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blés furent toujours les plus beaux du canton ; publiant sa méthode, il publia les résultats de l'expérience.

Chaulage de Tillet.

Tillet, très bon cultivateur, consacra par une expérience de trente années sa méthode: beaucoup d'agriculteurs, convaincus de son procédé, l'adoptèrent, et la plus belle succession de récoltes a justifié cette adoption.

Il versait, sur cinquante livres de bonnes cendres de bois neuf, cent pintes, ou deux cents livres d'eau de rivière, de fontaine ou de mare, rejetant les eaux de puits, comme trop dures et trop crues; agitant chaque jour avec un fort bâton les cendres dans l'eau, il en tirait la lessive au clair le troisième jour.

La faisant ensuite chauffer de manière à y pouvoir tenir la main, il y éteignait de la chaux vive, à la quantité d'une livre par seau de sept à huit pintes, et dans cette lessive ainsi aiguisée, il plongeait, à l'aide de paniers, son blé de semence à plusieurs reprises, de manière à le baigner parfaitement, l'égouttant et l'étendant à l'air, jusqu'à ce qu'il glissât facilement dans les mains du semeur.

Au défaut de cendres, il se servait de cent

pintes d'eau et de sept à huit livres de potasse, et, à défaut de potasse, de dix à douze livres de soude, ce qui épargne la main-d'œuvre de la lessive et fait gagner du temps. C'est une méthode que nous conseillons d'employer.

Chaulage de l'abbé Tessier, médecin, dont les expériences furent faites à Rambouillet, sous les yeux du Roi.

Prenez huit à neuf livres de chaux vive et nouvelle, c'est-à-dire un demi-boisseau comble, et vingt-huit ou trente pintes de quelque eau que ce soit; partagez l'eau en deux parties, pour faire bouillir l'une, et, lorsqu'elle sera bouillante, mettez-y fondre la chaux ; mêlez bien ensuite cette eau remplie de chaux avec le reste de l'eau qui est demeurée froide, et qui doit être dans un tonneau défoncé ou dans une cuve. Lors de l'ébullition et de la fusion de la chaux, on empêchera que le tout ne passe par-dessus la chaudière, en y jetant de cette même eau froide.

Le boisseau de blé pèse de vingt à vingt-une livres; douze boisseaux font un septier, ancienne mesure de Paris, et le septier pèse de deux cent quarante à deux cent cinquante li

vres. Le chaulage peut s'opérer de quatre manières.

Dans la première, on étend un ou deux septiers de semence sur le sol, l'arrosant peu à peu avec le lait de chaux, et le remuant à la pelle.

Dans la seconde, on remplit aux deux tiers des corbeilles avec le froment, pour les plonger dans la cuve ou le tonneau, le mettant en tas sur le plancher, et n'y touchant que vingtquatre heures après. En cet état, le froment se conserve autant de temps que l'on veut; il suffit de le remuer à la pelle chaque jour.

La troisième consiste aussi dans l'immersion au moyen des corbeilles à anses; mais pendant l'immersion on jetera de temps en temps quelques pierres de chaux dans la cuve ou le tonneau, afin d'y exciter de la chaleur.

La quatrième manière, et la meilleure de toutes, est de jeter la semence dans le tonneau ou la cuve qui contient l'eau de chaux, et de l'y laisser en trempe pendant vingtquatre heures, remuant avec un bâton, et écumant pour enlever les grains de froment faibles et les mauvaises graines, en réitérant plusieurs fois dans la journée. Au bout de vingt-quatre heures de bain, on le retire pour l'étendre sur le sol, le faire sécher et le semer.

Chaulage des grains, extrait du Journal de Paris, novembre 1785.

Cendres de bois neuf, cent livres.

Eau de rivière ou de mare, quatre cents livres.

Chaux vive, vingt-cinq livres, afin de faire une lessive du tout, en la passant au travers d'une toile.

Le grain à semer sera mis dans un cuvier; on versera par-dessus de cette lessive à flot, en remuant la masse avec un bâton, et enlevant à plusieurs reprises tout le grain qui viendra à flotter, nageant à la surface, comme peu própre à la reproduction. On laissera macérer le grain dans la cuve pendant douze ou quinze heures, et l'ayant retiré, on l'aérera sur le plancher pendant assez de temps, pour que l'adhérence des grains n'empêche pas de les

semer.

Observations générales.

Le chaulage proprement dit présente encore une foule d'autres préparations, mais nous n'avons pas cru devoir les joindre ici, malgré la persuasion où nous sommes que l'arsenic luimême ne peut altérer le blé produit par la se

pou

mence qui en serait empoisonnée; mais la dre ou la liqueur dans laquelle on ferait entrer l'arsenic, le cobalt, le sublimé-corrosif, et d'autres substances léthifères, compromettrait à coup sûr la vie des semeurs : en conséquence, l'arrêt du conseil d'état du Roi, du 26 mai 1786, défendit avec sagesse d'employer les préparations dans lesquelles il entre des substances capables de nuire à la santé. Il est de fait que, lorsque le semeur a le vent au nez et qu'il emploie du blé chaulé, il est très-incommodé de la chaux qui s'en détache: d'un autre côté l'infusion de fientes de volaille et de colombine donne encore une odeur qui est trèsincommode pour l'homme qui sème.

Quant aux lessives de cendres de bois neuf que les préparations ci-dessus conseillent d'employer, on trouvera beaucoup d'économie à se servir des lessives qui restent après qu'on a lavé le linge celles-ci ne coûtant rien, elles sont même préférables à quelques égards, et on peut très-utilement s'en servir. Le bon économe ne laisse rien perdre.

Nous n'avons fait aucune mention de l'emploi des acides dans le chaulage, quoique certaines personnes l'aient recommandé et qu'elles en aient fait usage. Il paraît qu'ils firent la base

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