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dra-t-on dans la procédure du Châtelet? Tout au plus s'il y a eu un contrat de mariage et un testament; mais que servirait l'un et l'autre, s'il n'y avait point de mariage? C'est donc s'attacher à l'objet inutile, et s'éloigner du seul qui peut être important et décisif. Et après cela la demoiselle de Kerbabu osera dire c'est le marquis d'Hautefort qui veut empêcher que la vérité soit connue! Son unique objet au contraire est qu'elle soit manifestée; il n'a rendu plainte que pour y parvenir; il ne demande la continuation de sa procédure que pour la mettre dans tout son jour; s'il y avait quelque autre expédient pour la découvrir plus tôt et plus sûrement, il n'y en a point auquel il ne se prêtât; la cour n'a qu'à lui en tracer la route, il n'y en a point qu'il ne suive. Mais de lui étouffer la voix, mais de l'empêcher de poursuivre la vengeance des crimes dont il accuse la demoiselle de Kerbabu, ce serait, au contraire, étouffer la vérité. Elle est trop précieuse en général, et surtout dans une affaire si intéressante, pour que la cour puisse jamais être entraînée à un parti si peu convenable.

RÉPLIQUE.

TOUT l'objet de la cause du marquis d'Hautefort est de soutenir sa procédure contre celle de la demoiselle de Belingant. Il faut d'abord en rappeler les dates en

un mot.

14 janvier 1728, plainte rendue à Paris, chez un commissaire, contre des quidams qui lui ont enlevé un prétendu contrat de mariage et un testament.

17 dudit mois, permission d'informer.

23 et 26, commission rogatoire aux juges de Brest. 3 février, permission de publier monitoire. 8 dudit, publication.

7 février, information de la demoiselle de Belingant, composée de deux témoins qui lui sont contraires.

4 février, antérieurement à l'information de la demoiselle de Belingant et à la publication de son monitoire,

plainte rendue à Laval contre ladite demoiselle, de subornation d'officiers publics, et fabrication de faux titres pour se procurer la qualité de veuve du comte d'Hautefort.

Le même jour, permission d'informer; et information continuée jusqu'au II, composée de dix-sept témoins. Le II décret de prise de corps, exécuté le 15.

Donc dans le fait il est démontré, 1o que le marquis d'Hautefort n'a jamais été accusé, n'étant nommé ni dans la plainte, ni dans l'information.

2° Que, quoique sa plainte soit postérieure, cependant son information a été faite ayant celle de la demoiselle de Belingant, et sa procédure portée jusqu'au décret avant qu'elle eût eu la moindre preuve, quoiqu'elle ait eu le temps d'en acquérir (s'il lui avait été possible), l'arrêt de défenses n'ayant été obtenu qu'un mois après. Dans le droit, il résulte que la procédure du marquis d'Hautefort n'est point récriminatoire.

1o Parce qu'elle n'a point été faite par un accusé, puisqu'il ne l'a jamais été; et que s'il a interjeté appel de la procédure de la demoiselle de Belingant, ce n'a point été comme accusé, mais comme accusateur et comme héritier et neveu du comte d'Hautefort, contre une fille qui usurpait une qualité de veuve qui le blessait. 2° Parce que sa procédure n'a point pour objet le

même fait

3o Parce que, lors de cette procédure, il ne pouvait avoir aucune connaissance de celle du Châtelet, qui n'en était encore qu'aux termes d'une plainte secrète.

4° Parce que la date des plaintes qui sont secrètes, ne peut pas décider de l'antériorité, sans quoi tous les coupables, avec cette précaution, se mettraient à couvert par de semblables voies.

5o Parce que si les dates décidaient, il est certain que son information a été commencée avant celle de la demoiselle de Belingant, et le décret obtenu.

Donc plus de moyen de récrimination; on l'a même comme abandonné à la dernière audience.

Comment donc se déterminer pour la préférence entre ces deux procédures?

A l'égard de leur objet, c'est-à-dire des crimes contenus dans les plaintes, on veut bien les supposer égaux, quoique la subornation d'officiers publics et le crime de faux, objectés à la demoiselle de Belingant, soient plus graves que la prétendue suppression d'un contrat et d'un testament, de l'existence desquels on n'a d'autre indice qu'un papier argué de faux.

sup

A l'égard des charges, elles sont certainement plus fortes du côté du marquis d'Hautefort, comme on le voit par les informations; mais on veut encore les poser égales, parce qu'on prétend qu'elle n'a pas eu le loisir d'achever les siennes, quoiqu'il y ait eu un mois entier jusqu'à l'arrêt de défenses qui l'a arrêtée.

Donc, en accordant tout cela à la demoiselle de Belingant, toutes choses sont jusqu'ici égales.

Mais le marquis d'Hautefort a encore deux avantages considérables. L'un, que sa procédure tend à éclaircir une question d'état, qui toujours est préjudicielle.

L'autre, que la procédure de la demoiselle de Belingant est fondée sur une qualité non-seulement contestée, mais de plus arguée de faux.

