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Le 14 mai, son fils Vendôme lui dit que d'après les astrologues ce jour lui serait fatal. Il affecta d'en rire, et pourtant il en fut troublé, ne put ni s'occuper ni dormir. « Votre Majesté devrait sortir, dit un garde, et prendre l'air, cela la réjouirait. Tu as raison, qu'on apprête mon carrosse. » Il faisait chaud; on prit un carrosse tout ouvert. Il y monta avec les ducs d'Épernon et de Montbazon et cinq autres seigneurs, sans escorte; seulement quelques gentilshommes à cheval et valets de pied suivirent. On se dirigea vers l'Arsenal, où il voulait voir Sully malade. En passant de la rue Saint-Honoré dans la rue de la Ferronnerie, un embarras de voitures arrêta le carrosse. Ravaillac l'avait suivi à pied depuis le Louvre; il monta sur une borne et frappa le roi. « Je suis blessé, » s'écria-t-il en levant le bras. Ce mouvement découvrit le côté gauche, l'assassin porta un second coup qui atteignit le cœur. Le roi s'affaissa sans pousser un cri; il était mort. Ravaillac ne chercha pas à fuir. On eut grand'peine à empècher le peuple de le mettre en pièces. Enfermé près de là, dans l'hôtel de Retz, on parut pendant neuf jours l'y oublier, de sorte que beaucoup de gens purent le voir et lui parler. Le parlement mena ensuite rondement le procès. Ravaillac fut condamné, le 27 mai, à être tenaillé aux mamelles et aux membres, avec versement dans les plaies de plomb fondu et d'huile bouillante, à avoir le poing droit brûlé au feu de soufre, pour être ensuite écartelé et ses restes réduits en cendres et jetés au vent. L'écartèlement, dit le procèsverbal, dura une grande heure, le peuple furieux s'était de lui-même mis aux cordes. Les juges ne lui trouvèrent pas ou n'osèrent point lui trouver de complices'.

1. FAITS DIVERS. — Une ordonnance de 1609 prescrivit aux comédiens des deux théâtres qui existaient alors de jouer leurs pièces de deux heures à quatre heures et demie, les rues de Paris n'étant pas sûres le soir. En effet, il n'y avait point de lanternes, il y avait beaucoup de boue, très-peu de carrosses et quantité de voleurs.» En 1634, il n'y avait encore pour tout Paris que 240 archers faisant le guet, moitié le jour et moitié la nuit. Robin, médecin et botanişte, introduisit d'Amérique l'acacia, que les botanistes ont nommé robinier.

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CHAPITRE XLVIII.

LOUIS XIII (1610-1643) '.

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Régence de Marie de Médicis. Henri IV à l'Arsenal, quand un gentilhomme courut en disant : « Le roi est extrêmement Dieu! s'écria Sully, ayez compassion de lui, l'État. S'il meurt, la France va tomber en d'étra Il s'enferma aussitôt dans la Bastille, et écrivit le duc de Rohan, de revenir en toute hâte de 1 avec les six mille Suisses qu'il commandait.

Louis XIII n'avait pas neuf ans ; l'usage attribu aux mères des rois'; mais Marie de Médicis, qu gère et se sentait peu aimée, crut nécessaire de autorité une sorte de sanction légale. Elle s'ad lement de Paris, comme si ces magistrats étai sentants du pays. Le duc d'Épernon entra dan délibérations, l'épée au côté, laissant ses soldats « Cette épée, dit-il avec hauteur, est encore dan mais si la reine n'est pas déclarée régente sur prévois qu'il faudra l'en tirer. » Les magistrats se souviendront plus tard qu'une reine leur a re de disposer du pouvoir.

D'abord rien ne parut changé dans le système la France. Marie de Médicis conserva les minis nier règne. Elle accueillit même avec déféren avait quitté sa Bastille, pour venir au Louvre sa

1. Principaux ouvrages à consulter les Mémoires de F Lettres, Instructions diplomatiques et papiers d'Etat, publ mière fois, les uns en 1823, par M. Petitot, les autres en 18 nel; les Économies royales de Sully; les Négociations du pré les Lettres inédites de Feuquières, par Et. Gallois, 5 vol., de Brienne, avec une introduction de M. Barrère sur les m

ges du dix-sentième siècle· Razin Histoire de Louis XIII. /

Mon fils, dit-elle au jeune prince, c'est M. de Sully; il vous. le faut bien aimer, car c'est un des meilleurs et des plus utiles serviteurs du roi votre père, et le prier qu'il veuille bien vous servir de même. Et Sully tint longtemps embrassé, en pleurant, le fils de son maître et de son ami. Les projets de Henri IV parurent continués, avec son ministère : une déclaration royale confirma l'édit de Nantes; et une armée de 10000 hommes, commandée par le maréchal de la

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Châtre, alla prendre Juliers pour les princes protestants, alliés de la France.

