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se sont passés, selon elle, dans la solitude d'un cabinet; et des preuves de fausseté qu'elle a administrées ellemême, doivent nécessairement faire échouer un complot dans lequel on reconnaît la même malignité et la même imposture qui ont animé ses premières démarches.

Peut-être que quand elle aura reconnu la vanité des espérances dont on l'a flattée, peut-être que quand elle aura perdu toute la confiance qu'elle a donnée jusqu'à présent à ceux qui abusent de sa facilité, elle reprendra des sentimens plus équitables, et que, revenue des égaremens de sa jeunesse, elle donnera autant de satisfaction au sieur Rapalli, qu'elle lui a causé jusqu'à présent de peines et d'amertumes.

RÉPLIQUE.

DANS le nouveau mémoire qui paraît sous le nom de la dame Rapalli, elle adresse elle-même au public ses gémissemens. Accoutumée à gagner les cœurs et les esprits, par les grâces et par les talens dont la nature l'a partagée, elle s'est persuadée qu'en se présentant ellemême, elle surmonterait plus facilement tous les obstacles, que sa voix serait plus touchante, ses peintures plus vives, ses efforts plus heureux que si elle continuait d'employer le secours des jurisconsultes. La séduction serait à craindre, si la délicatesse du tour pouvait tenir lieu d'exactitude dans les récits et de solidité dans les raisonnemens; mais ces points essentiels manqueront toujours à sa défense. Quelques réflexions sommaires dans lesquelles on prétend se renfermer, suffiront pour détruire les avantages qu'elle se promet de plusieurs traits répandus dans son ouvrage.

La dame Rapalli est rebutée d'entendre toujours parler de la première affaire, dont les officialités de Paris et de Lyon ont retenti, et qui a été jugée définitivement par l'arrêt de 1728. Que peut-on reprocher, dit-elle, à une fille de seize ans, victime de son ignorance et de sa timidité? Quoi! elle a signé un contrat de mariage, elle

a cimenté cette union aux pieds des autels, elle a habité avec son mari pendant 15 jours comme femme légitime, elle lui a écrit depuis en cette qualité, et l'ignorance seule a dicté les démarches qu'elle a faites depuis pour rompre un engagement si sacré? Il faut réformer nos mœurs et celles de toutes les nations; les filles ne doivent plus être captivées sous le joug du mariage avant qu'elles aient acquis ces connaissances exactes qui manquaient à la dame Rapalli.

On ne m'a point convaincue d'imposture, dit-elle, sur les faits que j'ai articulés alors, on les a jugés seulement insuffisans. Si la dame Rapalli avait bien voulu rappeler les faits qu'elle articulait, elle n'aurait pas pu hasarder une pareille évasion. Elle soutenait alors que le sieur Dupin, son beau-père, s'était porté aux dernières violences pour la contraindre d'épouser le sieur Rapalli, qu'il lui avait donné un coup de pied et un soufflet, que le contrat de mariage avait été baigné de ses larmes, que la veille de la célébration elle s'était jetée aux pieds du sieur Dupin, qui l'avait repoussée avec menace; qu'aux pieds des autels, quand on lui avait demandé si elle prenait le sieur Rapalli pour son époux, elle avait répondu que non; que le soir on l'avait arrachée de sa chambre pour la traîner dans celle du sieur Rapalli: ces faits peuvent-ils jamais se concilier avec cette liberté qui doit présider aux mariages? Pourquoi donc ont-ils été rejetés? si ce n'est parce que l'imposture en a été démontrée, parce que la sagesse du ministre qui avait donné la bénédiction nuptiale, était un garant assuré que la dame Rapalli avait accepté le sieur Rapalli pour son époux, et qu'elle n'avait pas répondu ce non, qu'elle articulait si expressément; parce qu'elle avait habité un temps considérable avec le sieur Rapalli, comme avec son époux; qu'elle lui avait écrit dans une courte absence avec toute la tendresse et toute la liberté qui pou vaient répondre de ses sentimens; parce qu'elle en avait accepté avec joie et avec reconnaissance des présens magnifiques; parce que toutes les circonstances, en un mot, confondaient l'imposture de ses plaintes et de ses

clameurs.

La dame Rapalli ne se justifie pas mieux sur sa retraite à Chambéry, et sur le séjour qu'elle y a fait au mépris de l'arrêt et au scandale de la religion, qui ne permet pas à une femme d'abandonner son mari pour aller se choisir une demeure dans une terre étrangère. Que nos idées sont différentes! s'écrie la dame Rapalli; je regardai cette retraite comme un milieu raisonnable entre ma conscience et la loi : l'arrêt me donnait un état décidé quant à la société civile, mais avait-il pu faire naître des sentimens que j'aurais voulu trouver dans mon cœur? C'est-à-dire que la dame Rapalli met ici la religion et la loi en contradiction entre elles; c'est-à-dire que les arrêts, pour être exécutés, devraient auparavant consulter le cœur des parties, et ne leur prescrire que ce qu'elles veulent faire, autrement la religion va les conduire dans des terres étrangères, où l'autorité des jugemens ne sera plus qu'un vain fantôme.

