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si vous êtes assimilés à une cour ordinaire ou à une cour extraordinaire. Rien n'aide à cet égard votre conscience dans l'ordonnance royale. Etesvous cour ordinaire? Qui règle votre compétence? Êtes-vous cour extraordinaire? Y aura-t-il un pouvoir réviseur tel que la cour de cassation ?

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Puisqu'il n'y a au-dessus de vous aucune puissance réformatrice, au moins faudrait-il qu'une disposition formelle fit taire l'esprit de controverse. Rien de tout cela n'est établi. Nous sommes dans le vague, nous marchons arbitrairement, sans boussole, sans nous rattacher à rien de certain. Et cependant devant qui sommes-nous ? Devant le tribunal du rang le plus élevé, en présence d'accusateurs qui représentent le prince. La grandeur de votre institution, le rang de l'accusé, l'énormité du crime qui lui est imputé, exigent que vous receviez une marche, une organisation, qui correspondent à de pareils événemens.

» Paraît-il convenable que la cour des pairs soit organisée comme les cours spéciales destinées à prononcer sur le sort des vagabonds, des gens sans avcu, ou déjà repris de justice, sur des crimes qui soulèvent l'imagination?

» Ici je dois prévoir une objection, c'est la nécessité que le cours de la justice ne soit pas interrompu. D'abord il n'y a pas de danger dans l'admis

sion de la mesure que je propose. Le prévenu est sous la main de la justice, sous la garde des citoyens, sous celle de son propre honneur qui lui défend d'éviter un jugement. Il ne peut s'échapper; le jour de la justice arrivera pour lui, soit pour sa décharge, soit pour sa condamnation. Comment donc craindre d'interrompre le cours de la justice? Quand les juges sont organisés, je conçois qu'il ne faille pas interrompre le cours de la justice; mais ici il n'y a pas encore de justice. Je ne parle pas de cette justice de conscience que vous possédez à un si éminent degré, mais de cette justice publique dont les formes n'ont pas été réglées.

» Où les formes ne sont pas accomplies, il y a nécessité et devoir de le faire.

» Cette justice, l'accusé, loin de la fuir, l'invoque; il demande qu'elle soit régulièrement instituée. Cette insistance ne peut être à l'avantage de l'accusé ; car ne croyez pas que sur cette loi nous parlions d'effet rétroactif; quand la loi constitutrice du droit est établie, la loi régulatrice ne peut être arguée de rétroactivité. Ne craignez pas que nous élevions un pareil sophisme: l'accusé ne sera pas privé des droits acquis, il ne pourra récuser le bénéfice qu'il a lui-même sollicité. Il marche avec les concessions qui lui sont faites par le législateur.

» En vertu de l'article 33 de la Charte, les pairs

sont saisis de l'affaire, rien de plus incontestable; ce qui est reservé est le développement du principe, la Charte le promet.

ainsi

que

>> Messieurs, cette affaire se discute en présence de la France entière, de l'Europe qui semble avoir été mise en cause ; elle est de la plus grande importance. Nous provoquons une loi qui donne à la Charte la force dont elle a besoin pour être exécutée. Nous n'arrêtons pas le cours de la justice, nous demandons qu'elle soit régularisée.

» Je ne puis prévoir que la demande du maréchal Ney ne soit pas accueillie, que le sursis à toutes poursuites jusqu'à la régularisation des pouvoirs qui vous sont conférés ne soit pas accordé; mais si, contre toute attente, il était refusé au maréchal j'aurais à vous proposer des moyens dont je ne dois vous donner, quant à présent, que l'aperçu.

>> Resterait la nullité contre l'instruction, toujours admissible dans les termes même de l'instruction criminelle, article 277, tant que le procureurgénéral n'a point averti l'accusé de les proposer. J'insisterais sur ce que je ne fais qu'indiquer, d'autant plus que, d'après la constitution de la cour, y a absence du jugement de compétence, si elle agit comme cour spéciale ordinaire; ou du jugement réviseur, si elle est cour spéciale extraordinaire.

il

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» J'aurais encore à implorer de votre impartiale justice de faire entendre les témoins à décharge dont j'ai notifié la liste. On n'a pu les faire avertir, vu la brièveté des délais. Les notifications de pièces ont été faites dans la journée de samedi; dimanche, quoique jour férié, la liste en a été notifiée. J'insiste sur ce point, parce qu'il faut surtout peser les antécédens, parce qu'il est sssentiel de prouver qu'il n'y a eu dans l'action, ni intention perfide, ni véritable trahison. J'aurais ensuite à faire valoir que vingt témoins ont été entendus devant le conseil de guerre.

>>

J'espère encore obtenir de votre indulgence un délai suffisant pour s'expliquer sur les forces d'une accusation dont l'acte nous a été notifié samedi avec trente-sept autres pièces qui l'accompagnent. Hier encore, nous en avons reçu dix. Il était impossible qu'aucune préparation utile pût être faite.

>> Je n'insisterai pas davantage sur ce point, c'est assez d'avoir averti votre religion.>>

Ici le défenseur, après avoir fait le résumé de tous les moyens développés dans la défense, termine ainsi :

« Je m'arrête. Je sens que l'événement m'a placé dans une position difficile. Sujet fidèle et dévoué, portant au prince l'amour le plus vif, j'ai cru mar

cher dans ses vrais intérêts, puisque j'ai combattu pour le triomphe des vrais principes et de la Charte constitutionnelle. Je me tais, et j'attends avec confiance votre arrêt. »

Après ce plaidoyer, M. Bellart, procureurgénéral, a dit :

« Les défenseurs de l'accusé annoncent qu'ils sont loin d'avoir terminé l'exposé de leurs moyens; je demande qu'ils les présentent cumulativement. Je ne veux pas penser que les lenteurs où ils se rattachent aient pour but de vouloir échapper à la justice; mais enfin, devant un tribunal en dernier ressort, tous les moyens doivent être produits. Il n'est plus temps de chercher la justification du maréchal Ney dans une sorte d'affectation à éluder tous les tribunaux et tous les juges. Plus de divagation le péril de ce procès doit avoir enfin des bornes; il n'est plus temps de reculer un jugement qui devrait être terminé. Je crois, au nom des commissaires du Roi, devoir insister pour que les défenseurs ne soient admis à émettre leurs moyens préjudiciels qu'en les présentant collectivement. S'il est quelques nullités qu'ils prétendent alléguer, je me réserve de les combattre. >>

:

Mr. Dupin a répliqué :

« Ce qui est préjudiciel doit, avant tout, être décidé par un jugement: si l'on nous refusait la

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