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et nous pouvons les motiver autrement, c'est que nous sommes menacés d'une ressource bien autrement précieuse à l'accusé, celle de faire entendre des témoins à décharge domiciliés ailleurs qu'à Paris.

» Le maréchal Ney a le droit de faire entendre les témoins. Ce droit lui est acquis par l'art. 315 du code d'instruction criminelle. Il n'a pas besoin de le justifier; mais cette loi devient pour lui un droit sacré, lorsque l'acte d'accusation a établi ou essayé d'établir, ce qui est bien pénible à son cœur, qu'il y a eu préméditation et caractère de trahison avant la journée du 14. J'aurai à vous donner des explications sur ce point, et j'espère bien satisfaire vos consciences; c'est là une partie de l'attaque, tellement grave, que le maréchal ne peut transiger sur les moyens de la faire disparaître; et cependant nous n'avons pas ici les témoins qui avaient été déjà appelés devant un autre tribunal; et voilà comment on se plaint des délais éconlés; ces délais ne peuvent être attribués, ni au maréchal, ni à ses défenseurs, mais à l'erreur de ses accusateurs, à la fausse route qu'ils ont tenue, au choix de mauvais moyens d'attaque.

>> On se plaint de perte de temps quand la justice est toujours là.

>> Vingt témoins ont déposé devant le conseil de guerre; aucun n'a été appelé devant vous. Nous demandons un temps moral pour les faire assigner.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? nous dit-on. Nous n'en avions pas le temps. Le délai de cinq jours n'avait pas été observé.

» La précipitation dont on fait usage, a donc justifié la conduite du maréchal Ney, auquel on reproche sans cesse de présenter des arguties pour fatiguer votre religion. Je me repose sur vos nobles scrupules pour ma justification personnelle.

» Je m'arrête et je termine ici cette discussion laborieuse. Pardonnez-moi les détails minutieux dans lesquels j'ai dû entrer. Bientôt, și on permet au maréchal de faire usage de tous ses moyens, il en produira d'un autre ordre; bientôt sa justification ne se traînera plus dans des sentiers aussi pénibles; bientôt il prouvera qu'il est encore digne de la France sous le rapport de sa conduite et de sa vertu, digne d'intérêt et de compassion quant à l'action dont on l'accuse.

» Je persiste dans les moyens proposés. >>

M. Bellart a répondu :

«Les commissaires du Roi n'ont pas de désir plus sincère que de voir les défenseurs du maréchal Ney tenir les promesses qui terminent le plaidoyer que nous venons d'entendre. Ils ont annoncé, avec une confiance qu'ils voudraient vous inspirer, qu'ils prouveront l'innocence du maréchal. Puissions-nous partager cette confiance! puisse sa

vertu sortir brillante de justification par les débats qui vont s'ouvrir! nous serions soulagés du poids d'une grande douleur, si nous pouvions partager sincèrement cette flatteuse illusion, et nous verrions rayer avec transport des fastes de l'histoire un fait odieux envers le Roi et la patrie, et dont les suites ont été si désastreuses pour elle; un fait qui entache l'honneur français et notre gloire militaire: mais, nous devons le dire avec franchise, notre attente ne peut avoir que le caractère d'une pénible incertitude; et malheureusement peut-être cette incertitude, bientôt évanouie, va faire place aux terribles lumières de l'évidence.

canes,

» Au premier coup d'œil, l'esprit de légèreté pourra être révolté de cet appareil de difficultés minutieuses, de cette guerre misérable de chide postes, de positions, et qui forme un contraste si frappant avec la constitution et la dignité de cette auguste assemblée; nous sommes loin de partager cette opinion; tout est précieux quand il s'agit de la liberté publique, de la vie, de l'honneur des citoyens. Les formes (et en cela nous aimons à abonder dans le sentiment de nos adversaires) sont protectrices de l'innocence; si les nullités avaient été fondées, elles auraient droit à votre attention; si les formes avaient été violées, nous serions les premiers à en convenir et à passer

condamnation; mais est-il vrai qu'elles aient été transgressées à l'égard de cet illustre accusé? Nous ne le pensons pas : toutes les formes ont été remplies, et nous osons même assurer que, loin qu'il lui ait été rien refusé, il a trouvé dans la procédure des formes plus rassurantes que celles que le droit commun accorde au vulgaire des accusés.

Commençons par nous entendre sur les bases. >> Les ordonnances du Roi ont tracé la marche que vous devez suivre; et, puisqu'il est question de ces ordonnances, je vais relever une erreur (involontaire sans doute) commise par quelques journalistes, dans le récit de ce qui s'est passé dans la dernière séance. Ils ont semblé consacrer en principe, et d'après notre opinion, qu'à la chambre appartenait exclusivement le droit de faire ce règlement. Nous avons dit seulement, et en énonçant notre opinion personnelle, et non celle des autres commissaires du Roi, que ce serait peut-être une grande question de droit public de savoir si c'est à la chambre à régler ellemême sa procédure, ou si elle peut être enchaînée dans cette marche par l'ordonnance du Roi; ce n'était pas le cas d'agiter cette question, et nous avons laissé reposer dans l'incertitude cette question, résolue par le parti que vous avez pris d'ac

TOME II.

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cepter purement et simplement l'ordonnance du Roi.

» Après cette explication que je vous devais, Messieurs les pairs, pour empêcher la consécration d'un principe dangereux, je passe à l'examen de cette base. Il est donc désormais consacré, accordé décidé que partie des règles à suivre est tracée par l'ordonnance du Roi; que les autres doivent être prises dans le droit commun, et qu'elles doivent être choisies non par un excès de pouvoir, ni par aucun acte arbitraire, mais par la nécessité même des choses.

» Dans quelque tribunal que ce soit, il y a trois ou quatre conditions qui doivent toujours être observées; il faut liberté de défense à l'accusé, il faut publicité de la défense, il faut confrontation de l'accusé avec les témoins. Cela se retrouve devant tous les tribunaux, parce que cela leur est applicable à tous; mais il est d'autres dispositions nécessaires, indispensables devant tel tribunal, qui disparaissent par la nature même des choses, et par l'essence de l'organisation devant un autre.

Ainsi, devant les tribunaux ordinaires, en matière criminelle, il y a les tribunaux de première instance, la cour royale, et les jurés, devant chacun desquels il se fait une instruction particulière. » La plainte, portée d'abord au tribunal de pre

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