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estime : votre comité a été pénétré de cette vérité, et le second rapport qui vous a été fait de sa part vous propose de statuer que les militaires qui auront servi pendant l'espace de trente ans jouiront des droits de citoyen actif. Il m'a semblé que cette faveur, qui ne consiste qu'à suppléer à la contribution de trois journées de travail, et à appeler les militaires à jouir d'un droit naturel que vous avez toujours désiré, messieurs, d'étendre sur le plus grand nombre de citoyens possible, était trop retardée par la disposition de votre comité, et qu'étant réservée pour un âge trop avancé, tous les avantages que les militaires pourraient en retirer, et l'émulation qu'elle devrait exciter parmi eux, n'existeraient plus: j'ai pensé que seize années de service devaient suffire pour l'obtenir, et que, sans rendre trop commune cette récompense, et sans appeler à en jouir des hommes qui n'en seraient pas dignes, vous présenteriez un motif puissant pour entrer au service et y renouveler un engagement.

» Il est évident que la liberté individuelle des citoyens serait incessamment exposée si les enrôlemens militaires n'étaient assujétis à aucune loi, ou si les règles à établir à cet égard étaient abandonnées au pouvoir exécutif; chaque jour, messieurs, vous seriez exposés à voir renaître ces abus qui ont désolé tant de familles; vous seriez exposés à voir introduire au milieu de vous ces moyens dont les Anglais font usage pour le recrutement de leur flotte, et qui, quelle que soit la nécessité par laquelle on prétend les justifier, leur a de tout temps attiré de si justes reproches : ces violences, ces surprises par lesquelles on ne peut que faire de mauvais soldats et préparer de nombreuses désertions, doivent donc être proscrites par des lois qui, en réglant les formes de l'enrôlement, assureront qu'ils seront tous l'effet d'une volonté libre, et garantiront ainsi l'exécution du décret que vous avez déjà porté sur la forme du recrutement. Il est donc nécessaire, messieurs, que la constitution attribue au pouvoir législatif le droit de régler les formes de l'enrôlement.

» Les principes de l'admission et de l'avancement aux différens grades de l'armée n'intéressent pas moins, messieurs, l'ordre public et les droits les plus chers des individus. S'il importe

avez

à la nation que les volontés particulières d'un ministre ne puissent pas faire renaître ces distinctions que vous abolies, il importe également que tous les individus de l'armée cessent enfin d'être les jouets des caprices ministériels, et ne soient plus exposés à ces changemens continuels qui depuis si longtemps la désolent et y portent le découragement; il importe enfin que la faveur et l'intrigue ne puissent pas dicter pour leur avantage des règles dont l'esprit doit être de récompenser le mérite, d'exciter l'émulation et d'assurer la force de l'armée. Ces diverses vues, messieurs, ne pourront être remplies qu'en attribuant au corps législatif le droit de discuter les principes et les règles générales de l'admission et de l'avancement.

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D'après l'exposition que je viens d'avoir l'honneur de vous faire, messieurs, il résulte premièrement que le pouvoir constituant doit établir les bases de la constitution militaire sur plusieurs décrets généraux, dont j'ai eu l'honneur de mettre sous vos yeux ceux qui m'ont paru susceptibles d'être adoptés dès à présent, en vous proposant de renvoyer l'examen des autres à votre comité de constitution.

» Secondement que le pouvoir constituant doit encore déterminer quels sont, parmi les objets ultérieurs de l'organisation de l'armée, ceux qui doivent être décrétés par le pouvoir législatif, et que ces objets, que j'ai successivement indiqués, sont 1° le nombre des troupes qui devront composer l'armée; 2° la somme à affecter annuellement aux dépenses militaires; 3o la solde de chaque grade; 4° les règles de l'admission au service et de l'avancement; 5° les formes de l'enrôlement; 6° les délits et peines militaires; 7° enfin l'admission des troupes étrangères au service de l'Etat.

» Il est évident, messieurs, que les objets que vous croirez ne devoir mettre ni au nombre des articles constitutionnels, ni parmi ceux qui seront du ressort des législatures, seront par là même à la disposition du pouvoir exécutif; il est donc inutile, et il serait long et presque impossible d'en faire l'énumération.

» Mais après avoir, messieurs, en votre qualité de pouvoir constituant, statué sur les bases de la constitution militaire, et distingué parmi les points qui restent à traiter ceux

qui sont du ressort de la législature et ceux qui doivent être confiés au pouvoir exécutif, il vous reste, en qualité de pouvoir législatif, à porter les décrets dont la constitution attribue la compétence aux législatures, et que l'organisation actuelle de l'armée peut rendre nécessaires.

