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de Toulon. Sully n'avait point de répugnance pour la marine; mais les colonies lointaines l'effrayaient. Les vues de Henri IV allaient plus loin que celles de son ministre; pour encourager le commerce avec l'Amérique du Nord, qui s'accroissait à ce point que, en 1578, il était venu à Terre-Neuve seulement 150 navires français, il envoya Champlain, gentilhomme de Saintonge, fonder au Canada, en 1604, Port-Royal (aujourd'hui Annapolis), et plus tard (1608) Québec, sur le fleuve Saint-Laurent. Le nom de ce marin est resté à un des plus grands lacs du pays; mais le pays lui-même n'est plus à nous, quoiqu'il ait gardé notre langue et les douces souvenances de la mère patrie. Henri songea même à créer une compagnie des Indes, capable de rivaliser avec celles qui se formaient en Angleterre et en Hollande : il n'eut pas le temps de réaliser ce projet; mais il signa avec la Turquie un traité où il était dit que toutes les nations chrétiennes pourraient commercer librement dans le Levant sous la bannière et protection de la France, et en reconnaissant la juridiction des consuls français. Ce pavillon était le seul qui fût respecté sur les côtes barbaresques. Les étrangers chassaient nos vaisseaux de leurs ports par des droits d'ancrage considérables. Henri IV usa de représailles, au grand profit de nos marins. Fouquet et Colbert reprendront cette idée.

Travaux publics; canal de Briare. On voit encore çà et là des Rosnis. Ce sont les restes des plantations faites le long des routes tracées par Sully, qui savait bien que le pays le plus fertile reste pauvre si la viabilité y est mauvaise. Les plans de tous les grands canaux dont la France a été plus tard sillonnée, furent conçus alors. Un seul fut exécuté, celui de Briare. C'est l'exemple le plus ancien, hors d'Italie, d'un canal avec écluses à sas réunissant deux versants différents. Sa longueur est de 55 kilomètres, sa pente de 117 mètres rachetée par 40 écluses. Il part de Briare sur la Loire et débouche dans la Seine près de Moret, jolie petite ville sur le Loing, qui avait titre de comté et qui donna son nom à un fils de Henri IV.

Armée. Les légions provinciales de François Ier et de Henri II n'avaient pas été complétement détruites; il en était resté des compagnies dont on fit des régiments. Il n'y avait que quatre de ces régiments en 1595, commandés par des mestres de camp; Henri les porta à onze, Louis XIII à trente. Mais l'habitude de solder des troupes étrangères subsista. La cavalerie

continuait d'être dans une proportion exagérée, la noblesse ne voulant servir que là. La maison militaire du roi formait un corps d'élite. L'artillerie, entre les mains de Sully, prit une telle importance, que son grand maître fut compris au nombre des grands officiers de la couronne. Depuis 1572, défense était faite à tout seigneur d'avoir du canon en son château sans permission expresse du roi. Sully établit le payement mensuel de la solde, qui n'était auparavant délivrée que deux ou quatre fois par an. Le surintendant des fortifications date de 1558, celui des vivres de 1577. C'étaient deux grands services qui jusqu'alors étaient allés à l'aventure et qu'on avait régularisés. Sully veilla de près sur eux; il fit réparer nombre de forteresses et remplir les arsenaux que la guerre civile avait vidés. Enfin Henri IV eut l'idée, que Louis XIV réalisa si magnifiquement, d'assurer un asile aux vieux soldats; mais son hôpital de la Charité, rue de l'Ourcine, ne lui survécut pas.

Les arts et les lettres sous Henri IV; galerie du Louvre; hôtel de ville de Paris. Sans aimer les arts comme François Ier, Henri II et Charles IX, Henri IV comprenait ce qu'ils jettent d'éclat sur un règne. Il accepta donc l'héritage de la Renaissance, malheureusement arrivée déjà près de la décadence; il fit beaucoup travailler au chàteau de Fontainebleau, dont le baptistère fut construit à propos de la naissance du Dauphin'. A Saint-Germain, François Ier avait bâti plutôt une forteresse qu'une maison de plaisance; Henri IV y construisit le château neuf, dont il ne reste qu'un pavillon. Il commença deux nouveaux pavillons aux Tuileries, et voulut continuer jusqu'à ce château la grande galerie du Louvre, en passant au travers des remparts de la ville pour ne se point trouver enfermé dans son palais, un jour d'émeute, comme Henri III avait failli l'être. Il n'eut pas le temps d'achever ce travail. Son architecte Androuet Ducerceau fut assez bien inspiré cette fois pour suivre, dans une partie de la galerie, les premiers plans. Il termina aussi la façade de l'hôtel de ville, dont les fondements avaient été jetés sous François Ier, et le pont Neuf commencé sous Henri III. En 1601 fut posée la première pierre de Sainte-Croix d'Orléans, et en 1604 celle de la place

1. Cette porte fut élevée sous Henri IV dans la cour ovale et reçut son nom à l'occasion du baptême de Louis XIII qui eut lieu sous ce dome.

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Royale à Paris, où apparaît le mélange de la brique, de la pierre et de l'ardoise, genre renouvelé de l'ancienne architecture italienne, Dé à la lourde et basse arcade remplace les portes carrées aux angles arrondis des châteaux de la Renaissance; la croix de pierre déserte et les croisées qui s'ouvrent vides et nues, froides d'aspect, avec leur grand vitrage.

Ce n'est point dans les arts seulement que la Renaissance abdique sa capricieuse liberté; la méthode, la ré

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gularité, la loi vont, en toutes choses, remplacer l'indépendance hardie, souvent déréglée, mais puissante et originale du seizième siècle. En politique, l'autorité royale porte déjà bien haut son pouvoir que Richelieu et Louis XIV rendront irrésistible. En littérature, un roi s'élève aussi, un Richelieu de la grammaire, que l'autre ne précède pas de beaucoup, un tyran des mots et des syllabes, admettant ceux-ci, exécutant ceux-là. C'est Malherbe, littérateur pur et plein de goût, plutôt que grand poëte. Après les vives et libres allures de Marot et de Rabelais, les héritiers du vieil esprit gaulois, après Ronsard qui demande à l'antiquité sa grammaire et ses mots, après Montaigne qui lui demande ses pensées, mais

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