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Ney, dont les exploits ne doivent redouter aucune comparaison, s'est trouvé entraîné dans l'abîme la fatalité des circonstances; comme le duc de Montmorenci, il avait acquis et mérité une grande renommée; jusqu'au moment où il tourna ses armes contre son Roi, sa loyauté avait égalé sa valeur. Pourquoi l'histoire serait-elle plus sévère pour lui qu'elle ne l'a été pour le duc de Montmorenci? S'il est affligeant de porter ses regards sur l'attentat reproché au maréchal Ney, il est consolant de penser que son nom ne sera point en horreur à la postérité, et qu'un moment d'oubli n'effacera pas dans l'avenir une longue carrière illustrée par d'éminens services et de nombreux exploits.

C'est le 21 novembre 1815 que le maréchal Ney a comparu devant la chambre des pairs, réunie au palais du Luxembourg. Pour cette cause célèbre, la chambre des pairs avait été convertie en cour de justice. Dès le matin, les tribunes disposées pour le public étaient remplies de personnages de distinction, étrangers et français, qui, admis pour la première fois dans cette enceinte, y avaient porté la décence et le respect que commandaient à la fois et l'auguste tribunal et l'illustre accusé.

Les portes intérieures du palais étaient confiées

à la garde nationale de Paris. Le maréchal, transféré de la Conciergerie, à deux heures du matin, dans une des pièces attenant à la grand'salle, attendait dans un profond recueillement le moment où il paraîtrait devant ses juges, naguère ses égaux et ses collègues.

A dix heures et demie, M. le chancelier, président, est entré; le public s'est tenu debout jusqu'au moment où les pairs ont eu pris leurs places, et l'audience a été ouverte.

M. le chancelier, président, a dit : « Messieurs, le maréchal Ney, accusé de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de l'état, va être amené devant la chambre des pairs : je fais observer au public, pour la première fois témoin de nos séances, qu'il ne doit se permettre aucun signe d'approbation ou d'improbation. Les témoins doivent être écoutés; les réponses de l'accusé religieusement entendues. J'ordonne à la force publique d'arrêter quiconque violerait le silence qui doit être observé dans cette enceinte, quiconque s'écarterait du respect dû à cette auguste assemblée, et des égards que réclame le malheur. »

Les témoins ont été immédiatement introduits. Le maréchal Ney est ensuite entré dans la salle, conduit par quatre grenadiers royaux. Il était vêtu d'un simple habit d'uniforme, sans broderie, por

tant les épaulettes de maréchal, et la grande décoration de la légion d'honneur. Après avoir salué

l'assemblée, il s'est assis entre ses deux défenseurs, Me. Berryer et M. Dupin, qui étaient allés au-devant de lui.

Le greffier a fait l'appel nominal des pairs.

Cet appel terminé, M. le président a demandé au maréchal quels étaient ses noms, prénoms, âge, lieu de naissance, domicile et qualités.

Le maréchal, d'une voix calme et assurée, a répondu : Je me nomme Michel Ney; je suis né à Sar-Louis, le 17 février 1769; mes qualités sont : maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, pair de France; le titre de mes ordres, chevalier de Saint-Louis, grand cordon de la légion d'honneur, officier de la couronne de fer, grand'croix de l'ordre du Christ.

M. le président a invité l'accusé à prêter à ce qui allait être lu la plus grande attention ; il a ajouté : Je recommande à vos défenseurs d'observer la plus grande modération dans les débats; je les invite à ne parler ni contre leur conscience, ni contre l'honneur, et à se renfermer dans tout le respect qui est dû aux lois.

Le greffier a ensuite donné lecture des pièces de la procédure dans l'ordre suivant :

L'ordonnance du Roi du 11 novembre (Voyez cette ordonnance, page 216 du 1er. vol. ).

La seconde ordonnance du lendemain 12 (Voyez page 218 du 1er, vol. ).

L'acte d'accusation, conçu en ces termes

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Acte d'accusation contre le maréchal Ney, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, ex-pair de France.

<< Les commissaires du Roi chargés, par ordonnances de Sa Majesté des 11 et 12 de ce mois, de soutenir devant la chambre des pairs l'accusation de haute-trahison et d'attentat contre la sûreté de l'Etat, intentée au maréchal Ney, et sa discussion ;

» Déclarent que des pièces et de l'instruction" qui leur ont été communiquées par suite de l'ordonnance qu'a rendue, en date du 15 du présent, M. le baron Séguier, pair de France, conseiller d'état, premier président de la cour royale de Paris, commissaire délégué par M. le chancelier, président de la chambre, pour faire ladite instruction, résultent les faits suivans:

» En apprenant le débarquement effectué à Cannes, le 1er. mars dernier, par Buonaparte, à la tête d'une bande de brigands de plusieurs nations, il paraît que le maréchal Soult, alors ministre

de la guerre, envoya, par un de ses aides-de-camp, au maréchal Ney, qui était dans sa terre des Coudreaux, près Châteaudun, l'ordre de se rendre dans son gouvernement de Besançon, où il trouverait des instructions.

» Le maréchal Ney vint à Paris le 6 ou le 7 (car le jour est resté incertain; et au surplus cette circonstance est peu importante), au lieu de se rendre directement dans son gouvernement.

» La raison qu'il en a donnée, est qu'il n'avaitpas ses uniformes.

» Elle est plausible.

>> Ce qui l'est moins, c'est que, suivant le maréchal, il ignorait encore, lorsqu'il est arrivé à Paris, et l'événement du débarquement de Buonaparte à Cannes, et la vraie cause de l'ordre qu'on lui donnait de se rendre dans son gouvernement de Besançon. Il est bien invraisemblable que l'aidede-camp du ministre de la guerre ait fait au maréchal, à qui il portait l'ordre de partir subitement, un secret si bizarre de cette nouvelle, devenue l'objet de l'attention et des conversations générales; secret dont on ne peut même soupçonner le motif; comme il ne l'est pas moins que chal ait manqué de curiosité sur les causes qui lui faisaient ordonner de partir soudain pour son gouvernement, et n'ait pas interrogé l'aide-de-camp,

le maré

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