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toutes les affaires du royaume, supprimer tous les colléges, si ce n'est dans douze villes où il en laissera un de jésuites et un de séculiers, et à Paris où il y en aura trois de laïcs et un de jésuites, afin d'arrêter la manie qu'ont les pauvres gens de faire étudier leurs enfants, ce qui les détourne du trafic et de la guerre. » Des marchands et des soldats, voilà ce qu'il demande au tiers état. Il laisse dans le même but subsister la vénalité des charges qui substitue pour les fonctions publiques l'hérédité à la concurrence, ce qui retiendra d'autant les bourgeois dans le trafic.

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Nous lui reprochions tout à l'heure d'avoir mal géré les finances. Mais il considérait l'impôt à un double point de vue, comme moyen de fournir des ressources à l'État, comme moyen aussi de tenir le peuple dans l'obéissance : « Tous les politiques sont d'accord, dit-il, que si les peuples étaient trop à leur aise, il serait impossible de les contenir dans les règles de leur devoir.... S'ils étaient libres de tributs, ils penseraient l'être de l'obéissance. » Et il les compare aux mulets a qui se gâtent par un long repos, plus que par le travail. »

L'Académie française, la Sorbonne, le PalaisRoyal, le Jardin des Plantes. Le terrible ministre n'avait pas que le goût du pouvoir; il avait aussi celui des lettres et des arts; plusieurs établissements utiles ou magnifiques datent de son ministère. Il institua l'Académie française, en 1635, la destinant à gouverner la langue et à régler le goût littéraire; il reconstruisit la Sorbonne, où l'on voit encore son tombeau, chef-d'œuvre de Girardon; il bâtit le

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collége du Plessis et le Palais-Cardinal (Palais-Royal) et fonda l'Imprimerie royale; il créa le Jardin des Plantes, aujourd'hui le Muséum d'histoire naturelle pour l'instruction des étudiants en médecine. Il montra aux écrivains une déférence à laquelle ceux-ci n'étaient pas habitués; il pensionna des savants et des poëtes, entre autres Corneille; il encouragea le peintre Vouët, et il rappela de Rome le Poussin : enfin il vit naître le grand siècle littéraire de la France, comme il en a commencé le grand siècle politique; car le Cid est de l'année 1636, et le Discours de la méthode de 1637. 11 était lui

même un écrivain remarquable. S'il eut tort de vouloir faire des tragédies et de se croire l'égal de Corneille, il composa une foule d'ouvrages théologiques fort estimés de son temps et des Mémoires, un Testament politique, qui le sont beaucoup du nôtre. On y trouve souvent de l'emphase et le style prétentieux de l'époque, mais quelquefois aussi une énergie toute cornélienne'.

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Mort de Louis XIII. - Louis XIII ne changea rien à la politique du cardinal, et appela au conseil celui qui pouvait la

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Versailles sous Louis XIII (vue de l'intérieur de l'avant-cour).

continuer, Jules Mazarin, l'ami et le dépositaire des pensées du grand ministre. Louis ne survécut à Richelieu que six

1. Il exigeait que Chapelain et Gombault restassent couverts devant lui. Ni l'un ni l'autre n'étaient de grands esprits, assurément, mais il honorait les lettres en leur personne. Le jour de la reddition de Montauban, les ministres protestants se présentent devant lui. Il refuse de les recevoir « comme corps d'Église, » mais il les admet « comme gens qui faisaient profession des lettres. » Ces égards continués par Louis XIV préparaient l'importance politique de la littérature au dix-huitième siècle. M. Livet a donné en 1857 une édition avec notes de l'Histoire de l'Académie française, par Pellisson et d'Olivet.

mois (14 mai 1643), comme s'ils étaient tous deux inséparables dans la vie, ainsi qu'ils le sont dans l'histoire.

Ce prince ne mérite pas le dédain qu'on a pour lui. Il ne faut point dire, avec Saint-Simon, que « les Muses ont donné au ministre bien de la gloire qu'elles ont dérobée au maître. » Mais il garda dix-huit ans un ministre qu'il aimait peu; il en fit moins son conseiller que le dépositaire de toute sa toutepuissance et le dictateur de la France. Cette résignation à accepter un ministre dont les exigences furent souvent pénibles, quelquefois cruelles, doit être comptée au prince qui eut ce rare dévouement pour l'intérêt public. D'ailleurs Louis XIII avait du courage, parfois de la décision, et il montra sur le trône une vertu qui s'y est vue rarement, la chasteté de saint Louis'.

