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TECHNOLOGI E.

Rapport fait par M. le comte de Lasteyrie, au nom d'une commission spéciale, sur les gravures lithographiques adressées à la société d'encouragement par M. Engelmann.

Mr G. Engelmann, de Mulhausen, a adressé à la société d'encouragement un rapport ou mémoire imprimé, dans lequel se trouvent quatre planches lithographées (1); il a joint à ce mémoire dix-sept gravures et une carte géographique également lithographées.

Avant d'entrer dans les détails relatifs à l'établissement que M. Engelmann a formé à Mulhausen, je vous demanderai, Messieurs, la permission de vous entretenir un instant de la première introduction de cet art intéressant en France, des efforts que j'ai faits moimême pour lui donner de l'activité, et des

(1) Voir les mots Lithographie et Pierre à la table géné– rale du 56° volume de la première collection des Annales des Arts et Manufactures.

travaux que j'ai entrepris pour le naturaliser parmi nous, malgré le défaut de succès qu'ont éprouvé les premières tentatives.

L'art lithographique a été trouvé, il y a environ seize ans, par un artiste de Munich, nommé Clément Senefelder. M. André, d'Offenbach, ayant eu connaissance des procédés lithographiques, vint à Paris, il y a quatorze ans, prit un brevet d'importation et établit une presse. L'art qui présente encore, dans ce moment, plusieurs difficultés, était alors fort imparfait. Frappé des avantages qu'il offrait aux arts et à l'industrie française, je fis tous mes efforts pour encourager M. André; mais il échoua dans son entreprise, par les obstacles qu'il rencontra dans les procédés dont il se servait. Alors il retourna en Allemagne, après avoir vendu son brevet d'invention à trois personnes qui échouèrent successivement. Ce défaut de succès ne me fit pas perdre l'espérance que j'avais conçue d'établir dans ma patrie un art naissant qui offrait de si grands avantages. J'écrivis en Allemagne pour avoir des renseignemens sur l'état où il se trouvait dans ce pays. J'appris qu'il y faisait chaque jour quelques progrès. M. le baron d'Arétin, qui lui a rendu de grands services, me pro

posa, en 1810, de former une association et de faire venir à Paris l'inventeur, des artistes et des ouvriers. Je crus ne devoir pas accepter les offres qui m'étaient faites, et je me déterminai à faire un voyage à Munich, afin d'examiner les choses par moi-même, et de prendre une connaissance exacte de l'art, avant de commencer l'établissement que je projetais. Je passai un mois dans cette ville; je m'informai, non sans difficultés, des procédés lithographiques; je fis des propositions à quelques artistes et à des ouvriers; je passai même un contrat avec l'inventeur Clément Senefelder. Mais la guerre de Russie, qui se déclara en 1812, lorsque j'étais à Munich, dérangea tous mes projets, et peu de temps après j'appris que l'artiste et les ouvriers que j'avais engagés ne voulaient plus venir en France.

Après les désastres de la guerre qui a suivi la campagne de Moscou, la famille des Bourbons étant rentrée en France, je fis un second voyage à Munich, pour m'instruire d'une manière plus particulière dans l'art lithographique, et pour faire venir des ouvriers à Paris. L'espace d'un mois que je passai dans cette grande ville, fut consacré non-seulement à étudier les différens procédés, mais à les exé

cuter moi-même, afin de ne pas être obligé de. recevoir la loi des ouvriers, et de pouvoir les diriger avec connaissance de cause. Ainsi, à commencer par le polissage des pierres, et successivement jusqu'au tirage des épreuves, j'ai exercé toutes les parties de cet art délicat, et qui demande encore des travaux et des essais nombreux avant de parvenir au degré auquel il paraît devoir arriver un jour.

J'ai fait exécuter des presses, des machines et divers instrumens employés dans la lithographie, et je les ai fait venir à Paris pour monter mon établissement. J'ai tiré aussi d'Allemagne une provision de pierres que je n'ai pu trouver encore en France.

Les nouveaux ouvriers que j'avais engagés dans mon second voyage à Munich, étaient prêts à se rendre à Paris, lorsque l'arrivée de Bonaparte en France déconcerta mes projets et en arrêta l'exécution. Mais j'espère pouvoir mettre en activité, d'ici à deux mois, l'établissement auquel je travaille depuis plusieurs années, et en présenter les résultats à la société. Je mettrai en attendant sous ses yeux quelques sujets que j'ai exécutés, soit à Munich, soit à Paris.

J'ai tenté plusieurs expériences pour per

fectionner l'art, et quelques succès obtenus me font espérer que je parviendrai à d'heureux résultats, lorsqu'il me sera permis d'opérer en grand.

Il est bon d'observer que cet art, qui paraît si simple et si facile aux personnes qui ne l'ont examiné que superficiellement, présente, dans l'exécution, des difficultés dont plusieurs ont été jusqu'ici insurmontables. Il se compose, surtout lorsqu'il s'agit de dessins soignés et délicats, d'une foule de détails et d'incidens qu'on ne peut connaître ou prévoir que par une longue pratique ; et même les plus habiles artistes de Munich, quoiqu'ils possèdent tous les procédés, et qu'ils soient guidés par une expérience de quinze années, échouent trèsfréquemment. Un même dessin, exécuté par le même maître sur des pierres de même qualité, réussit sur l'une et manque sur l'autre, sans qu'on puisse ni en connaître la cause ni la prévenir. C'est cette fâcheuse incertitude qui arrête les progrès de l'art, et qui en rend les produits beaucoup plus chers qu'ils ne devraient l'être. Mais ces obstacles, et d'autres du même genre qu'on n'a pu surmonter jusqu'à ce moment, ne doivent point décourager les personnes qui cherchent à le perfectionner

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