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nastie, celle des Stuarts (1660), qui, en opposition avec le sentiment national, devait, pendant un quart de siècle, neutraliser leur influence et arrêter leur fortune. Enfin, si la Hollande était riche, puissante par sa marine, elle était sans territoire et, par conséquent, sans force durable. Louis XIV, en regardant l'Europe, quand il se mit à gouverner lui-même, n'y vit donc rien, roi ou peuple, qui pût marcher son égal ou celui de la France; et les premiers actes de sa politique étrangère révélèrent un désir de grandeur, un sentiment de sa dignité, pour tout dire, une hauteur qui étonnèrent, mais que le succès justifia.

Premiers actes de la politique étrangère de Louis · XIV. - Son ambassadeur à Londres, le comte d'Estrades. fut insulté par les gens de l'ambassadeur espagnol, le baron de Vatteville, dans une cérémonie publique, pour une question de préséance. A cette nouvelle, le roi rappelle l'envoyé qu'il avait à Madrid, renvoie celui d'Espagne, et menace son beaupère de la guerre, si on ne lui accorde une réparation éclatante. Philippe IV cède (1662), et le comte de Fuentès déclare en son nom, à Fontainebleau, en présence de la cour et des ambassadeurs étrangers, « que les ministres espagnols ne concourront plus désormais avec ceux de la France. »

A Rome, l'ambassadeur français, le duc de Créqui, avait offensé le peuple par ses dédains : les sbires pontificaux tirèrent un jour sur le carrosse de l'ambassadrice et sur les fenêtres de son palais. Louis XIV exigea satisfaction. Comme le pape temporisait, il fit saisir Avignon, et parlait d'envoyer une armée en Italie. Alexandre VII s'humilia: il éleva, au milieu de Rome, une pyramide qui devait rappeler l'injure et la réparation; et son neveu, le cardinal Chigi, vint présenter des excuses à un jeune prince qui n'avait pas encore tiré l'épée (1664).

Le Portugal défendait péniblement son indépendance contre les Espagnols; 4000 vieux soldats et le maréchal de Schomberg affermirent par la victoire de Villaviciosa la maison de Bragance sur le trône (1665).

Les Barbaresques infestaient la Méditerranée : le roi se fait le protecteur de toutes les nations assises au bord de cette mer ou qui y naviguent. Son amiral, le duc de Beaufort, l'ancien roi des halles, donne la chasse aux pirates avec quinze vaisseaux, porte l'incendie dans leurs repaires d'Alger et de Tunis, et force ces barbares à respecter le nom de la France

et le commerce des chrétiens (1665). Un beau dévouement honora cette guerre. Le dey d'Alger avait parmi ses captifs un officier malouin nommé Porcon de la Barbinais; il l'envoya porter au roi des propositions de paix, en lui faisant jurer de revenir, s'il échouait; les têtes de 600 chrétiens répondaient de sa parole. Les propositions étaient inacceptables. Porcon le savait; il va à Saint-Malo, met ordre à ses affaires, puis revient à Alger, certain du sort qui l'attendait : le dey lui fit trancher la tête. Cet homme vaut Régulus et personne ne le connaît.

Le roi venait d'essayer sa marine naissante dans les eaux de la Méditerranée : il acheta pour elle un port important sur la mer du Nord. Le nouveau roi d'Angleterre, Charles II, toujours à court d'argent, lui vendit Dunkerque pour 5 millions, (1662) aussitôt on y creusa des bassins; on entoura la ville de fortifications redoutables, et Dunkerque devint un objet de regret, d'envie et de terreur pour les Anglais. A la même époque il conclut une alliance avec les États généraux pour les lier d'avance à sa politique contre l'Espagne. La guerre ayant éclaté, en 1665, entre ceux-ci et les Anglais, Louis se joignit aux premiers, mais se garda bien d'engager à fond sa flotte; il ne voulait que lui montrer de près l'habileté des meilleurs marins du monde et lui fournir un champ de manœuvre sérieux quoique sans péril. Au traité de Bréda, il rendit Saint-Christophe, Antigoa et Monserrat aux Anglais qui lui restituèrent l'Acadie, région couverte d'immenses forèts et bordée d'excellents ports que les glaces ne ferment jamais, tandis qu'elles interceptent six mois chaque année ceux du Canada (31 juillet 1667).