» Je développerais ici, messieurs, les idées que j'ai conçues sur cette matière si je ne croyais pas que vous choisirez une marche plus prompte et plus avantageuse, en demandant, au pouvoir exécutif de mettre d'abord sous vos yeux ses projets et ses vues sur l'organisation de l'armée. En effet, messieurs, c'est après avoir pris une connaissance approfondie de l'ensemble du plan et du rapport des diverses parties entre elles; c'est après avoir reçu les instructions que le pouvoir exécutif peut seul nous donner, soit sur l'état actuel de nos frontières, soit sur ce qu'exigent nos relations extérieures, soit sur les détails des diverses parties d'administration confiées à ses soins, que nous serons à même de statuer avec connaissance de cause sur les points généraux dont nous nous sommes réservé la décision. Jusque là nous ne pourrions nous en occuper sans éprouver l'embarras d'avoir à nous décider indépendamment de toute donnée précise, de toute notion exacte, et sans nous exposer à adopter des résolutions qui ne sauraient s'accorder ensuite avec les conditions ultérieures d'une bonne organisation.

» Je pense donc qu'il ne peut y avoir aucun inconvénient, et que vous trouverez au contraire de grands avantages à demander préalablement au pouvoir exécutif une communication qui, sans pouvoir gêner votre liberté, me paraît indispensable pour éclairer votre décision.

» Vos intentions, messieurs, sont connues, et je pense que le pouvoir exécutif aura soin de ne vous présenter que des mesures qui soient compatibles avec les diverses améliorations que vous avez résolu de faire.

» Vous avez aboli les priviléges, et vous ne souffrirez pas qu'il en subsiste parmi les corps militaires; ainsi les avantages et les préférences accordés jusqu'à ce jour à certains régimens disparaîtront devant les principes de justice et d'égalité qui doivent régner dans toutes les parties de l'organisa

tion sociale.

» Des régimens entretenus par la nation et destinés à la défendre ne seront plus la propriété des particuliers, transmis de génération en génération, et donnés en dot à leurs filles (1).

>> Aucun citoyen, fût-il prince du sang, ne pourra prétendre aux grades sans en être reconnu digne par son mérite ou l'ancienneté de ses services; les chefs de régimens ne se feront plus un titre d'honneur d'être affranchis pendant la plus grande partie de l'année du service militaire et de la surveillance des corps qui leur sont confiés; le temps de leur service sera le même que celui des autres officiers, et ils acquerront par le même nombre d'années la récompense honorable attachée à la valeur et à l'ancienneté.

» Une nouvelle organisation de l'armée augmentera sa force réelle en supprimant le luxe des emplois inutiles, qui, loin d'augmenter son activité, l'embarrasse et la surcharge d'un poids ruineux.

» Les commandans de province, remplacés dans leurs fonctions civiles par les assemblées administratives, seront supprimés.

» Les officiers généraux seront réduits au nombre strictement nécessaire, et les grades supérieurs, en cessant d'être prodigués, recevront un nouvel éclat.

» Les colonels généraux, mestres-de-camp généraux et commissaires généraux dans les différentes armées, ces places si avantageuses à ceux qui les possédaient, et si inutiles au service, toujours condamnées et toujours ménagées sous l'ancien régime, disparaîtront avec les autres abus que votre sagesse a proscrits.

» Toutes ces suppressions indispensables serviront encore, messieurs, à faciliter l'accomplissement de vos intentions en faveur des soldats, des bas-officiers, et des divers grades dont la paie est reconnue insuffisante. En vous occupant du traitement des soldats vous ne vous bornerez point à l'aug

(1) « Si parmi les colonels propriétaires il s'en trouve qui aient levé leurs régimens, ou dont les pères les aient levés à leurs frais, il est juste qu'ils soient indemnisés de la perte qu'ils éprouveront. » (Note de l'orateur.}

TABLE

DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

LIVRE I".

DISCOURS ET DISCUSSIONS SUR DIFFÉRENS SUJETS.

ANNÉE 1791.

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Le général Bouillé à l'Assemblée nationale.

Lettre de ce général; détails relatifs à cette pièce.
Dire du général Lafayette sur la lettre de M. Bouillé.

Délibération de l'Assemblée nationale sur l'évé

nement du mois de juin.

Rapport fait par M. Muguet de Nanthou, au nom de sept

comités réunis.

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Débats; orateurs: MM. Dandré, Robespierre, Alexandre

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