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>> vous charge de vous faire passer l'adresse qui a été arrêtée sur-lechamp, et revêtue de toutes les signatures des braves soldats qui » composent le détachement. »

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La lettre des soldats de l'armée révolutionnaire, dictée par l'astuce hypocrite de Fouché, peut être considérée comme la pièce justificative de notre assertion et celle de l'épître que nous venons de reproduire : « Braves députés! disait-elle : vous venez encore une fois de déjouer les infâmes manœuvres de Pitt et de ses agents; encore une fois, vous venez de sauver la République. Nous avons frémi en ap» prenant la découverte d'une grande conjuration. C'en était fait des >> plus fermes défenseurs de la liberté; c'en était fait de la Convention; on nous donnait un tyran. Ah! combien n'eussions-nous pas regretté d'être éloignés de vous et de ne pouvoir vous faire un rem» part de nos corps! Nous attendons dans le calme qui convient à » des Républicains ce que va prononcer la justice du tribunal révolutionnaire. Nous jurons à la Convention l'attachement le plus invio»lable; nous nous rallierons toujours autour de la Montagne; nous >> verserons jusqu'à la dernière goutte de notre sang en vous défen>>dant; et c'est ainsi que nous voulons répondre aux calomnies que » l'on répand contre nous. Vive à jamais la Convention nationale! » Vive la Montagne! Vive les Jacobins ! Vive la République démocra»cratique une et indivisible et impérissable! Mort à tous les tyrans, » à tous les scélérats corrupteurs du peuple! »

Ces deux pièces manquèrent complètement leur effet auprès de la Convention, et passèrent inaperçues. La dissolution de la commission temporaire de surveillance républicaine suivit de près celle de la société populaire. Elle fut décrétée le 29 mars.

Pendant que ces choses se passaient à Lyon, et que les représentants du peuple de cette ville s'agitaient dans d'inutiles efforts pour conserver, durant quelques jours encore, le pouvoir qui s'échappait de leurs mains, un membre de la Convention rendait compte au sein de cette assemblée, des actions héroïques commises par les braves soldats du cinquième bataillon de Rhône-et-Loire, composé en grande partie de Lyonnais. Nous en citerons quelques-unes pour faire diverversion à notre récit. A la retraite de la Belgique, le cinquième bataillon de Rhône-et-Loire reçut, en passant à Rosbruges, l'ordre de démolir un pont dont le passage pouvait nuire à ses mouvements. Bientôt, le pont s'écroule sous les efforts des républicains, une seule arche

résiste encore, le sergent-major Juban entreprend de l'abattre malgré les observations de ses camarades effrayés du danger que présente cette entreprise. Le danger était immense en effet, à peine le brave sergent-major eut-il brisé avec son sabre la clé en fer qui soutenait la voûte de l'arcade, qu'il disparut avec les débris sous les flots de la rivière; mais, reparaissant aussitôt à la surface des eaux, il se débarrasse des décombres qui l'entourent et parvient sain et sauf à regagner le rivage au cri de vive la République.

Quelques jours après, reprenant l'offensive, le bataillon du Rhône reçut l'ordre d'attaquer le même village. Au plus fort de l'action, qui fut très-chaude, le même sergent-major Juban se précipitant au milieu des lignes autrichiennes, s'empare de leur commandant et le somme de se rendre.-Laisse-moi libre, lui dit le chef fait prisonnier, et prends cette montre en or, elle vaut cent écus. Je ne me bats pas pour de l'argent, coquin, lui répond Juban, rends-toi, ou je te tue; mais au même instant, apercevant un de ses camarades renversé par deux hussards, il remet sa proie à un chasseur, vole au secours de son camarade, tue l'un des cavaliers et fait l'autre prisonnier.