Dans ces circonstances, il n'est pas question de casser ni l'une ni l'autre procédure, aucune des deux n'étant nulle dans sa forme. Reste donc trois partis à prendre; ou les faire marcher toutes deux d'un pas égal, ou suspendre celle du Châtelet, et laisser subsister celle de Laval; ou détruire celle de Laval, et suivre celle du Châtelet.

1° Pour les faire marcher d'un pas égal, comme celle du marquis d'Hautefort est fort avancée, et celle de la demoiselle de Belingant à peine commencée, il faudrait, en convertissant le décret de prise de corps en ajournement personnel, ordonner qu'avant faire droit sur toutes les demandes, la procédure du Châtelet serait continuée jusqu'au décret, pour être, avec celle de Laval, rapportée en la cour, et sur le tout ordonné ce que raison; ou bien ordonner qu'avant faire droit sur l'appel de la demoiselle de Belingant, ensemble sur toutes les demandes des parties, la procédure commencée au Châtelet serait continuée jusqu'au décret. Mais

COCHIN. TOME 1.

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de

par ce chemin on ne ferait que reculer la difficulté, parce qu'il faudra toujours déclarer alors qu'il demeurera accusé ou accusateur: ce que l'on peut faire dès à présent.

2o Si l'on continuait la procédure de la demoiselle de Belingant au préjudice de celle du marquis d'Hautefort, on autoriserait une procédure fondée sur une qualité que l'on présente aux juges comme un crime, et qu'ils seront peut-être obligés de détruire eux-mêmes, si ce crime est prouvé; et qui pis est, quand la procédure serait achevée au Châtelet, et même la preuve complète contre le marquis d'Hautefort, on ne pourrait prononcer contre lui ni peine, ni dommages et intérêts en faveur de la prétendue veuve, sans auparavant discuter cette qualité de veuve, arguée de faux; et par conséquent il faudra faire, après coup, ce que l'on pourrait faire à présent.

Outre cela, en continuant la procédure du Châtelet, au préjudice de celle de Laval, on courrait risque de faire tomber par un arrêt, que l'on ne regarde néanmoins que comme un arrêt d'instruction, les preuves qui résultent de cette procédure pour établir les crimes de subornation et de faux; on ôterait par provision au marquis d'Hautefort les moyens qu'il peut tirer de ces dépositions, et on lui enleverait les preuves qu'il peut en induire pour établir le faux ; et quoiqu'en ordonnant l'instruction du faux principal, on statuat, conformément à l'ordonnance, qu'elle se ferait tant par titres que par témoins, il se trouverait néanmoins que, par provision, on lui aurait ôté toutes les preuves testimoniales qu'il pourrait en administrer, et qui sont écrites dans les dépositions de Laval.

30 Enfin, si l'on donnait la préférence à la procédure du marquis d'Hautefort, il paraît que l'on agirait plus conformément aux principes, en agitant d'abord la question d'état, par l'événement de laquelle, s'il se trouve que la demoiselle de Belingant a usurpé la qualité de veuve, il n'y a plus de procès, et son action tombe. Si au contraire elle l'établit, elle sera autorisée à poursuivre son action criminelle en suppression

de pièces par-là on ne serait point obligé de revenir sur ses pas, pour examiner, après coup, la question d'état, et l'on ne ferait aucun tort à la demoiselle de Belingant, dont la procédure, en l'état où elle est, ne contient aucune preuve; au lieu que celle du marquis d'Hautefort contient presque toutes celles qu'il peut désirer.

Si les deux plaintes étaient du même jour, on se déterminerait sans balancer en faveur de celle du marquis d'Hautefort, parce que la question d'état préjudicielle qu'elle renferme, déciderait en sa faveur.

On a démontré que la date des plaintes ne change rien à leur nature, et ne peut pas décider; si donc on peut encore hésiter, ce ne peut-être que parce que la plainte de la demoiselle de Belingant est accompagnée de quelques titres colorés, qui sont ces lettres et ce prétendu extrait de célébration.

Mais tous ces titres sont attaqués de faux; il faut donc, avant toutes choses, les examiner; comme si dans une affaire où l'on voudrait contraindre un débiteur par corps, en vertu d'un titre qu'il attaquerait de faux, on voulait l'emprisonner par provision avant de vérifier la pièce

arguée de faux.

La demoiselle de Kerbabu dit qu'on lui retient ses titres, et qu'il faut les lui rendre préalablement à tout, et par conséquent autoriser sa poursuite, qui tend à les ravoir; mais c'est une illusion; car ce ne sont point les titres constitutifs de son état qu'elle réclame, c'est un contrat et un testament qui dépendent d'un extrait de célébration qu'elle a en sa possession; et c'est ce titre fondamental qu'elle possède, que l'on attaque de faux. Elle a donc le titre constitutif de son état; on l'attaque, c'est à elle à le soutenir, avant de pouvoir réclamer les autres qui n'en sont que la suite, et qui ne lui vent servir, si celui-là n'est bien établi.

peu

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