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D'UNE

CONTEMPORAINE,

OU

SOUVENIRS D'une femme

SUR LES PRINCIPAUX PERSONNAGES

DE LÀ RÉPUBLIQUE, DU CONSULAT, DE L'EMPIRE, ETC.

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« J'ai assisté aux victoires de la République, j'ai traversé les saturnales

du Directoire, j'ai vu la gloire du Consulat et la grandeur de l'Empire:

de

- sans avoir jamais affecté une force et des sentimens qui ne sont pas
mon sexe, j'ai été, à vingt-trois ans de distance, témoin des triomphes
de Valmy et des funérailles de Waterloo.» MÉMOIRES, Avant-propos.

TOME SECOND.

BRUXELLES,

P. J. DE MAT, A LA LIBRAIRIE NATIONALE ET ÉTRANGÈRE,

GRANDE PLACE, No 1188.

1827.

Koninkigke
Bibliotheck
te's Shige.

D'UNE

CONTEMPORAINE.

CHAPITRE XXX.

Parallèle entre le général Moreau et le général Ney. Promesse faite à ce dernier. Faiblesse de Moreau pour moi.

MOREAU possédait au plus haut degré

La sévère vertu des mœurs républicaines';

la délicatesse de ses sentimens était extrême sur tous les points; et cette délicatesse eût certainement réprouvé le lien illégitime qui nous unissait, si dès long-temps il n'avait eu

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la ferme intention de consacrer notre union par un acte solennel, aussitôt que les circonstances pourraient le permettre. Il avait formé ce projet dès le jour où il me vit déterminée à suivre son sort: il voulait plus que jamais devenir mon époux.

Moreau, ainsi que je l'ai déjà dit, ne brillait point par les dehors; il n'avait aucun de ces avantages brillans et frivoles qui éblouissent tant de femmes; sa figure était froide, son ton bienveillant, mais calme; son courage paisible commandait plutôt l'admiration profonde et réfléchie, qu'un amour ardent et passionné. Pour me servir d'une expression de ce Cosimo qu'on a déjà vu figurer dans mes Mémoires, je ne l'ai point aimé d'amour le sentiment qu'il m'inspirait ressemblait plutôt au respect. Près de lui je n'avais que le pressentiment de cet amour exalté qui devait occuper la maturité, et remplir la fin de ma vie. Il était réservé à un autre homme de m'inspirer cette passion qui donne tant d'angoisses pour quelques instans de bonheur. Ney, que je veux désigner, n'était pas moins habile capitaine que Moreau; et il joignait aux talens militaires cette audace que la fortune

favorise, et qui plaît tant au cœur des femmes. Ma liaison avec Ney n'eut aucun point de ressemblance avec celle qui m'unissait alors à Moreau. Lorsque celui-ci me rencontra pour la première fois, ma conduite me rendait encore digne de l'estime publique; j'étais environnée des hommages qu'on adressait à ma beauté, que bien des gens vantaient alors comme parfaite : lorsque plus tard j'implorai son appui, j'étais encore si près du moment où j'avais droit à sa considération, que son amour pour moi dut toujours avoir quelque chose de respectueux. Moreau avait été à même, comme on l'a vu, de connaître parfaitement ma famille ; et quelque éclat qu'eussent alors acquis sa fortune et sa renommée, il savait bien qu'il aurait pu devenir mon époux sans déroger à sa gloire. J'avais à peine seize ans lorsque je m'attachai à lui, et l'inexpérience même de cet âge m'eût assuré, toutes circonstances, des droits à l'indulgence, je dirai presque à la compassion d'une ame aussi honnête que la sienne. Je voyais en lui plutôt mon protecteur que mon amant; il ne m'avait jamais caché son intention de me rendre un jour le rang qui m'appartenait

en

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