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si importante; cependant elle demeure dans l'inaction; cela peut-il se comprendre? Elle aurait dû dès lors faire retentir toute la province de ses justes plaintes; elle aurait dû prendre des mesures pour faire arrêter cet officier, et se saisir de ses minutes et de ses registres; cependant on la voit garder un profond silence. Il faudrait être bien aveugle pour ne pas reconnaître qu'elle ne pensait pas même alors à rendre quelqu'un responsable de pièces qu'elle savait bien n'avoir jamais existé. Ce n'est pas tout: elle vient à Paris à la fin de 1727; elle rend plainte, au mois de janvier 1728, de la soustraction de la grosse, et ne dit pas un mot de la perte de la minute; au contraire, elle dit formellement qu'elle s'est adressée au notaire qui l'avait; qu'il a refusé de lui en délivrer une expédition, en lui disant qu'il en avait délivré une au comte d'Hautefort. Elle suppose donc la minute existante, ce qui montrait l'absurdité de la plainte qu'elle rendait de la soustraction de la grosse. On lui a fait remarquer cette absurdité; pour la faire cesser, elle imagine enfin, au mois de mai 1728, de rendre plainte de l'enlèvement de la minute qu'elle dit n'avoir été faite qu'en septembre 1727. Peut-on concevoir que s'il y avait eu quelque chose de sérieux dans cette plainte, elle eût été près d'un an sans la rendre, depuis qu'elle s'était adressée au notaire de Montsur? Sa conduite depuis a confirmé ce que son inaction précédente annonçait si clairement; elle n'a point fait informer contre ce notaire; elle n'a pas même demandé qu'il fût décrété; elle ne s'est point plainte de ce qu'on le laissait tranquille. On a eu beau la presser sur cet article, elle n'a point changé de conduite; peut-on résister à des faits si décisifs? N'en résulte-t-il pas clairement qu'il n'y a jamais eu de minute? Et si cela est, la prétendue soustraction de la grosse n'est-elle pas un excès d'imposture?

Mais, dit-elle, ce n'est pas ma 'faute si l'on n'a pas décrété Ains, notaire à Montsur; j'ai fait tout ce qui était en moi pour qu'il fût compromis dans la procédure. Dans cette objection, le nouvel écrivain de la demoiselle de Kerbabu est bien peu d'accord avec les écrits

le

qu'elle avait donnés jusqu'à présent. Dans le premier mémoire qu'elle a donné sur l'appel, elle disait que marquis d'Hautefort, en lui enlevant la grosse du contrat de mariage, lui avait ôté la preuve de l'existence de la minute, et l'avait mise par-là dans l'impossibilité de poursuivre le notaire; aujourd'hui, elle semble se plaindre des premiers juges, de ce qu'ils ne l'ont pas décrété c'est ainsi que, dans tous les temps, elle a détruit successivement tout ce qu'elle avait avancé. Mais comment peut-elle dire qu'elle a fait tout ce qui était en elle pour envelopper le notaire dans son accusation, quand il n'y a pas un seul témoin qui parle de lui direc tement ni indirectement, quand dans ses mémoires et requêtes, elle n'a pas relevé la moindre circonstance qui le charge, quand elle paraît l'avoir entièrement oublié? Ne pouvait-elle pas demander, par une requête expresse, qu'il fût décrété? Qui ne voit le motif qui l'a retenue? Elle a craint qu'un officier, qu'elle avait voulu corrompre, ne la confondît par des réponses si vives et si pressantes, que la religion des juges en fût ébranlée; elle a appréhendé de mettre au nombre des accusés, un homme qui, en se justifiant sans peine d'un crime chimérique, pouvait si facilement la convaincre d'un crime réel. Or, ce motif, qui seul l'a empêchée d'agir, ne découvre-t-il pas toute la noirceur de sa conduite?

Il est donc évident qu'il n'y a ici aucun corps de délit; il ne pourrait jamais y en avoir, qu'autant que les pièces qui donnent lieu à la plainte, auraient été vues au temps du décès, ou depuis; et il n'y a pas un témoin qui ait osé le dire. Quand elles auraient existé auparavant, lá chimère de l'accusation n'en serait pas moins sensible; mais il est manifeste qu'elles n'ont jamais existé, soit par les lettres de la demoiselle de Kerbabu, soit conduite qu'elle a tenue depuis la mort du comte d'Hautefort. Avec quelle indignation doit-on, après cela, considérer une accusation qui ne roule que sur un fait si

calomnieux ?

par

la

S'il n'y a pas même de corps de délit, il est inutile de justifier en particulier les accusés, puisqu'il ne peut point y avoir de coupables; on en chercherait en vain

quelques-uns parmi eux. Aussi, n'y a-t-il pas un témoin qui les charge, ni directement ni indirectement, d'avoir soustrait aucun papier

Que devient donc cette accusation, annoncée avec tant d'éclat? Le temps des promesses est passé; depuis long-temps on en amuse le public; il faut aujourd'hui quelque chose de plus, et cependant on ne trouve ni délit, ni coupable. Que l'on reconnaisse donc enfin, que la demoiselle de Kerbabu n'a payé jusqu'à présent que de témérité et d'imposture. Il a fallu, pour donner quelque ombre de crédit à sa fable, annoncer de profonds mystères, promettre de grandes preuves, entretenir les esprits de vaines espérances; mais on ne se contentera plus de prestiges; et puisqu'il n'y a aucune preuve, il faut que cet édifice scandaleux d'accusation s'écroule de toutes parts.