C'est ce prince qui commença Versailles. La seigneurie de ce lieu appartenait aux évêques de Paris (archevêques depuis 1622). Louis XIII l'acheta, et dès l'année 1627 y fit bâtir un petit château qui a été conservé par son fils. Il forme le centre du palais, au fond de la cour de Marbre. On y retrouve l'emploi de la brique rouge, à laquelle Louis XIV renonça.

1. FAITS DIVERS. - L'intolérance et la superstition faisaient encore des victimes. Lucio Vanini, philosophe néo-platonicien, et le curé Urbain Grandier sont brûlés, l'un à Toulouse, comme athée, en 1619; l'autre à Loudun, comme sorcier, en 1634; le supplice de Grandier fut atroce.-Le 30 mai 1621, publication de la première gazette ou journal politique qui ait eu cours en France, distribuée à la fin de chaque semaine en double feuillet in-quarto. Richelieu avait fait graver, sur les canons du roi, la devise Ultima ratio regum.-En 1627, régularisation du service de la poste aux lettres, par l'établissement d'un tarif officiel remarquable par sa modération. Le prix d'une lettre de Paris à Lyon y est taxé à 2 sous (aujourd'hui 30 cent.). Premier impôt mis sur le tabac, en 1629: 30 sous par livre sur le tabac étranger. En 1640, fondation de l'imprimerie royale (voy, ci-dessus). En 1616, le marronnier d'Inde est importé de Constantinople à Paris, dans le jardin de Soubise. En 1634, institution par saint Vincent de Paul de la confrérie des Sœurs de la Charité; en 1638, il recueille les enfants trouvés.

CHAPITRE XLIX.

MINORITÉ DE LOUIS XIV ET ADMINISTRATION DE MAZARIN (1643-1661)'.

Régence d'Anne d'Autriche.-Le fils aîné de Louis XIII avait moins de cinq ans. Son père, qui se défiait de la reine, mêlée à toutes les intrigues de l'aristocratie, sous Richelieu, lui avait laissé la régence, mais en plaçant près d'elle un conseil qui devait décider de toutes les affaires, à la pluralité des voix. Anne d'Autriche entendait bien ne pas accepter des tuteurs après avoir eu si longtemps des maîtres; elle flatta le parlement; elle serait toujours bien aise, disait-elle, de se servir des conseils d'une aussi auguste compagnie; » en même temps, elle lui demandait d'annuler les dernières volontés de son époux. Le parlement, heureux de rentrer par ce coup éclatant dans la vie politique, cassa le testament du roi, avec la même facilité qu'il aurait jugé la cause d'un particulier. Anne d'Autriche fut proclamée régente avec pouvoir de faire choix de telles personnes que bon lui semblerait, pour délibérer sur les affaires qui lui seraient proposées. » Et, à l'étonnement de la cour, le premier qu'elle choisit fut l'ami, le successeur de Richelieu, le cardinal Mazarin.

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Mazarin. Mazarin était né en 1602, d'une ancienne famille de Sicile, établie à Rome. Envoyé comme nonce en France (1634), il s'était fait remarquer de Richelieu qui l'a

1. Ouvrages à consulter les Mémoires de Coligny-Saligny, ami et juge sévère du grand Condé; de la Rochefoucauld, de Lenet, du cardinal de Retz, de Gui Joly, d'Omer Talon, de la Châtre, de Campion, de Mmes de Motte-" ville et de la Guette, de la duchesse de Nemours, de Mlle de Montpensier et de Monglat; les Historiettes de Tallemant des Réaux; les Lettres de Gui. Patin, celles de Mazarin que vient de publier M. Ravenel; Voltaire, Siècle de Louis XIV; Saint-Aulaire, Histoire de la Fronde; Bazin, Histoire de France sous le ministère du cardinal Mazarin; Amédée Renée, les Nièces de Mazarin; Cousin, Mmes de Longueville, de Chevreuse, de Sable; de Hautefort, la Société française au dix-septième siècle, d'après le grand Cyrus; les Misères de la Fronde et Saint Vincent de Paul, par M. Feillet; Journal d'un voyage à Paris, en 1657-1658, publié par Feugère (1862).

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