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Abandon de la politique de Henri IV; Concini, Mais il arriva, comme à peu près partout où les reines sont rois, que les choses furent subordonnées aux personnes, ce qui est l'opposé de la vraie politique. Bientôt on ne sentit plus dans le gouvernement que la faiblesse, les irrésolutions. et les caprices d'une femme. Avec un roi mineur, une régente incapable, une cour divisée et des princes turbulents, l'action extérieure de la France allait être neutralisée pour long1. Arrondissement de Nogent-le-Rotrou.

temps. La paix devenant une nécessité, Marie de rapprocha des Espagnols; elle reprit un projet avait repoussé; elle ouvrit des négociations pou mariage de son fils avec une infante, du princ avec sa fille, et elle promit « de ne plus troubler autrichiens dans les affaires d'Allemagne. » 11 é

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que Sully adoptât cette politique nouvelle. La rei voya en ne lui laissant que sa charge de grand l'artillerie (janvier 1611). Il vécut encore trente an tant mort qu'à la fin de 1641 dans son château de V La reine avait depuis longtemps donné sa confiand

rentin Concini, qui la gouvernait par sa femme, Léonora Galligaï. Cette femme, fille d'un menuisier, était sœur de lait de la reine. Élevée avec Marie de Médicis, elle avait acquis sur son esprit un empire extraordinaire et l'avait accompagnée à la cour de France : « Pauvre papillon, dit Richelieu, qui ne savoit pas que le feu qui la consumeroit étoit inséparablement uni à l'éclat de cette vive lumière qu'elle suivoit, transportée d'aise et de contentement. »

L'autorité de la régente se trouva désarmée, quand un étranger, odieux déjà à ce titre, et d'ailleurs peu capable, eut pris, comme conseiller, la place de 1 homme supérieur qui, depuis vingt ans, avait été associé à la bonne et à la mauvaise fortune des Bourbons. Le prince de Condé, le comte de Soissons, son oncle, le duc de Bouillon, le duc de Guise, une foule d'autres encore accoururent pour arracher des pensions qui eurent bien vite épuisé l'épargne amassée par Henri IV à la Bastille. Comment la reine aurait-elle pu résister à leurs exigences, quand son favori donnait le premier l'exemple d'une scandaleuse avidité? Concini puisait à pleines mains dans le trésor; il acheta, en quelques mois, pour 330 000 livres le marquisat d'Ancre (près d'Amiens), pour 200000 la charge de premier gentilhomme de la chambre; il eut encore, à prix d'or, les lieutenances générales de Péronne, d'Amiens, de Dieppe, de Pont-de-l'Arche, de Quillebœuf, de Bourg en Bresse, etc.; il mit le comble à cette fortune insolente, en prenant le titre de maréchal, sans avoir jamais paru sur un champ de bataille. Léonora travaillait, de son côté, à la prospérité commune, en vendant des grâces, des absolutions. La cour des aides poursuivait des officiers de finance prévaricateurs, elle s'engagea par contrat public à les faire déclarer innocents, moyennant 300000 livres. Première révolte des seigneurs (1634). Les prétentions des seigneurs s'accrurent avec la faiblesse du gouvernement Les présents de la reine, dit Richelieu, étourdirent la grosse faim de leur avarice et de leur ambition; mais elle ne fut pas pour cela éteinte; l'épargne et les coffres de la Bastille étoient épuisés: alors ils aspirèrent à choses si

1. Le prince de Condé obtint d'abord une pension de 200 000 livres, avec un hôtel à Paris et le comté de Clermont; le comte de Soissons 200 000 écus comptants et une pension de 50 000 livres; le duc de Bouillon 200 000 livres; le duc de Guise 100 000 écus, etc.; mais ces sommes furent bien dépassées dans la suite. Concini ne fut jamais ministre.

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