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continué, ils auraient été gagnés à jamais au Roi; qu'il commandait alors cette garde.

>>> C'est par les ordres du maréchal que j'ai fait partir M. de Rochemont.

» Le 12, plusieurs régimens arrivèrent à Lons-leSaulnier; les officiers étaient assez froids; cependant rien n'annonçait une défection. Le 13 au soir, le maréchal envoya deux émissaires à Châlons; il les pressa beaucoup, en disant qu'il attaquerait Bonaparte sur leur rapport. Le 14, un de mes amis vint m'apprendre que M. Bourmont lui avait dit en confidence, que le gouvernement royal allait être renversé : Attendez un moment, avait-il ajouté, et vous en serez témoin. J'allai deux fois chez M. Bourmont sans pouvoir lui parler; à la troisième fois, il était parti pour la réunion des troupes, Des personnes qui revenaient de cette revue me racontèrent tout ce qui s'y était passé. Je reçus ensuite une lettre du maréchal, dans laquelle il me recommandait le maintien du bon ordre, de faire relâcher les personnes détenues pour opinion. J'ai vu le maréchal l'après-midi, et je lui ai

dit

que mes sermens s'opposaient à ce que j'administrasse pour Bonaparte. Il me répondit: Vous faites une bêtise; il ajouta des expressions offensantes pour les princes; qu'ils ne pouvaient régner, qu'ils offenssient la nation. Êtes-vous Français ?

me dit-il. Lui ayant répondu affirmativement, il me dit, en me regardant d'un air assez méprisant : Vous êtes Français, né en France?

» Je revins encore chez M. le maréchal, avec M. Germain, mon successeur. Le maréchal parla de l'événement; je remarquai d'abord qu'il portait la décoration du grand-aigle, et que ses aideŝde-camp avaient quitté le ruban blanc. Il dit que les événemens qui se passaient étaient inévitables, préparés depuis long-temps; qu'on avait une correspondance avec l'île d'Elbe; que tout céderait avec facilité; qu'il n'y aurait pas une goutte de sang de répandue; que toutes les puissances étaient d'accord, et notamment l'Autriche ; qu'une partie des maréchaux étaient dans ce complot; que le ministre de la guerre avait tout disposé pour en faciliter le succès; que toutes les troupes étaient disposées dès long-temps; qu'on avait gardé le duc de Berry parce qu'on avait pensé qu'il pourrait exciter quelque enthousiasme ; qu'on avait envoyé MONSIEUR à Lyon, parce qu'on ne le croyait pas dangereux; qu'en quittant Paris il avait vu le maréchal Suchet, qui lui avait dit : Au revoir, maréchal, nous nous reverrons bientôt. Il assura au surplus qu'on ne ferait de mal à personne, et que tout se passerait avec calme. >>

Le témoin a ajouté que M. le comte Bour

mout, après la lecture de la proclamation, et avant qu'il eût reçu la lettre du maréchal, lui avait raconté les mêmes propos, avec plus d'étendue encore.

Le maréchal. Je me rappelle vous avoir vu à Lons-le-Saulnier; nous n'avons pas eu un entretien de dix minutes. Vous me demandiez un sauf-conduit. Je vous ai répondu que vous étiez libre. Il est invraisemblable que j'aie eu avec vous un entretien aussi long et si peu nécessaire dans ce moment où j'étais surchargé d'affaires. Quant au duc d'Albuféra, tout le monde sait qu'il est parti de Paris long-temps avant mon arrivée. Je n'ai vu aucun des maréchaux, excepté le ministre de la guerre. Au reste, il est vrai il est vrai que vous vous êtes excusé de servir sous l'empereur. Le président. N'avez-vous pas écrit au té

moin ?

R. Qui, pour le maintien de l'ordre, l'existence de la troupe, et la tranquillité publique. Je n'ai rien dit de contraire au respect dû au Roi'; je n'ai pas eu de conversation avec le préfet, il a arrangé şon discours.

D. Portiez-vous la décoration du grand-aigle? R. Je portais la décoration du Roi; monsieur a mal vu.

M. Vaulchier. Je suis persuadé d'avoir vu

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la décoration à l'aigle. J'en ai parlé à madame Vaulchier.

Le maréchal. Impossible je suis arrivé à Paris avec les décorations du Roi.

Me. Berryer. Que pensiez-vous de la conduite des troupes ?

Le témoin. Elles donnaient des craintes équivoques; quelques soldats avaient crié vive l'empereur, mais ces cris ne s'étaient pas propagés à Lons-le-Saulnier.

Me. Berryer. N'avez-vous pas connaissance des dispositions prises par le maréchal pour se rendre accessible à toute heure?

Le témoin. Oui: il m'a dit que, quand il faisait la guerre, on pouvait toujours lui parler.

M. Bellart au témoin. Savez-vous si, après la lecture de la proclamation, on a entendu s'élever des cris de vive l'empereur?

Le témoin. Je n'en ai pas une connaissance particulière; je l'ai entendu dire à mon secrétaire intime qui était présent...

M. Bellart a demandé que la lettre lue par le témoin, fût par lui paraphée et annexée aux pièces du procès.

Huitième témoin, le baron Capelle.

Il a déposé : « Obligé de quitter Bourg par la défection du 76. régiment, je me suis rendu, le

13 mars, à Lons-le-Saulnier, où je savais qu'était le maréchal. Je me suis d'abord rendu chez M. de Bourmont avec qui j'étais en correspondance; de là nous sommes allés ensemble chez le maréchal. Il a paru étonné, indigné de ce que je lui ai appris ; il m'a demandé quelles étaient les forces de Bonaparte ; j'ai répondu de dix à quinze mille

hommes.

>>> » Je savais que le maréchal n'avait que trois à quatre mille hommes ; et je crois lui avoir proposé de ne pas attaquer, mais dé se porter sur les derrières de Bonaparte par Lyon et Grenoble, pour se joindre à Masséna. Ceci me rappelle une circonstance de ma première déposition. Je proposai de se retirer à Chambéry, où je comptais être joint par les Suisses. Au mot d'étrangers, le maréchal parut, offensé, et dit que, si les étrangers mettaient le pied en Francé, ils seraient pour Bos naparte; qu'il n'y avait d'autre parti pour le Roi que de se faire porter sur un brancard à la tête de ses troupes, et qu'elles se battraient excitées par sa présence. Que voulez-vous ? ajouta-t-il, je ne puis arrêter l'eau de la mer avec la main! Il nous dit ensuite que tout cela retentirait jusqu'au Kamichatka. Ces mots me donnaient de l'inquiétude, J'en parlai à M. de Bourmont, qui me tranquillisa, en me disant: Je ne compte pas sur son dévoue

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