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par le vote du projet dans celle du 16, en décidant de passer à une deuxième délibération.

Ce fut aussi dans sa séance du 16 février que le Sénat adopta le projet de loi portant approbation de la déclaration remettant en vigueur les conventions du 4 juillet 1892 entre la France et l'Uruguay.

Le 16 février, dans la soirée, une nouvelle aussi poignante qu'inattendue se répandait dans Paris : celle de la mort subite de M. le Président de la République Félix Faure.

M. le Président de la République avait, le matin même du 16 février, présidé le conseil des ministres qui se tenait à l'Élysée tous les jeudis. Aucun des membres du gouvernement qui avaient assisté au conseil n'avaient remarqué chez le Président le moindre malaise.

A dix heures du soir pourtant, il rendait le dernier soupir.

Voici les détails donnés sur les derniers moments du Président Faure par l'agence Havas :

A six heures du soir, M. Félix Faure, qui se trouvait dans son cabinet de travail, vint à la porte du cabinet de M. Le Gall, qui est contigu au sien, et lui dit : « Je ne suis pas bien, venez à moi. »

M. Le Gall se précipita aussitôt vers le Président, qui se soutenait encore très bien, et le conduisit jusqu'à son canapé.

M. Le Gall appela immédiatement le général Bailloud et M. Blondel, ainsi que le docteur Humbert qui, par hasard, se trouvait à ce moment à l'Élysée, auprès de son parent, le commandant Humbert.

L'état du Président de la République ne parut pas tout d'abord excessivement grave; mais, comme aux yeux du docteur Humbert il empirait d'instant en ins

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tant, on fit mander par téléphone les docteurs Lannelongue et Cheurlot.

M. Charles Dupuy, président du conseil, était en même temps prévenu.

Les docteurs Lannelongue et Cheurlot, auxquels se joignit plus tard le docteur Bergeron, se rendirent bientôt comple que, bien que le Président de la République continuât à avoir sa pleine connaissance, la situation était des plus graves.

Ce n'est que vers huit heures que Mme Félix Faure, Mile Lucie Faure, M. et Mme Berge furent informés par les médecins de l'état désespéré du Président de la République.

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Me Félix Faure, Mlle Lucie Faure, M. et Mae Berge vinrent alors auprès de M. Félix Faure qui était resté étendu sur son canapé transformé en lit de camp.

Quelques minutes après leur arrivée, le Président de la République commença à perdre connaissance, et, malgré tous les soins qui lui furent prodigués, il rendit le dernier soupir, à dix heures précises.

M. Charles Dupuy, qui n'avait pas quitté l'Élysée, fit immédiatement prévenir les présidents des deux Chambres et les ministres et adressa au gouverneur général de l'Algérie, aux préfets et aux sous-préfets un télégramme leur annonçant le mort du Président.

La nouvelle de la mort du chef de l'État n'a été connue que vers onze heures, et à partir de ce moment a commencé à l'Élysée un défilé de personnages politiques. Mais des ordres très sévères avaient été donnés, et, seuls, les ministres ont pu pénétrer dans le palais.

M. Le Gall, directeur du cabinet civil du Président, compléta ces renseignements un peu secs par les détails suivants, communiqués à un journaliste. et reproduits par toute la presse :

Notre pauvre Président a-t-il beaucoup souffert?
Oui, pendant les deux premières heures.

Quand, vers six heures et demie, il a ouvert la porte qui fait communiquer son cabinet avec le mien, et m'a appelé, il souffrait à ce moment atrocement.

Il est tombé dans mes bras en me disant d'une voix altérée : « Que j'ai mal! »

Je l'ai conduit jusqu'à un petit canapé qui se trouve dans un angle de son cabinet de travail. Je m'efforçai de le rassurer. Mais il avait déjà la sensation qu'il était perdu, et à mes paroles de réconfort, à celles que lui prodiguaient le général Bailloud et M. Blondel, que j'avais appelé, il répondit : « C'est la fin, je le sens bien. »> Et nous, nous espérions toujours. Nous ne pouvions croire à une aussi effroyable catastrophe; nous ne croyions même pas à un danger sérieux.

C'est M. Lannelongue qui nous a arrachés à nos chères illusions. Du premier coup d'œil, il a vu que le président avait été frappé d'une attaque d'apoplexie, qu'il était impossible de tenter même d'enrayer le mal inexorable. Et il nous a fait comprendre que le moment fatal était proche.

