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fant en faveur du maréchal, pour ceux qui connaissent l'extrême sagacité, l'habitude d'observation et le dévouement expansif de M. de Bourmont. Il eût été, certes, bien impossible, dans un voyage de plusieurs heures, en tête à tête, dans la cours d'événemens aussi étranges, que M. de Bourmont n'eût pas trouvé en défaut sur quelques points la fidélité du maréchal, dans le cas où elle aurait été chancelante. Et M. de Bourmont a fait assez voir qu'il se ménageait auprès de tout autre que le maréchal, pour que vous ne puissiez douter, Messieurs, que, s'il n'a rien révélé sur les conversations de la route qui lui fût contraire, c'est que tous les détails en étaient justificatifs.

» Avec le sous-préfet de Poligny (M. de Branges de Bourcia), j'interromps, Messieurs, le trajet de Besançon à Lons-le-Saulnier, fait de compagniet par le comte de Bourmont et par le maréchal, pour ne vous citer qu'un trait de leur station abrégée dans cette ville de passage: le maréchal, amené par les objections du sous-préfet à dire toute sa pensée, l'énonce avec toute la rudesse d'un soldat qui du moins n'en sait rien déguiser.

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» C'est M. le sous-préfet qui parle :

» Le maréchal répondit « que, malgré le pas » avancé qu'avait fait Bonaparte, il parviendrait » à l'atteindre et à le mener à Paris dans une cage

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» de fer; que l'on avait trop attendu pour faire » avancer les forces qui étaient à Lyon, etc....; >> qu'il fallait courir de suite sur Bonaparte, comme » sur une bête fauve ou un chien enragé, dont il » faut éviter les coups de dents; qu'il y avait en» core du remède. »

« Une deuxième interruption est celle qu'exige la déposition non moins justificative de MM. Renaud de Saint-Amour et le marquis de Saurans, sur la rencontre qu'ils firent du maréchal et du comte de Bourmont à la poste de Quingey. Là, tout en changeant de chevaux, M. de Saint-Amour apprend au maréchal qu'il a ordre de Monsieur de faire rétrograder toutes les troupes, tous les militaires, tous les officiers isolés qui s'avançaient vers Lyon; ce qui, soit dit en passant, rentrait dans le système d'opérations nouvelles que le maréchal venait d'adopter de son chef.

» Sur ce que MM. de Saint-Amour et de Saurans représentent au maréchal, que sur toute leur route ils ont entendu les soldats et les paysans agglomérés vomir le cri séditieux vive l'empereur! que leur déclare le maréchal? Je laisse parler ces deux témoins irréprochables; ils sont unanimes.

>> Ils déposent : «Que le maréchal allait à Lons> le-Saulnier pour se mettre, disait-il, à la tête

>> des troupes qu'il parviendrait à y former, et de » suite marcher contre Bonaparte. Il se place» rait, leur ajouta-t-il, le premier à la tête des co» Ionnes; je tirerai le premier coup de fusil, et, s'il » 'y en a un qui refuse, je lui passerai mon épée >> dans le ventre. »

« Vous jugeź, Messieurs, dans les replis les plus intimés dé sa conscience, le guerrier bouillant, inexorable en fait de discipline, qui s'exprimait de la sorte.

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» Daignez le suivre avec moi à Lons-le-Saulnier, où il entre dans la nuit du 11 au 12 mars; vous allez avoir une idée de la prodigieuse acti vité qu'en deux jours, les 12 et 15 mars, ardeur à servir le Roi lui fait déployer. Ici les actes sé serrent, sont si nombreux, s'accumulent tellement dans un si court espace, que j'aurai peine à les énumérer, et que, voulant les animer par tous les écrits que trace la plume véhémente du maréchal, par toutes les paroles qui sortent à lá fois, qui s'échappent par torrens de sa bouche enflammée, j'en suis reduit, à mon grand regret, à ne vous donner le plus souvent que des indica

tions.

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» Dès cinq heures du matin, le 12 mars, le maréchal, qui ne s'est point couché, écrit au ministre de la guerre une lettre où vous allez re

marquer çà et là un langage improbateur de ce qui s'était fait à Lyon par les plus fermes appuis du trône, parce que le maréchal était encore loin d'imaginer quelle avait été sur ce point la désespérante immobilité de toutes les troupes de la 7o. division.

Au ministre de la guerre.

Lons-le-Saulnier, 12 mars 1815, cinq heures du matin.

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« J'ai reçu votre lettre en forme d'instructions >> en date du de ce mois. La défection des trou>> pes de la 7o. division militaire vous engagera sans » doute à faire marcher de suite le plus de troupes » possible sur la Saône, vers Dijon. Cette défec» tion, toute funesté qu'elle peut être, n'est pas >> encore, selon moi, aussi préjudiciable que la >> contre-marche de Monsieur sur Moulins. C'était » à Grenoble que S. A. R. aurait dû se rendre » d'abord pour attaquer Bonaparte, et il est plus » que probable que nós embarras seraient déjà à >> leur fin.

» Le maréchal Macdonald semble manquer de >> confiance dans ses troupes; ce n'est cependant >> pas en se retirant qu'on pourra reconnaître si » elles sont dans l'intention de faire leur devoir : » il fallait d'abord les faire combattre.

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»Je viens d'expédier des personnes, l'une à Lyon » et dans les environs, ainsi que sur l'Isère, pour avoir des nouvelles. J'espère être plus instruit » dans le courant de la journée.

» J'écris au duc d'Albufera et au duc de Reggio, » pour leur faire connaître la situation des choses. Je forme deux divisions des troupes que je ras» semble ici: la première sera commandée par le » général Bourmont; et la seconde, par le général >> Mermet.

» Je manque absolument d'artillerie faute d'at»telages; mais, d'après les ordres que j'ai donnés, » j'espère en recevoir avant trois jours.

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» Je mettrai la plus grande activité à porter » ma première division à Bourg, afin de pouvoir » manœuvrer sur la Saône, vers Mâcon, et sur» veiller les entreprises de Bonaparte, soit qu'en » sortant de Lyon, où l'on présume qu'il est entré » hier, il se dirige par Roanne sur Moulins, soit » qu'il se porte sur Mâcon.

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«De fait, à la même heure de cinq du matin, le maréchal Ney dépêche ses deux courriers, l'un au duc d'Albufera, l'autre au duc de Reggio; il leur écrit en ces termes

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