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Le poste important d'Oostcappel avait été confié à ce brave bataillon: la position était des plus dangereuses, car de nombreux partis d'Autrichiens parcouraient et battaient la campagne. Le capitaine Hu bert, qui le commandait, fut une nuit attaqué par deux mille hommes qui se précipitèrent dans le village avec un acharnement dont la guerre offre peu d'exemples. Au premier coup de fusil, Hubert avait rassemblé sa compagnie et lui avait dit en lui montrant les ennemis qui les cernaient de toutes parts: « Mes amis, voilà notre cimetière, il faut périr dans ce retranchement plutôt que de l'abandonner. - Nous périrons tous s'il le faut,» répondirent les volontaires enflammés par son courage; et avec le plus grand sang-froid, ils s'apprêtent à recevoir le choc qui doit infailliblement les briser. Mais bientôt ils sont accablés par le nombre; alors on se bat corps à corps, à coups de baïonnettes et à coups de sabres. Hubert abat à ses pieds trois grenadiers ennemis; enveloppé de partout, il ne cesse de combattre et d'encourager les siens par ses cris réitérés de vive la République! Cette résistance héroïque fut couronnée d'un plein succès; les autres compagnies, réveillées par les bruits du combat, arrivant au secours de leurs frères d'armes, parviennent à repousser les assaillants après leur avoir fait éprouver de grandes pertes.

Quelque temps après, l'ennemi désirant prendre sa revanche attaqua de nouveau ce village. Il était deux heures de la nuit, le brouillard était si sombre que l'on pouvait à peine découvrir à quelques pas devant soi. Le caporal Morel est envoyé à la découverte, bientôt après il est surpris par un gros d'Autrichiens; alors, nouveau d'Assas, oubliant le danger auquel il s'expose, il s'écrie: « A moi, républicains! » Feu! Feu! voici l'ennemi. » Il tomba presqu'aussitôt percé de vingt coups de baïonnettes.

La cavalerie autrichienne chargeait sur une pièce de canon : des six canonniers qui la servaient, le soldat Barailler reste seul, ses cinq camarades sont étendus morts à ses côtés. Admirant son courage, les cavaliers autrichiens lui crient de se rendre. Barailler leur répond avec fierté: « Un républicain ne se rend jamais; vous pouvez me tuer, >> mais il vous est défendu par la France de me faire commettre une » lâcheté. » Disant ainsi, il embrassa sa pièce et reçut tranquillement le coup de pistolet qui lui donna la mort. Le grenadier Piot, voyant un de ses officiers investi par plusieurs hussards, vole à son secours et parvient à le dégager. Un instant après, il est enveloppé lui-même, renversé à terre et frappé d'un coup de sabre au front. Rends-toi, Français, lui crient les Autrichiens, crie vive l'empereur, et nous te donnerons la vie. Non f...... répliqua vivement Piot, vive la République! et il expira percé de coups.

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Les belles actions que nous venons de raconter avaient lieu en 1793! à l'époque où, cerné de toutes parts, Lyon, soutenu par le courage de ses enfants, résistait aux armées de la Convention. Les Lyonnais alors étaient partout les mêmes, sur le champ de bataille du fédéralismeroyaliste, comme sur ceux de la République ; c'était les Lyonnais toujours, c'est-à-dire, des hommes de cœur et d'action, des hommes de courage et de dévouement, que l'égoïsme commercial n'avait poin encore démoralisés : à peine parvenus à cet àge où l'horizon de la vie apparait orné de ses plus brillantes illusions, ils s'estimaient heureux de mourir aussi bien au cri de vive le Roi! qu'à celui de vive la République! La conviction d'un homme de parti, quelle que soit la couleur de sa cocarde, est la probité d'une opinion politique.

Des exploits d'un autre genre eurent lieu le 1er avril à Lyon. Croyant rivaliser en actions héroïques avec les volontaires de Rhône et Loire, qui combattaient poitrine découverte, en lignes serrées, les ennemis. extérieurs de la patrie, les sans-culottes de Commune-Affranchie, com

mandés cette fois par les juges du tribunal civil de cette ville, attaquèrent avec acharnement de vieux souvenirs, des lambeaux poudreux de l'ancien régime, relégués en partie dans les greniers et dans les salles de l'ancien palais de justice. Ils brûlèrent cérémonialement sur la place publique de vieilles tapisseries fleurdelisées, des toiles peintes, des boiseries richement sculptées, des tableaux monarchiques et religieux, des manuscrits et des parchemins précieux; puis, pour célébrer leur facile victoire, ils dansèrent en rond autour du bûcher patriotique, chantant ou vociferant plutôt l'hymne des batailles profané si souvent en des fêtes monstrueuses ou ridicules. C'est une chose vraiment digne de remarque, que de tous temps et chez tous les peuples, les ruines et les dévastations soient une partie obligée des solennités révolutionnaires, à l'opposé des fêtes monarchiques qui perpétuent leur souvenir au sein des nations par l'érection des monuments de pierre ou de marbre, de bronze ou d'airain.

