Page images
PDF
EPUB

comparer exactement ce qui est prescrit par la loi au magistrat, avec ce qu'il a fait. La première est celle de savoir quelle loi servira de régulateur au juge. Cette question est jugée par votre arrêt, que nous révérons, et qui a décidé que nous suivrions les règles prescrites par l'ordonnance du Roi, et dans le droit commun, auquel elle renvoie nécessairement, puisqu'elle y déroge en quelques points. Mais ce droit n'est pas laisssé tout-àfait à l'arbitraire de l'interprétation pour les cas auxquels il n'est pas dérogé. >>>

L'orateur a établi que, bien loin que l'ordonnance eût dispensé la cour des pairs de toute formalité, elle a, au contraire, entendu lui prescrire l'observation de toutes les formalités auxquelles elle ne dérogeait pas spécialement. Ainsi, en créant un greffier, des huissiers, quoiqu'elle n'eût pas dit qu'ils signeraient leurs procès-verbaux, leurs exploits, ils n'étaient pas moins tenus de le faire, sous peine des nullités prononcées par les lois ordinaires.

Il a repris ensuite tous les moyens présentés par M. Berryer, les a exposés avec de nouveaux développemens, et a réfuté les objections du procureur-général.

Il a terminé en réclamant un délai pour faire appeler les témoins à décharge. « On n'a accordé

que quarante-huit heures; et plusieurs ne sont pas domiciliés à Paris: pouvait-on les faire citer hier pour aujourd'hui ?

>>Pourquoi, a-t-il ajouté, demandons-nous à faire entendre des témoins à décharge? Pour prouver qu'avant le 14 mars le maréchal n'a pas trahi le Roi; qu'il l'a au contraire servi avec le zèle le plus pur. Eh bien! nous dit-on, c'est un point accordé. Il ne suffit pas qu'on nous l'accorde; il faut qu'il soit solennellement prouvé. Nous ne voulons rien devoir à la libéralité, mais tout à la vérité. Nous voulons établir que le maréchal est resté sujet fidèle et dévoué jusqu'au 14 mars; nous voulons vous faire connaître ce qui s'est passé à cette époque. Vous voulez placer la foudre sur nos têtes; nous voulons nous faire voir comment l'orage s'est formé. »

M. Bellart, reprenant la parole, à soutenu que les formes de la procédure n'avaient pas été laissées à la discrétion des commissaires du Roi, par l'or donnance du 12 novembre; qu'au contraire la marche à suivre y avait été tracée de la manière la y plus précise; que cette marche avait été ponctuel lement exécutée. Il a comparé cette procédure à celle qui s'observait devant les conseils de guerre ; ces tribunaux constitutionnels aussi, et respectables par la loyauté de ceux qui les composent.

« Si l'accusé, a ajouté M. Bellart, a réellement besoin de délais, qu'il les demande, qu'il explique ses motifs, sur quels faits les témoins doivent déposer. Si on juge qu'il soit utile pour sa cause de les faire entendre, il est de la justice et de l'humanité de les faire appeler. Mais si justice est due à l'accusé, elle est due aussi à la société. Le maréchal doit avoir tous ses moyens prêts; la procédure devant le conseil de guerre a été longue, beaucoup trop longue. Il faut enfin que le jour du jugement arrive. Il ne peut pas rester impuni, s'il est coupable; il ne doit pas rester toujours dans les prisons, s'il est innocent. »

Mr. Berryer, après avoir encore ajouté quelques réflexions sur les moyens de nullité, a insisté par

ticulièrement sur la nécessité d'un délai. « Les défenseurs, a-t-il dit, ne veulent pas compromettre leur responsabilité dans la défense d'un maréchal de France. Non-seulement les témoins qu'on veut faire entendre déposeront sur les faits antérieurs au 20 mars, mais aussi sur les événemens de cette journée si remarquable, et qui n'est pas assez connue. Il n'y a pas parité entre la situation du maréchal devant le conseil de guerre, et sa position devant la chambre. M. le procureur-général sait bien, et il peut lui affirmer en tout cas, que deux décisions du ministre de la justice et du ministre

[ocr errors]

de la guerre intimaient au conseil de

guerre qu'il eût à surseoir au jugement du fond, jusqu'à ce que sa compétence eût été réglée par la cour de cassation; ainsi, dans aucun cas, le maréchal ne devait s'attendre à avoir à s'occuper immédiatement du fond de l'affaire. »

Mr. Berryer ayant terminé, le président a invité la cour à se retirer pour en délibérer.

Après une délibération de deux heures, la séance a été reprise, et le président a prononcé le jugement suivant :

« La chambre, faisant droit sur les conclusions de MM. les commissaires du Roi, sans s'arrêter aux moyens préjudiciels proposés par l'accusé dans cette séance, dans lesquels il est déclaré mal fondé, ordonne qu'il sera passé outre, à l'examen et aux débats. »

M. le président a ensuite demandé si les témoins étaient tous présens.

Mr. Berryer a répondu : « Monseigneur, les témoins à décharge dont la liste a été signifiée le 19, n'ont pu être assignés; je supplie la chambre d'accorder un délai suffisant, pour qu'il soit possible de les faire citer devant elle. >>

<< Les dépositions des témoins, a dit M. le président, ne sont-elles pas consignées en des interrogatoires écrits? >>

Nous attacherions beaucoup d'importance, a répliqué M.. Berryer, à ce qu'ils fussent entendus oralement; la plupart donneraient des détails précieux sur la journée du 14 mars. Dans une déposition écrite, tous ces détails seront perdus.

M. le président ayant invité l'avocat à énoncer les noms des témoins et les faits sur lesquels il voudrait les faire entendre;

Mr. Berryer a citéles noms de M. le baron de Préchamp, le marquis de Saurans, M. de SaintAmour, qui étaient présens à l'armée le 14; de M. le baron de Montgenet, de MM. Guyet Bessières, qui ont vu le maréchal le 13; de M. Heudelet, avec qui il a eu une correspondance importante sur la situation de Dijon, l'esprit public, celui des troupes, de la gendarmerie. Ces détails ne sont pas dans sa déposition écrite.

M. le président a dit alors : « Précisez le délai que vous demandez. >>

M. Berryer, a déclaré qu'il s'en rapportait entièrement à la prudence de la cour; il a réclamé l'intervention du ministère public pour la signification des ajournemens, afin d'abréger encore les délais.

M. Bellart s'est opposé à ce que le délai fût accordé : il a invoqué les dispositions du code d'instruction criminelle. «Quand les débats sont ouverts, a-t-il dit, il n'est plus possible de les interrompre.

TOME II.

7

« PreviousContinue »