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CHAPITRE VII.

SOMMAIRE: Continuation des troubles au théâtre.- Représentation de la Pauvre femme. Lettre du citoyen Matrat. - Rétablissement du culte catholique. Joie du peuple de Lyon. - Réouverture de neuf églises. - Départ des représentants Ferroux et Despinassy. Leurs adieux. — Anniversaire du 29 septembre. — Banquet. Toast d'un sous-officier de cavalerie. Quête en faveur des veuves et des orphelins des Lyonnais morts le 29 septembre. Nomination des députés. Ouverture de la Bourse. Discours de Poulain-Grandpré. - Derniers jours de 1795. Dédicace.

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Le cartel entre la Marseillaise et le Réveil du peuple, persistait à prendre les salles de spectacle pour le champ clos où, chaque soir, les partisans de l'une et de l'autre se donnaient rendez-vous. Chaque soir les muscadins accueillaient avec transport toutes les allusions favorables qu'ils remarquaient dans les pièces récemment admises au répertoire. Parmi celles-ci, il y en avait une qui jouissait alors d'un énorme succès : c'était un opéra de Daleyrac intitulé la Pauvre femme; cette pièce, pleine de sentiment et de vérité, provoquait un enthousiasme difficile à rendre, toutes les fois qu'une situation contraire aux hommes de la proscription se présentait aux yeux des spectateurs. Les tonnerres d'applaudissements qui grondaient alors ne manquaient jamais d'écraser les protestations hasardées des opposants. Les acteurs remplissant les premiers rôles étaient au diapason de l'opinion publique, aussi jouaient-ils admirablement. Un soir on donnait la Pauvre femme, au théâtre des Célestins; la première chanteuse, mademoiselle Laporte, s'était surpassée elle-même; vainement les Jacobins avaient cherché à l'intimider, elle était restée constamment

à la hauteur du sujet. Tout à coup et au moment où s'avançant sur la scène elle s'écriait avec énergie: La terreur ne reviendra pas! une pierre énorme vint en sifflant tomber à ses pieds. Non, la terreur ne reviendra pas ! répliqua l'actrice, en donnant à sa voix toute la force de son étendue, et, repoussant du pied la pierre lancée des deuxièmes loges, elle ajouta : Les laches! non, non, plus de terreur. Ce moment fut sublime. Non, non, plus de terreur! répéta le parterre en masse, plus de Jacobins vive la France! vive Lyon ! Peu de jours se passaient sans être signalés par des incidents et des manifestations à peu près semblables.

Dans ce même temps, la municipalité, voulant sans doute satisfaire les exigences légitimes des Lyonnais, et calmer, par une mesure conforme à leurs vœux, la fermentation qui faisait une arène de la seconde ville de France, s'occupait d'une manière très-active du rétablissement du culte catholique. Le premier jour où cette nouvelle se répandit dans la cité fut un jour de fête pour le peuple de Lyon. On dansa sur les places publiques en signe de réjouissance, et le soir toutes les maisons s'illuminèrent comme par enchantement. Nulle mesure ne pouvait flatter davantage l'organisation éminemment religieuse des Lyonnais, et rétablir plus promptement l'harmonie entre les divers partis; aussi la commission des travaux publics s'empressat-elle de nommer des architectes chargés de désigner les églises les plus convenables à l'exercice du culte. Le rapport de cette commission ne se fit pas attendre, neuf églises furent proposées pour desservir les neuf cantons de Lyon; c'était pour : Le canton de la Saône, l'église d'Ainay;

Le canton de la place Confort, l'église des Jacobins ;

Le canton de la Halle-aux-Blés, l'église de Saint-Nizier;

Le canton de l'Hôtel-de-Ville, l'église de Saint-Pierre ;

Le canton de la Convention, l'église de l'Institut de l'Oratoire;

Le canton de Saint-Vincent, l'église des Augustins;

Le canton de Bourgneuf, l'église de Saint-Paul;

Le canton du Temple de la Raison, l'église de Saint-Georges;
Le canton de la Montagne, l'église de Saint-Just.

Les représentants du peuple Ferroux et d'Espinassy se joignirent à la municipalité pour donner plus de pompe à la réouverture des églises constitutionnelles ; ils tenaient à prouver au peuple lyonnais que l'Assemblée nationale, dont émanaient leurs pouvoirs, avait répudié

pour toujours les jours impies où l'athéisme, en haine de la religion catholique, élevait des idoles impures sur les débris des autels du Christ. Le peuple s'en montra reconnaissant en témoignant aux représentants rappelés dans le sein de la Convention nationale, le regret unanime qu'il éprouvait à la pensée de leur prochain départ ; il eut lieu le 22 octobre. Ferroux et Despinassy avaient eu le temps d'apprécier la noblesse et la générosité du caractère lyonnais, malgré les épreuves difficiles qu'ils avaient traversées pendant le cours de leur mission plus d'une fois même ils avaient témoigné publiquement leur émotion à la vue des ruines récentes qui rappelaient un magnanime courage suivi par d'incroyables catastrophes. Ils ne voulurent point quitter les Lyonnais sans leur exprimer leurs sympathies; ils le firent par une adresse ainsi terminée :

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Pourquoi n'avons-nous pas pu relever vos murs, réparer vos pertes, adoucir vos douleurs? Nous ne les oublierons pas, du moins, > au milieu de la nouvelle représentation nationale, et notre satisfac» tion sera bien douce, si, en l'occupant de la suite affreuse de vos » désastres, nous pouvons un jour apprendre l'heureux succès de nos » efforts.... Comptez sur notre indomptable énergie quand il s'agira » de combattre les rois et les assassins.... ; et s'il faut jamais choisir » entre la mort, la royauté et le terrorisme, que l'on nous traîne à à l'échafaud. »

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Le bienveillant intérêt que les deux députés conventionnels manifestèrent au peuple de Lyon dans ces paroles d'adieux était légitimé par la grandeur d'âme dont ce malheureux peuple donnait, chaque jour, de nouvelles preuves. En effet, il ne laissait échapper aucune occasion de se montrer dans toute la splendeur de sa générosité, et de réfuter, par de nobles actions, les calomnies qui semblaient l'avoir choisi éternellement pour but. C'est ainsi que, le 29 septembre, un grand nombre de Lyonnais, débris de ces immortelles phalanges qui soutinrent avec tant d'héroïsme un long siége, se réunirent en un banquet fraternel. C'était l'anniversaire de ce jour à jamais mémorable dans les fastes militaires de Lyon, où, attaqués sur tous les points à la fois, ils remportèrent autant de victoires qu'il y eut d'attaques simultanées.

La plupart de ces vaillants soldats portaient sur leur front et sur

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