Le jacobin Dodieu, premier juge au tribunal civil, adressa, dans la Journée du 1er avril, au rédacteur du journal républicain des deux départements de Rhône-et-Loire, la lettre suivante, qui rendait compte de cet autodafé sans-culotique, avec une orthographe dont il pensait introduire l'usage dans la France républicaine.'

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» Le tribunal de district de Commune-Affranchie, exécrant la tyran nie et s'indifiant sans cesse à la vue de plusieurs monuments royaus qu'en serait encore l'ancien palais de justice où il siege, vient de brû » ler en cérémonie aujourd'hui 12 germinal sur la place publique, au >> bas de l'escalier de la même maison, un grand nombre de vieilles tapisseries à fleurs de lis couronnées à champ d'azur, des toiles pein» tes en lambeaus, et des boiseries vermoulues, aussi expressives, quelques tableaus évangéliques destinés aux prestacions de serment » sur la part que nos pères prétendaient en paradis, et enfin des instruc»cions, et réglements à l'usage de nosseigneurs de la Cour des mo»> naies Sénéchaussée et siége présidial de Lion. Nos braves frères ca» noniers qui ont accouru à la vive lumière du bûcher patriotique, >> nous ont merveilleusement segondés, et mené la farandole alentour, après avoir entoné plusieurs imnes à la liberté et à l'aversion to. » tale du despotisme..

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Cette ridicule cérémonie que les Jacobin qualifièrent de poisson d'avril des Aristocrates, fut la dernière à laquelle Fouché de Nantes assista comme représentant à Commune-Affranchie. Il frémit de rage deux jours après (le 14 germinal), en recevant des mains de Reverchon, son remplaçant, l'ordre qui le citait à la barre de la Convention pour rendre compte de sa conduite. On assure qu'il déchira son écharpe et foula aux pieds les débris de sa cocarde, en apprenant que Reverchon avait reçu de l'Assemblée nationale de pleins pouvoirs pour mettre une digue au fleuve de sang qui avait pris sa source le 12 octobre précédent. Quoi qu'il en soit, il ne voulut pas quitter la ville où il avait creusé tant de tombeaux, sans réjouir encore une fois son cœur et ses yeux à la vue des dernières victimes qui devaient clore la lugubre liste des condamnés. Seize Lyonnais périrent le jour de son départ, et la commission révolutionnaire reçut l'ordre de célébrer, le lendemain, l'installation de son successeur en immolant deux hommes dont la perte, décidée de sang-froid au milieu d'une orgie, est un des faits les plus caractéristiques de cette époque subversive.

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Ces deux hommes furent le bourreau Ripet et son aide Bernard. Pour couvrir cet assassinat du masque de la justice, les membres de la commission révolutionnaire redigèrent la sentence avec un soin qu'ils n'avaient jamais eu pour leurs jugements antérieurs, admettant, pour légitimer un meurtre semblable, les arguments les plus spécieux. Qui pourrait le croire, si l'histoire, infaillible devant l'authenticité des faits, n'avait enregistré celui-ci? « Ripet et Bernard furent considérés » comme fonctionnaires publics, comme dépositaires de l'autorité publique, par conséquent, responsables, en vertu du décret de la loi » rendue le 3 juillet 1793, des atteintes qui pouvaient être portées à la vie de Challier et de ses complices. » Ce fait est tellement monstrueux dans son étrangeté, que nous croyons devoir reproduire dans tout son contenu la transcription littérale de la sentence. « La Com> mission révolutionnaire établie à Commune-Affranchie par les repré>> sentants du peuple, considérant que par la loi du 3 juillet dernier, les dépositaires de l'autorité publique, à cette époque, répondaient » individuellement sur leur tête des atteintes qui pourraient être por»tées à la sûreté des citoyens arrêtés, détenus ou relaxés par suite des événements qui ont eu lieu en cette ville, le 29 mai dernier; considérant que par la loi du 12 du même mois de juillet, la ville de ci» devant Lyon était déclarée en état de rébellion; considérant que, loin

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