

M. Bellart au témoin. N'avez-vous jamais eu aucune querelle avec le maréchal ?.

R. Aucune.

M. Bellart au maréchal. A-t-il continué à servir après la proclamation ?

R. Il a suivi la colonne jusqu'à Dôle. Là, il a pris une direction différente, et j'ai donné tous les ordres en mon nom.

D. Pourquoi a-t-il été compris dans les arrestations ?

R. La colonne était pleine d'agens de Bonaparte. Cette mesure n'a été prise que fort tard, le 19, après avoir vu Bonaparte; elle n'a pas été mise à exécution, elle a été levée aussitôt son arrivée à Paris.

« PreviousContinue »