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cette France qu'il a noblement servie pendant sa vie, et qu'il a honorée par sa mort... (Très-bien! Rumeurs sur plusieurs bancs.)

Oui, il l'a honorée; car c'est en France, j'aime à le croire, qu'il a puisé le secret de ce courage civil dont il a légué à la postérité un si glorieux exemple. (Très-bien! — Agitation et rumeurs diverses.)

Maintenant, encore un mot sur la prétendue analogie, sur la prétendue solidarité que je combattais tout à l'heure.

On invoque sans cesse, au nom de l'Italie, au nom de Rome insurgée et opprimant Pie IX, on invoque les intérêts de la cause démocratique.

Je n'ai pas à me poser ici en apologiste ou en apôtre de la démocratie... (Bruit à gauche.) Cette prétention serait déplacée chez moi...

VOIX A L'EXTRÊME GAUCHE. Oui! oui! très-déplacée!

M. DE MONTALEMBERT. Vous le trouvez, n'est-ce pas ? Eh bien moi aussi. (Rire général.) Nous sommes d'accord, croyez-le bien. (Nouvelle hilarité.)

Mais enfin vous ne voulez pas m'empêcher, je pense, de reconnaître que la démocratie est la loi souveraine du pays où je suis, et du temps où je vis. Et c'est pourquoi j'ai voté avec vous tous que la République était démocratique, car je ne comprends pas ce que peut être, en France, au dix-neuneuvième siècle, une République aristocratique ou monarchique. (Très-bien !) Mais, je le déclare, en votant cette épithète, ou plutôt cette idée (et je suis sûr que la presque unanimité du pays et l'immense majorité des membres de cette Assemblée sont d'accord avec inoi), je n'ai pas entendu voter ce qu'on appelle en Italie, aujourd'hui, le triomphe de la cause démocratique, c'est-à-dire le poignard démocratique... (Rumeurs à l'extrême gauche.)

VOIX NOMBREUSES. Très-bien ! très-bien!

A L'EXTRÊME GAUCHE. Mais personne n'a dit cela!

M. DE MONTALEMBERT. On l'a dit partout en Italie : à Livourne, c'est affiché; c'est écrit dans tous les journaux ; c'est chanté dans les rues de Rome. Ils appellent le meurtre de M. Rossi le triomphe de la cause démocratique, et ils chantent des hymnes en l'honneur du poignard sacré, du poignard démocratique qui l'a immolé. (Bruits divers.)

Eh bien! moi, j'adjure tous les vrais démocrates, tous les démocrates sincères, tous les démocrates anciens, tous les démocrates honnêtes, de s'unir à moi pour protester contre cette abominable synonymie, et je déclare qu'il le faut pour l'honneur de la France. (Oui! oui! - Réclamations sur quelques bancs.)

Est-ce que la France ne s'est pas faite le porte-drapeau de la démocratie dans le monde? Eh bien! en cette qualité, il lui appartient de protester contre la prostitution sanglante de l'idée et du nom dont elle a fait le symbole de sa constitution. (Très-bien! très-bien!)

Ainsi donc, en séparant soigneusement la question romaine de la question italienne en général, et en supposant que le gouvernement, dans la mesure qui lui sera possible, ira au bout de son entreprise, et qu'il défendra non-seulement la personne du Pontife, mais encore son autorité, je déclare qu'il a bien fait. Je lui en sais gré; je déclare que le gouvernement républicain ne pouvait rien faire qui pût lui faire plus d'honneur aux yeux de la postérité, et qui pût le consolider davantage dans le cœur du peuple français. (Trèsbien! très-bien! - Vive approbation sur un grand nombre de bancs.)

(Extrait du Moniteur du 1er décembre 1848.)

Après une longue discussion, dans laquelle M. Jules Favre

combattit M. de Montalembert, et M. Dufaure, ministre de l'intériear, expliqua et justifia la conduite du Gouvernement, l'Assemblée adopta, à la majorité de 480 voix contre 63, un ordre du jour proposé par M. de Tréveneuc, et ainsi conçu :

« L'Assemblée, approuvant les mesures de précaution prises par le pouvoir exécutif pour assurer la liberté du Saint-Père, et se réservant de prendre une décision sur les faits ultérieurs et encore imprévus, passe à l'ordre du jour. »

SUR LA

DISSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

ASSEMBLÉE NATIONALE

Discussion sur la prise en considération
de la proposition de M. Rateau

sur la dissolution de l'Assemblée nationale.

Séance du 12 janvier 1849.

L'élection du 10 décembre, en faisant triompher le prince LouisNapoléon Bonaparte, créait entre le président de la République et l'Assemblée constituante, dont la majorité avait soutenu la candidature du général Cavaignac, un antagonisme de nature à paralyser la marche des affaires et à jeter l'inquiétude dans le pays. De nombreuses pétitions furent adressées à l'Assemblée pour l'engager à mettre d'elle-même un terme à cet état de choses en se retirant pour faire place à une nouvelle Assemblée. Un assez grand nombre de conseils généraux émirent des vœux dans le même sens.

Un représentant, M. Rateau, se fit l'interprète du sentiment général, en déposant le 28 décembre une proposition ainsi conçue :

Art. 1er. L'Assemblée législative est convoquée pour le 19 mars 1849. << Les pouvoirs de l'Assemblée nationale constituante prendront fin le même << jour.

« Art. 2. Les élections pour la nomination des sept cent cinquante membres << qui devront composer l'Assemblée législative auront lieu le 4 mars 1849.

<< Chaque département élira le nombre de représentants déterminé par le << tableau annexé au présent décret.

« Art. 3. Jusqu'à l'époque fixée pour sa dissolution, l'Assemblée nationale << s'occupera principalement de la loi électorale et de la loi relative au conseil « d'État. >>

Le comité de législation appelé à donner son avis sur la prise en considération se prononça pour le rejet par l'organe de son rapporteur, M. Dupont de Bussac. Il soutenait que la proposition était contraire à l'article 115 de la Constitution, d'après lequel l'Assemblée constituante devait procéder à la rédaction des lois organiques dont l'énumération serait déterminée par un décret spécial, et qu'il n'était pas permis de revenir sur les décrets du 11 décembre rendus en exécution de cet article.

La discussion s'ouvrit le 12 janvier 1849 sur la prise en considération. M. Aurélien Desèze défendit la proposition. M. Pierre Bonaparte la combattit, en attaquant avec une grande violence ce qu'il appelait les manœuvres des rebelles de tous les partis contre l'Assemblée : « Chacun de nous, dit-il en terminant, est calme, digne, <«< inflexible sur sa chaise curule; et si des sacriléges nous mena<< çaient, heureux celui qui mourrait en défendant le sanctuaire « des lois et en scellant de son sang ses convictions et sa foi. » M. de Montalembert prit la parole en ces termes après M. Pierre Bonaparte :

MESSIEURS,

Je ne saurais dissimuler l'embarras que j'éprouve. J'ai été toute ma vie dans l'opposition, c'est-à-dire dans la minorité. J'ai dit toute ma vie à la majorité que j'avais devant moi : Vous avez tort. Tel est, je crois, le droit de la minorité. Mais je ne me suis jamais trouvé dans le cas de dire à cette majorité, sinon précisément : Allez-vous-en! du moins: Allonsnous-en! Eh bien, c'est ce que je viens dire aujourd'hui, et ce qui vous explique mon embarras. (Rires et rumeurs prolongées en sens divers.)

Comment me tirer de cet embarras? J'espère pouvoir m'en tirer à l'aide de deux moyens par une grande sincérité et par un grand respect; une grande sincérité en ce qui me

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