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qui n'eût pu 'alors se défendre de répondre. » Le maréchal veut pourtant qu'on admette cette supposition; et il soutient qu'il n'a appris cette grande nouvelle qu'à Paris, par hasard, et chez son notaire, Batardi.

» Le maréchal a-t-il cru qu'en affectant cette ignorance prolongée du débarquement de Buonaparte, il ferait plus facilement croire qu'il n'était pour rien dans les mesures qui l'ont préparé, puisqu'en effet il n'eût pas dû rester indifférent à ce point sur le résultat du complot? On n'en sait rien. Ce qu'on sait, c'est que cette ignorance n'est pas naturelle, et qu'elle est plus propre à accroître qu'à dissiper les soupçons sur la possibilité que le maréchal ait trempé dans les manoeuvres dont ce débarquement a été le funeste résultat.

>> Ces soupçons, sur la participation que le maréchal a pu prendre à ces manœuvres, se sont considérablement augmentés par, les dépositions d'un assez grand nombre de témoins, qui ont rapporté divers propos attribués au maréchal, dont la conséquence serait le maréchal était prévenu de cette arrivée.

>>> C'est ainsi

que

que

le sieur Beausire dépose que, peu de temps après sa défection, le maréchal lui disait que, quand lui Beausire avait traité d'une fourniture avec le gouvernement du Roi, il avait

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dû prévoir qu'il traitait pour le souverain légitime (Buonaparte).

» Le comte de La Genetière dépose qu'après avoir fait lecture de la proclamation, dont il va bientôt être question, le maréchal dit aux personnes qui l'entouraient : Que le retour de Buonaparte était arrangé depuis trois mois.

>> Le comte de Faverney assure aussi qu'au dire du général Lecourbe, le maréchal lui avait dit qu'il avait pris toutes les mesures pour rendre plus nécessaire et plus inévitable la défection de ses troupes, qu'il sut ensuite déterminer par la lecture de la proclamation.

» D'autres témoins encore, comme les sieurs Magin, Perrache, et Pantin, affirment qu'on leur a dit que le maréchal avait positivement déclaré, dans une auberge de Montereau, que le retour de Buonaparte avait été concerté dès long-temps. A ces témoignages on en eût pu ajouter plusieurs encore, comme ceux du baron Capelle, du marquis de Vaulchier, du sieur Beauregard, et du sieur Garnier, maire de Dôle, qui ont été entendus, sur commissions rogatoires, dans la procédure tenue devant le conseil de guerre, où fut d'abord traduit le maréchal Ney. Mais, ces témoins n'étant plus sur les lieux, on a cru pouvoir négliger de les faire entendre de nouveau. Leurs dépositions, déjà re

cueillies

par des officiers publics, restent du moins comme renseignemens.

l'on dise que

>>> La justice toutefois exige que plusieurs autres témoins, qui ont vu agir le maréchal dans les jours qui ont précédé la lecture de la proclamation, paraissent croire que jusque-là il fut de bonne foi, et déposent de faits qui annonceraient qu'à moins d'une profonde dissimulation, le maréchal était alors dans la disposition d'être fidèle au Roi.

Quoi qu'il en soit, au reste, de cette disposition réelle ou feinte, et, si elle fut réelle, de sa durée, le maréchal, avant de quitter Paris, eut l'honneur de voir le Roi, qui lui parla avec la bonté la plus touchante, comme avec la plus grande cònfiance. Le maréchal parut pénétré de l'opinion que. son souverain conservait de sa loyauté; et, dans un transport vrai ou simulé, il protesta de ramener Buonaparte dans une cage de fer, et scella ses protestations de dévouement en baisant la main que le Roi lui tendit. Le maréchal avait d'abord voulu nier et cette expression de l'enthousiasme apparent de son zèle, et la liberté que le Roi lui avait permis de prendre. Il a fini par en convenir. » C'est le 8 ou le 9 que le maréchal partit de Paris. Il n'a pas su fixer le jour avec exactitude. » Il trouva à Besançon des instructions du mi

nistre de la guerre. Ces ordres portaient en substance: «< qu'il réunirait le plus de forces disponibles, afin de pouvoir seconder efficacement les opérations de S. A. R. Monsieur, et de manoeuvrer de manière à inquiéter ou détruire l'ennemi. »

>> On a vu que, d'après les récits opposés de certains témoins, dont les uns rapportent des discours du maréchal qui sembleraient supposer qu'il savait dès long-temps ce que méditait l'ennemi de la France, et dont les autres assurent n'avoir remarqué dans ses mesures et dans ses discours que de la droiture, il est au moins permis de conserver beaucoup de doutes à cet égard.

» Mais ce sur quoi toutes les opinions se réunissent, c'est sur la conduite que le maréchal tint à Lons-le-Saulnier, le 14 mars.

*» Le maréchal avait dirigé sur cette ville toutes les forces qui étaient éparses sous son commandement.

» Quelques officiers, bons observateurs, et même des administrateurs locaux, qui avaient conçu de justes inquiétudes sur les dispositions de plusieurs militaires de divers grades, et sur des insinuations perfides faites aux soldats, avaient indiqué au maréchal, comme un moyen probable d'affaiblir ces mauvaises inspirations, le mélange qu'il pourrait faire de bons et fidèles serviteurs du Roi, qu'on

choisirait dans les gardes nationales, avec la troupe, que, par leur exemple et leurs conseils, ils maintiendraient dans le devoir. Le maréchal, de premier mouvement, rejeta ces propositions, même avec une sorte de dédain, en disant : qu'il ne voulait ni pleurnicheurs ni pleurnicheuses; et quoiqu'il fléchît un peu ensuite sur cette idée, ce fut avec tant de lenteur et de répugnance, que la mesure ne put malheureusement ni être réalisée, ni empêcher le mal que le maréchal semblait prévoir sans beaucoup d'inquiétude.

>> Cet aveuglement ou cette mauvaise disposition secrète du maréchal eut bientôt les graves conséquences qu'avec d'autres intentions le maréchal eût dû redouter.

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Quelques témoins pensent que, jusqu'au 13 mars au soir, le maréchal fut fidèle.

» En admettant leur favorable opinion, l'effort n'était pas considérable. Le maréchal était parti de Paris le 8 ou le 9. C'était le 8 ou le 9 qu'il avait juré au Roi une fidélité à toute épreuve, et un dévouement tel, qu'il lui ramenerait, selon son expression, dans une cage de fer son ancien compagnon de guerre. Depuis lors, quatre ou cinq jours seulement s'étaient écoulés. Quatre à cinq jours suffisaient-ils à éteindre ce grand enthousiasme ? quatre à cinq jours durant lesquels le maréchal n'avait en

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