En vain, pour l'étayer, la demoiselle de Kerbabu transporte-t-elle le lieu de la scène, tantôt chez Martinon, et tantôt chez le marquis d'Hautefort, à l'hôtel de Pompadour; en vain fait-elle de longs commentaires sur les discours d'un seul témoin, d'une simple servante, qui dit avoir vu ouvrir une cassette, et qui place cet événement, tantôt le matin, et tantôt l'après-midi, en ajoutant cependant toujours qu'on n'en a enlevé aucuns papiers; en vain cherche-t-elle bien sérieusement à approfondir si Mandex, étant venu vers le midi à l'hôtel que le feu comte d'Hautefort avait rue de Varenne, y est entré un moment, ou n'a fait que passer. Toutes ces circonstances inutiles, auxquelles elle s'arrête, ne sont propres qu'à faire connaître de plus en plus qu'elle n'a aucune sorte de preuve. C'est, dit-on, un crime occulte, dans lequel on ne peut pénétrer que par ces recherches; mais que ne tranche-t-on le mot, et que ne dit-on de bonne foi, si on en était capable, que quand on a supposé un crime imaginaire, il faut bien se sauver par des illusions? Réduite à prouver un crime occulte par des preuves occultes, l'accusatrice n'a rien de réel à présenter à la justice. Tout n'est ici que puérilité dans les preuves, comme tout n'est que calomnie dans les plaintes.

Il ne peut donc pas rester le moindre doute à décharger entièrement le marquis d'Hautefort de l'accusation calomnieuse intentée contre lui. Le second objet qui reste, est de lui accorder une réparation proportionnée à l'offense.

Jamais accusation n'a mérité d'être réprimée par des peines plus sévères. On vient de voir qu'il n'y a pas même de corps de délit; que la demoiselle de Kerbabu n'a jamais suivi l'objet qui seul aurait dû l'animer, et qui était de poursuivre le prétendu dépositaire de la minute; que, par conséquent, elle n'a jamais agi que dans un esprit de vexation contre le marquis d'Hautefort: c'en est assez pour faire tomber sur elle tout le poids de l'indignation publique.

Mais, allons plus loin, et considérons par quelle voie elle a prétendu soutenir son accusation. Cette révélation anonime, qu'elle a osé faire paraître comme une pièce sérieuse, et dans laquelle on impute si ouvertement au marquis d'Hautefort le crime odieux qui a fait le sujet de la plainte originaire; cette révélation qui n'a point d'au teur connu, mais qui n'a pu partir que de la main de l'accusatrice, ne renferme-t-elle pas ce que la faussetéa de plus criminel, ce que la malignité a de plus noir, et ce que l'imposture a de plus criant? A ce seul trait, que ne devait-on point attendre de la demoiselle de Kerbabu? C'est elle qui, pour la première fois, a osé présenter à la justice un témoin muet, afin de parler elle-même sous T'apparence chimérique d'un témoignage étranger; c'est elle qui a donné un spectacle si nouveau, et qui s'en est applaudie comme du triomphe de sa cause, pendant qu'il devait, un jour, tourner uniquement à sa confusion: n'est-ce pas-là le comble de l'audace et de l'iniquité?

Enfin, à quels excès a-t-elle porté la déclamation dans ses écrits? Elle n'a pas craint d'y représenter le suppliant comme un homme couvert d'opprobres et accablé de l'indignation publique; comme un homme qu'elle allait convaincre des plus grands crimes, et qui n'échapperait pas à la juste censure des gens d'honneur, si, dans les tribunaux de la justice, il pouvait éluder la condamnation que ses forfaits avaient méritée. Elle a eu le front, dans

une dernière requête, de le comparer à un voleur qui aurait forcé un cabinet, et qui serait par-là responsable de tout ce qui avait été vu dedans, quelques jours auparavant. En un mot, sa fureur n'a gardé ni mesures, ni bienséances, et cela dans un temps où elle voyait par toutes ses informations, qu'elle n'avait pas pu acquérir le plus léger degré de preuves. Il semble que ses déclamations aient redoublé à mesure que ses calomnies sont devenues plus sensibles, et qu'elle ait imaginé que la justice se déterminerait, non sur ses preuves, mais sur le ton qu'elle prendrait dans ses écrits.

pas

Quelle réparation le suppliant n'a-t-il point lieu d'attendre pour une diffamation si odieuse? Ne serait-ce ouvrir la porte à la licence, et exposer les gens de bien aux plus cruelles extrémités, que de frapper légèrement sur celle qui est coupable de tant d'indignités?

La cour voit trop par elle-même le danger d'un exemple si pernicieux, pour ne pas le réprimer par la sévérité de son jugement. Elle le doit à la gloire d'un homme indignement outragé, à la tranquillité publique, à la protection que mérite l'innocence, et à la juste indignation qui doit être le partage de la calomnie.

Ce considéré, nosseigneurs, il vous plaise donner acte au suppliant de ce que, pour réponses à la requête de la demoiselle de Kerbabu, du 11 du présent mois, il emploie la présente requête ; ce faisant, ordonner que les termes injurieux, insérés dans ladite requête de la demoiselle de Kerbabu, seront rayés et biffés, et adjuger au suppliant les conclusions ci-devant prises, avec dépens: et vous ferez bien.

RÉPONSE A UNE REQUÊTE DU 21 JUILLET 1731.

SUPPLIE humblement Emmanuel, marquis d'Hautefort disant, qu'il n'est point étonné que la demoiselle de Kerbabu fasse chaque jour de nouveaux efforts pour soutenir une accusation dont l'odieuse calomnie, une fois mise au jour, doit attirer sur elle non-seulement

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