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S. M. ne sont l'ouvrage que de l'un des trois pouvoirs créés par l'article 5 de la Charte. La puissance législative s'exerce collectivement par les trois pouvoirs. L'un de ces pouvoirs, tout respectable qu'il est, perd quelque chose de son caractère imposant quand il devient partie intéressée. Que porte la Charte? L'article 24 décide positivement que la chambre des pairs est partie essentielle de la puissance législative. Il résulte donc de ce texte si simple, que la chambre des pairs doit concourir à sa propre organisation. Quelle idée faut-il se faire de cette organisation? Veuillez bien vous pénétrer de la distinction que j'établis. La chambre n'est pas seulement juge de ses membres. Si la Charte se bornait à ces termes, alors s'éleverait la question de savoir si elle serait libre de faire ses propres lois comme le règlement intérieur de ses séances. La chambre des pairs, surtout par la dernière décision des ministres, doit se considérer comme juge de tous les prévenus de haute trahison; et alors elle est constituée cour d'état, et elle ne peut recevoir son organisation que d'une loi organique. Je soutiens que, surtout en matière criminelle, cette loi est nécessaire ; et c'est l'objet principal de l'exception préjudicielle. La liberté individuelle de tous les Français est garantie par la Charte. Ils ne peuvent

être poursuivis, aux termes de l'article 4, que dans les cas de la loi et dans les formes qu'elle prescrit. Le mode de la poursuite doit donc être prescrit par une loi. En effet, une loi spéciale devient nécessaire toutes les fois qu'il s'agit d'en interpréter une, ou d'apporter des modifications à des lois préexistantes.

» Parcourons les différens articles de la Charte, ils nous fourniront différens moyens de solution.

» L'article 59 dit que les cours et tribunaux seront main tenus, et qu'il n'y sera rien changé que par une loi. L'article 65 dit que l'institution des jurés est conservée, et que les changemens qu'une plus longue expérience pourra rendre nécessaires, ne pourront être faits que par une loi.

» Ainsi, il est impossible de faire aucun changement à l'ordre judiciaire sans qu'une loi l'ait ordonné. A plus forte raison, quand il s'agit d'une dérogation formelle; d'appliquer à une autorité qui n'était pas créée, les dispositions relatives à une autorité existante: c'est déroger à l'ordre établi. La Charte dit que quand il s'agit de dérogation, il ne peut y être statué que par une loi. Ainsi, aux termes de l'article 66, le code civil reste en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit dérogé. Ce principe a été consacré dans l'ordonnance concernant les colléges électoraux. Je demande une loi organique; elle a été annoncée et promise par une dis

position spéciale, que je trouve dans l'article 33 de la Charte.

>>> Il est donc évident qu'il faut un pouvoir qui réglé les rapports entre l'accusateur et l'accusé. Il faut au premier un titre ; au second, une sauvegarde.

» Je vais me prêter à une hypothèse que les accusateurs me pardonneront. Je suppose que l'un des ministres, contre toute probabilité, vienne à éprouver le malheur d'une accusation, d'une recherche pour cause de responsabilité; il aurait un intérêt éminent à ce qu'on ne procédât pas contre lui arbitrairement, à ce qu'on n'empruntât pas par analogie des formes si dangereuses.

» L'accusation, fût-elle fondée, suppose toujours une loi qui en détermine le mode de poursuite. La chambre des députés prétendrait-elle organiser seule cette poursuite ? Alors les ministres ne manqueraient pas de recourir à l'article 56 de la Charte, qui veut expressément que cette poursuite soit organisée par une loi.

» Les avocats défenseurs des ministres accusés tiendraient à la barre de la chambre le langage que j'ai tenu, que la chambre des députés ne pourrait seule créer un mode de poursuite.

» Permettez-moi encore de vous offrir quelques considérations qui ne me paraissent pas indignes de votre attention: j'examine d'abord le haut degré

d'utilité des formes sur lesquelles il est disposé arbitrairement par les ordonnances des 11 et 12 de ce mois. Elles ont dû tout embrasser, tout expliquer, et elles laissent des points capitaux sans éclair

cissemens.

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» Après l'instruction écrite, même d'après les formes des cours spéciales, le crime doit être précisé avant la réunion du tribunal. Ce n'est pas le ministre qui doit le préciser, c'est le tribunal aipsi, on a omis l'un des actes les plus importans. de la procédure criminelle, l'acte d'accusation, dont le défaut vicie toute la procédure. Il paraît qu'on l'idée de convertir les deux ordonnances en jugement de mise en accusation. »

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a conçu

(Ici le défenseur a rapporté le texte du discours

de l'orateur du conseil d'état sur la mise en accusation, et a établi la nécessité de la rédaction de son acte en termes positifs.)

<< Il faut ensuite, dit-il, avoir la faculté de présenter des moyens d'exception sur la marche des débats, sur l'ordre de la défense, sur le défaut d'officiers ministériels qui puissent faire ce que ne peuvent faire les défenseurs du maréchal Ney, c'est-à-dire, prendre des conclusions qui lient la partie même absenté; tout cela est à créer.. Ce qui est nécessaire, Messieurs, c'est de fixer le mode de vos délibérations comme juges. A cet égard, com

bien de réflexions se présentent! On vous a donc assimilés à des cours spéciales composées de huit membres seulement, où la majorité simple décide? Quelle disproportion cependant en une telle majorité et celle d'une réunion aussi nombreuse !

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Rappelez-vous cet autre tribunal, dont on ne peut prononcer le nom qu'avec horreur; il devait réunir au moins les deux tiers des voix.

» Pendant dix-neuf ans, les jurés n'ont réglé le sort des accusés que par les deux tiers des voix. Il en a été de même des cours spéciales pendant neuf ans. Ces points devaient être réglés avant que vous entrassiez dans la salle des délibérations, et cela avec d'autant plus de nécessité, que vous réunissez dans votre composition nombreuse les fonctions de jurés et de juges. Il en était encore d'autres à régler.

» Dans les cours spéciales de toute nature, il y a toujours recours sur le pouvoir de la cour. Est-ce une cour spéciale ordinaire ? elle règle› sa compétence, qui peut être contestée ; et alors la cour de cassation statue.

>> Est-elle extraordinaire ? elle n'est pas assujétie à un jugement préalable de compétence; mais sa décision est soumise à la cour de cassation. (Art. 31 de la loi du 21 août 1810.).

>> Pour bien saisir cet ordre de juridiction, auquel on veut nous assimiler, il faut donc régler

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