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A ce moment il était environ huit heures malade se trouva mieux, les souffrances se calmèrent. Mais l'œuvre fatale se poursuivait, la langue s'embarrassait, et c'est à peine si nous entendions les paroles affectueuses qu'il nous disait à tous, à sa femme, à ses filles, à ses officiers, à ses domestiques.

La tendresse qu'il nous montra à cette heure suprême rend plus cruelle encore notre douleur. Pour tous, il eut un mot touchant.

Clerh, le vieux maître d'hôtel, étant entré, le président lui tendit la main en lui disant : « Mon bon Clerh, je vous ai parfois bousculé. Pardonnez-moi. Je vous aimais bien. »>

A son valet de chambre, Bridier, il eut le courage de dire en souriant : « Voyez, mon bon Bridier, ce qu'un homme est peu de chose, même quand il est Président de la République. >>

Ses dernières paroles furent ; « Que ceux que j'ai pu offenser me pardonnent! Gardez-moi un bon souvenir. » Puis, progressivement, il tomba dans le coma. A neuf heures, il avait perdu connaissance; une heure après, notre cher Président était mort.

François-Félix Faure était né à Paris, le 31 jan

vier 1844, au no 74 de la rue du faubourg SaintDenis. Son père, Jean-Marie Faure, exerçait à ce domicile la profession de fabricant de fauteuils. Le grand-père paternel de Félix Faure avait exercé aussi honorablement la modeste profession de menuisier dans la petite commune de Meys, dépendant du canton de Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône).

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Le père du futur Président de la République, après avoir fait donner à son fils, dans une école des environs de Paris, une instruction qui pût l'étude des langues vivantes et des sciences préparer utilement au commerce et à l'industrie, l'envoya à dix-neuf ans en Angleterre pour se perfectionner dans l'étude de l'anglais.

M. Félix Faure y resta deux ans, subvenant à son entretien par les leçons de français qu'il donnait. A son retour à Paris, il entra comme employé chez un négociant en peaux des environs de la halle aux cuirs. Ce négociant l'envoya ensuite chez un de ses amis d'Amboise (Indre-et-Loire), qui dirigeait une tannerie. C'est là que M. Félix Faure apprit le métier de tanneur. C'est pendant son séjour à Amboise également que M. Félix Faure se fiança à Milo Belluot, nièce de M. Guinot, maire d'Amboise, et, plus tard, sénateur d'Indre-et-Loire.

En quittant Amboise — où il avait vécu près de deux ans - M. Félix Faure alla s'installer au Havre, en 1863, d'abord comme employé, puis ensuite à son compte. Il fonda, avec un commanditaire, une maison de cuirs et peaux qui prit bientôt une grande importance.

La situation que M. Félix Faure sut conquérir au Havre lui valut d'être nommé adjoint au maire de cette ville.

Il remplissait ces fonctions quand éclata la guerre de 1870. Il collabora aux mesures de défense. I signa, le 4 août 1870, les notifications relatives à la formation des compagnies de gardes nationaux. Le 21 octobre 1870, il courut aux avant-postes pour constater la situation et les besoins des compagnies de tirailleurs havrais et mobiles, armées par son intermédiaire, sur réquisition que lui adressa Gambetta. Un décret du 18 novembre le nomma chef de bataillon, commandant le dépôt de la Seine-Inférieure.

En mai 1871, il partit à Paris avec un détachement de pompiers volontaires, afin de combattre les incendies de la Commune. En témoignage de satisfaction, le colonel Willerme garda ses volontaires à Paris les derniers. Le 31 mai 1871, sur la proposition de l'amiral Mouchez, M. Félix Faure fut nommé chevalier de la Légion d'honneur pour faits de guerre.

Rentré au Havre, M. Félix Faure reprit sa place à la mairie. Il y fit une propagande républicaine qui déplut à M. de Broglie. En 1874, il fut révoqué pour ses convictions. Cette révocation eut un effet certain : elle le désigna aux suffrages des électeurs.

Dans sa profession de foi, M. Félix Faure déclarait « qu'il voulait la République tolérante, ouverte à tous, garantissant tous les droits et protégeant tous les intérêts, qu'il ne séparait pas la démocratie de la liberté et la liberté de l'ordre ». Cette première fois, cependant, il ne fut pas élu. Il n'en continua pas moins à s'occuper de politique d'une façon très militante.

En 1881, il se présenta dans la 3e circonscription du Havre. 5.876 vois contre 5.612 données à M. Levaillant du Douet l'envoyèrent à la Chambre.

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