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tout d'un prince du sang que l'amour des Français avait partout accueilli. Mais bientôt le maréchal apprit que le prince, n'ayant pu engager les troupes à faire leur devoir, s'était replié sur Paris avec le maréchal Macdonald.

>> Cette défection des troupes qui formaient la première et la seconde lignes, laissait le maréchal Ney à découvert, sans moyen pour arrêter Bonaparte et s'opposer à ses progrès.

» Bonaparte marchait avec des forces supérieures, une artillerie considérable, un nombreux état-major; l'exaltation de ses troupes était portée au plus haut degré.

>> La petite armée du maréchal Ney, bien inférieure en nombre, l'était surtout en résolution.

» Déjà l'esprit d'insurrection s'y faisait sentir. » Dans la soirée du 13 mars, le maréchal apprit, par le préfet de l'Ain, que le bataillon du 76. qui lui servait d'avant-garde à Bourg, avait passé tout entier du côté de Bonaparte;

>> Que les deux autres bataillons du même corps gardaient à vue le général Gauthier, leur chef;

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Que le quinzième d'infanterie légère, placé à Saint-Amour, manifestait hautement le désir et la volonté de se joindre à l'ennemi.

>> Il apprit que le peuple insurgé de Châlons-surSaône s'était emparé d'un train d'artillerie tiré

d'Auxonne, sur lequel il comptait; et que les canonniers et soldats du train avaient été maltraités par la populace.

>> L'insurrection marchait devant l'audacieux insulaire et lui frayait la route; son aigle, au vol rapide, avait déjà dépassé la ligne occupée par le maréchal Ney: les cris de vive l'empereur se faisaient entendre jusqu'à Dijon !....

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Rejeté sur la droite, le maréchal Ney se trouva dans un isolement complet; ne recevant point de nouvelles de Paris, point d'ordres, point d'instructions (car il est constant que deux dépêches que lui avait adressées le ministre de la guerre, ne lui sont point parvenues; il est constant encore qu'il n'avait reçu aucun ordre de Monsieur, sous le commandement duquel on se rappelle qu'il était placé ; et cependant il avait supplié le duc de Mailhé d'engager Monsieur à lui faire passer ses avis, et même de lui proposer une conférence pour concerter leurs moyens; mais la rapidité avec laquelle les événemens se succédèrent n'avait pas permis qu'elle eût lieu);

Que pouvait donc faire le maréchal réduit à ses propres forces (1), dont le nombre était diminué par la désertion de ses postes avancés,

(1) Il n'avait plus que deux régimens.

et par la capture de son artillerie, au milieu d'une population qui s'insurgeait de toutes parts, et de soldats que l'exemple de leurs camarades entraînait vers la sédition ?

>> L'embarras de cette situation s'augmenta encore par l'arrivée des émissaires de Bonaparte, qui se répandirent dans le pays, armés de décrets et de proclamations, et semant de faux bruits.

» Ils pénètrent jusqu'au maréchal ; ils le trouvent dans une extrême agitation, dans une espèce de bouleversement d'esprit, accessible à toutes les impressions, et tremblant pour le sort de la France.

>> Ils sont porteurs d'une lettre de Bertrand, qui peint au maréchal Ney la nullité de sa position et la certitude du succès de Bonaparte (1).

» Suivant cette lettre, Bonaparte a concerté son entreprise avec l'Autriche, par l'entremise du général Kolher.

(1) Bonaparte paraissait si sûr de son fait, qu'il disait partout qu'il arriverait à Paris les mains dans les poche's. Il n'engageait pas le maréchal à revenir à lui, il lui donnait des ordres comme il aurait fait un an auparavant, et comme si leur position respective n'eût pas changé. (Voyez les interrogatoires du maréchal. )

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L'Angleterre a favorisé son évasion (1)..

>> Murat, triomphant, s'avance à grands pas vers le nord de l'Italie, pour lier ses opérations avec celles de Napoléon.

>> La Prusse toute seule ne peut pas se mesurer avec la France.

>> Bertrand ajoute que le Roi de Rome et sa mère restaient en otages à Vienne, jusqu'à ce que Bonaparte eût donné une constitution libérale à la · France (2), etc.

>> Les mêmes émissaires étaient porteurs d'une proclamation que Bonaparte avait fait préparer au nom du maréchal Ney.

» Le maréchal fit appeler ses lieutenans géné◄ raux. Des lieutenans doivent être les amis dé leur

(1). Le bruit n'en a-t-il pas long-temps couru à Paris? N'y vendait-on pas une caricature représentant l'oiseau de Jupiter, renfermé dans une cage dont un Anglais tenait la porte fermée, avec cette légende Si vous bougez, je le lache?

(2) Long-temps après l'entrée de Bonaparte à Paris, tout le monde ne croyait-il pas que Marie-Louise allait revenir avec son fils? N'a-t-on pas, pour accréditer ce bruit (aujourd'hui ridicule, alors vraisemblable), fait partir ses équipages? Tous les journaux n'en parlaientils pas ?

TOME II.

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général; ils sont ses premiers conseillers. Le maréchal Ney leur communiqua ce qu'il venait de recevoir, et les somma, au nom de l'honneur, de lui donner conseil. Que firent-ils ? Déclarèrent-ils qu'il fallait combattre; qu'on pouvait encore le faire avec succès; ou du moins qu'il fallait se retirer vers le Roi? Nullement.

» Sans doute ils auraient voulu, comme le maréchal, que le mal fût moins grand, qu'il fût possible de l'arrêter, et de sauver la monarchie; mais ils se représentèrent

>>> La probabilité de toutes les nouvelles annoncées par Bertrand;

» L'insurrection du peuple;

» L'insubordination des soldats;

» Les précédentes défections;

» La retraite de Monsieur;

>> Celle du Roi, qu'on annonçait déjà comme opérée ;

» La crainte de verser inutilement le sang français et de prendre sur eux l'odieux et la responsabilité d'une guerre civile!

»Ils pensèrent avec douleur, mais ils crurent de bonne foi, que la cause des Bourbons était à jamais perdue:

» Et la fatale proclamation fut lue aux soldats....

Que cette lecture ait excité d'up côté des cris

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