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« Ainsi donc, voilà le maréchal Ney, qui ne doit agir que secondairement sous les ordres de Monsieur : il doit les attendre, ou tout au plus les provoquer.

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» Le maréchal ne trouve dans Besançon que cinq à six cents hommes de divers dépôts, outre la garde nationale. M. de Bourmont, avant son arrivée, a comme commandant la subdivision de Besançon, fait filer les troupes qui s'y trou vaient sur Lyon, par Bourg. L'artillerie et les munitions ont pris la même direction, conduites toutefois par Châlons.

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» Qu'eût fait dans une pareille position, je ne dis pas un traître, mais un chef de corps en sousordre, qui eût été froid pour la cause royale? Il eût paisiblement attendu que le prince généralissime lui insinuât ses ordres, et qu'on lui fournit les moyens d'agir.

>>> Cet esprit de calcul et de réserve n'est pas dans le caractère du maréchal Ney. A peine a-t-il reconnu la faiblesse de ses ressources dans Besançon, qu'il s'empresse d'écrire à Monsieur, la lettre que voici.

A S. A. R. MONSIEUR.

Besançon, le 10 mars 1815.

<< J'ai l'honneur de rendre compte à V. A. R. » de mon arrivée ici, d'après les ordres du Roi.

>> Toutes les troupes du sixième gouvernement, à >> l'exception du régiment de Berry, hussards, resté » à Vesoul, et de quelques bataillons en garnison » ici, s'étant dirigées sur Lyon, ma présence à Be»sançon ne me paraît pas d'une grande utilité. Je >> prie V. A. R. de m'employer près d'elle et à >> l'avant-garde, s'il est possible, désirant, dans cette >> circonstance comme dans toutes celles qui pour>> raient intéresser le service du Roi, lui donner >> des preuves de mon zèle et de ma fidélité.

» Nous sommes ici sans nouvelles sur les en>>treprises de Bonaparte. Je pense que c'est le der>> nier acte de sa vie tragique. Je serai reconnaissant » de ce que V. A. R. voudra bien m'apprendre, ee >> surtout, si elle daigne m'utiliser.

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>> Je suis, etc. »

« Vous reconnaissez bien là, Messieurs, le maréchal, l'élan, l'impétuosité de sa bravoure! N'y reconnaissez-vous pas aussi le serviteur ardent de la cause du Roi, l'ennemi et le censeur implacable de Bonaparte, de son entreprise?

» Le même jour, 10 mars, quatre heures du soir, le maréchal mande au ministre de la guerre :

Au ministre de la guerre.

Besançon, le 10 mars 1815, quatre heures du soir.

« Je n'ai trouvé à mon arrivée ici aucune des >> lettres que V. Exc. m'avait annoncées, Le lieute»nant-général comte de Bourmont a eu l'honneur » de vous rendre compte que les troupes de la >> 6. division, à l'exception du régiment de Berry, » hussards, resté à Vesoul, et de quelques batail>> lons en garnison ici, ont été dirigées sur Lyon,

» Je n'ai aucune nouvelle positive sur les en>>treprises de Bonaparte. On dit seulement qu'il » s'est présenté devant Grenoble, et qu'il est pro>> bable qu'il se jettera en Italie par le Simplon. » » Agréez, etc. »

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« Ceci confirme d'une part que le maréchal, d'après les mesures déjà prises, était hors d'état de rien entreprendre par lui-même ; d'une autre part, qu'il était dans la plus profonde ignorance des projets de Bonaparte, et de ce qui lui avait réussi.

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Trop malheureusement les incertitudes ne furent pas de longue durée. Dès le lendemain matin, le maréchal voit entrer chez lui, dans Besançon, M. le duc de Mailhé, premier gentilhomme de S. A. R. Monsieur, venu en toute hâte de Lyon, pour apprendre à Monseigneur le duc de

Berry, qu'il croyait rencontrer, la désastreuse nouvelle de Grenoble, l'occupation inévitable de Lyon par Bonaparte, la retraite projetée de Mon-. sieur sur Roanne.

>> Vous avez entendu, Messieurs, les déclarations de M. le duc de Mailhé. Ce que la modestie de son zèle ne lui a pas permis de vous retracer, ce sont les accens de la douleur dont il était pénétré; c'est la touchante expression de ses alarmes sur le sort de Monsieur. Il fit sur le maréchal une impression si vive que, dans un premier mouvement, ne voyant que les jours de S. A. R. en péril, le maréchal voulut partir à la minute, pour aller lui faire un rempart de son corps.

» Mais bientôt le maréchal réfléchit qu'il n'est plus là comme un soldat; qu'il peut se rendre autrement utile en changeant les dispositions faites, pour le cas présupposé d'une résistance dans Lyon. Il sent la nécessité d'opérer autour de lui comme général, et sur-le-champ.

» Immédiatement le maréchal donne l'ordre de contremander la marche des troupes qui s'acheminaient vers Lyon, et de les concentrer autant que faire se pourrait. Il prend le parti de se rendre de suite en personne à Lons-le-Saulnier, comme point plus central pour les opérations qu'il

médite.

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» Avant de quitter Besançon, le 11 mars, å neuf heures du matin, le maréchal informe le ministre de la guerre d'un côté, et le maréchal duc d'Albufera, commandant à Strasbourg, de l'autre, tant de l'affligeant message du đúc de Mailhé, , que du plan, qu'il arrête par suite, de réunir toutes les troupes de son gouvernement. « Je ferai occuper, continue-t-il, Mâcon et » Bourg, et, si je trouve l'occasion favorable, je » n'hésiterai pas à attaquer l'ennemi..... Je me tien» drai en communication avec S. A. R. à Roanne, >> et agirai de concert pour le bien du service » du Roi. >>

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« Dans cette même lettre, le maréchal faisait part au ministre de deux adjonctions qu'il venait de se faire la première, du général Lecourbe, comme commandant supérieur; la deuxième, du comte de Bourmont, qu'il emmenait avec lui à Lons-le-Saulnier et dans sa voiture, pour être son second. Il me suffit, Messieurs, de vous avoir nommé ces deux adjoints, pour laisser au fond de vos âmes l'intime conviction que le maréchal Ney était alors le plus franc et le plus chaud partisan de la cause royale.

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» Cette particularité fortuite, d'avoir fait voyager le comte de Bourmont avec lui, dans sa propre voiture, sera toujours un trait de lumière étince

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