Mais comment le sieur Rapalli prouva-t-il sa tendresse à sa femme dans le temps de cette retraite si innocente? Occupé uniquement de la dot, il ne chercha qu'à s'en rendre maitre par les moyens les plus violens. En effet le sieur Rapalli, pour faire éclater sa tendresse, aurait dû dire à sa femme: Vous m'abandonnez, au mépris des lois et de la religion, vous vous révoltez contre l'autorité des titres les plus solennels; vous me diffamez comme un homme qui a attenté à votre liberté : prenez votre bien, jouissez impunément de cette liberté qui vous est si chère; je vous aime assez pour vous procurer tous les moyens de persister dans votre révolte. Des offres si tendres auraient sans doute calmé la conscience de la dame Rapalli; et si elle n'avait pas reconnu le sieur Rapalli pour son époux, elle aurait voulu du moins trouver dans son cœur des sentimens plus favorables pour lui. Au surplus ces moyens violens, ce sont les que le sieur Rapalli a obtenus contre les sieur et dame Dupin. C'est une violence à leurs yeux que de recourir à l'autorité de la cour.

arrêts

Depuis la réunion faite en 1734, la dame Rapalli convient que pendant trois mois son mari ne lui a donné aucuns sujets de plainte. Le premier appartement,

cit.

dit-on, était occupé par des personnes pour qui il devait avoir de la considération; leur présence le rete nait, mais à la fin du terme il alla demeurer rue Guénégard, où, n'ayant plus personne à ménager, il se livra pleinement à son humeur. Ne dirait-on pas à ce réque c'est le sieur Rapalli qui a voulu sortir de sa propre maison pour aller demeurer dans la rue Guénégaud? Aucun des amis du sieur Rapalli n'ignore cependant que ce fut un sacrifice qu'il fit aux volontés de la dame Rapalli; elle ne se trouvait pas logée convenablement dans la maison du sieur Rapalli, elle le pressa d'en sortir, il se rendit à ses désirs; c'est ce qui est d'une notoriété publique chez tous ceux qui avaient quelque accès dans la

maison.

de mon

Pour me conformer à la façon de penser mari, je me défendis spectacles, promenades, jeux, sociétés. C'est beaucoup que la dame Rapalli n'ait pas articulé que son mari lui eût interdit ces plaisirs si touchans pour une jeune femme, elle n'attribue ces défenses qu'à elle-même; mais apparemment qu'elle ne s'était pas fait sur cela une loi bien rigoureuse; car après avoir annoncé cette retraite austère, elle nous dit presque aussitôt dans son mémoire, qu'elle revenait un jour à sept heures et demie du soir en été du Luxembourg, où elle avait été avec une demoiselle qu'elle avait eue à diner, et qu'elle remenait au couvent où elle demeurait, lorsqu'elle trouva, etc. La voilà donc, de son aveu, qui prend part aux plaisirs de la promenade et de la société; rien n'était plus convenable, et le sieur Rapalli, loin de s'y opposer, était le premier à engager la dame Rapalli à prendre les divertissemens qui amusent à son âge. Mais pourquoi donc annoncer cette privation, quand immédiatement après on est obligé de par ler de l'usage que l'on faisait de ces mêmes plaisirs? Une pareille contradiction ne donne pas une grande idée des autres circonstances que l'on débite dans le même mémoire.

Les faits répandus dans les six premières plaintes ne méritent pas que l'on s'y arrête; la dame Rapalli aura beau se soulever contre le reproche qu'on lui a fait

qu'elles ne renferment que des minuties, les couleurs qu'elle emprunte pour grossir les objets, les circonstances dont elle cherche à les fortifier, en ajoutant à ce qui est porté par les plaintes même, toutes ces ressources d'une imagination vive n'en changeront pas la

nature.

La dame Rapalli ne s'est livrée à cette multitude de plaintes, que pour essayer la séparation qu'elle méditait; elle a eu peur qu'un fait unique ne fût point écouté; elle s'est fait alors à elle-même cette déclamation dont elle a orné son mémoire: Quoi! messieurs, punira-t-on le plus tendre des maris; etc. elle en a craint les impressions, et elle n'a fatigué tant de fois les officiers publics des vils détails de sa maison, que pour calmer l'inquiétude qu'elle s'était formée sur un moyen dont elle pouvait être touchée.

Au surplus, elle convient elle-même de la réconciliation parfaite qui a suivi ces premiers faits, elle veut les faire revivre par le dernier : attachons-nous donc à cet unique objet, dont la fausseté démontrée renversera tout le système de la dame Rapalli. S'il est faux, il ne peut ni faire revivre les faits qui ont précédé, ni servir par luimême de prétexte à la séparation.

Mais tout annonce l'imposture; on ne conçoit pas ce qui aurait pu porter le sieur Rapalli à de telles fureurs; on ne peut l'en convaincre, puisqu'il n'y avait point de spectateurs; et tout ce qui a suivi, justifie pleinement que la dame Rapalli n'a pas même été légèrement

offensée.

Une femme vient trouver son mari dans son cabinet, elle s'assied sur ses genoux, elle lui demande, avec toute la douceur imaginable, une modique somme de 30 liv., et aussitôt il se livre à un excès de barbarie dont les âmes les plus féroces seraient incapables. Une pareille idée peut-elle être proposée sérieusement? On convient que ce qui n'est pas vraisemblable peut être vrai, mais c'est déjà un grand avantage que d'avoir contre l'accusatrice un défaut de vraisemblance à lui opposer. Cela ne suffit pas, il faut ajouter qu'en matière de crimes, c'est un principe de droit qu'on ne présume pas qu'on se soit

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