En 1664, les Turcs menaçaient Vienne; 6000 hommes que Louis envoya à l'Empereur eurent leur bonne part à la victoire de Saint-Gothard qui sauva l'Autriche. Il aida de même les Vénitiens à défendre Candie. De 1665 à 1669, plus de 50 000 Français, en différentes fois, y passèrent. Leur dernier chef, le duc de Beaufort, y périt. Cette assistance prêtée aux ennemis des Ottomans semblait glorieuse, mais était une déviation de la politique séculaire de la France. Louis, qui s'expose ainsi à une rupture avec le vieil allié de François Ier et de Henri IV, renoncera bientôt à l'autre partie de leur politique, à l'alliance des protestants. Il reprendra le rôle de CharlesQuint et de Philippe II, celui de chef armé du catholicisme et de monarque absolu; il prétendra, comme eux, à la pré

pondérance en Europe, et cette ambition fera le malheur de la France, comme elle avait fait celui de l'Espagne.

Guerre de Flandre (1667); droit de dévolution, La mort du roi d'Espagne, en 1665, fut l'occasion de la première guerre de Louis XIV. Philippe IV ne laissait qu'un fils âgé de quatre ans, Charles II, qu'il avait eu d'une seconde femme. L'infante Marie-Thérèse, depuis six années reine de France, était née d'un premier mariage. Or, c'était l'usage dans les Pays-Bas que l'héritage paternel fût donné ou dévolu aux enfants du premier lit, à l'exclusion de ceux du second. Louis XIV réclama ces provinces au nom de sa femme. La cour d'Espagne consulta des jurisconsultes et des théologiens, quand il aurait fallu lever une armée; elle soutint que ce droit de dévolution était une coutume civile, qui ne pouvait ètre appliquée, dans l'ordre politique, à la transmission des États; et que d'ailleurs l'infante, en se mariant, avait renoncé à toute prétention sur la monarchie de son père. Le ministère français répondit que les renonciations étaient nulles, par ces motifs que Marie-Thérèse était mineure lorsque son père avait exigé d'elle cette renonciation, et que la dot, condition essentielle du contrat, n'avait pas été payée; qu'enfin les Pays-Bas étant le patrimoine héréditaire des rois d'Espagne, plutôt qu'une possession de la couronne, devaient être régis, comme les domaines privés, par le droit de dévolution. La première raison avait quelque apparence de fondement; la seconde n'était pas même spécieuse: mais le roi de France comptait bien plus sur ses armes que sur ses raisons.

Les Pays-Bas n'avaient point alors de nationalité parce que, depuis le quatorzième siècle, ils n'avaient eu que des maîtres étrangers. Ces provinces, continuation naturelle de notre territoire et de notre idiome, ne répugnaient pas alors à une union avec la France, cette guerre était donc utile et légitime autant que peut l'être une guerre d'invasion.

a L'Espagne manquait de marine, d'armée, d'argent. Le pays qui avait envoyé plus de cent vaisseaux à Lépante contre les Turcs, et qui en avait réuni plus de cent soixante-quinze en 1588 contre l'Angleterre, se vit réduit à en emprunter quelques-uns à des navigateurs génois pour son service du Nouveau Monde. Après avoir eu des armées formidables sur tout le continent, il ne pouvait plus entretenir un effectif de 20 000 hommes. Avec les mines du Nouveau Monde, il était obligé de recourir à des souscriptions pour se défendre ou pour

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subsister. Il n'avait plus de commerce; ses manufactures de Séville et de Ségovie étaient en grande partie tombées; l'agriculture était anéantie; la population, qui s'était élevée à vingt millions sous les Arabes, était alors descendue à six....'.» Pour lui ôter tout secours du dehors, Louis XIV s'assura de la neutralité de l'Angleterre et des Provinces-Unies, décida les princes allemands de la ligue du Rhin à lui fournir des troupes, et gagna même l'Empereur, sur lequel la cour de Madrid avait compté.

Ce fut une promenade militaire plutôt qu'une invasion. Le roi entra en Flandre avec 50 000 hommes et Turenne (1667): Charleroi, Tournai, Furnes, Courtrai, que la France a perdus; Douai, Lille, qu'elles a conservés, furent pris aussitôt qu'assiégés; la dernière seule fit une résistance sérieuse qui arrêta l'armée dix-sept jours. Le comte de Bruay commandait dans la place. La politesse castillane était alors célèbre. Bruay, dės qu'il sut l'arrivée de Louis XIV devant ses murs, envoya prier le roi de ne pas trouver mauvais qu'il défendît la place jusqu'à la dernière extrémité. Il offrit de faire passer de la ville tout ce qui serait nécessaire au service de sa maison, et promettait de ne point tirer du côté que Sa Majesté désignerait pour son quartier. A quoi Louis répondit que son quartier serait dans tout le camp. En trois mois la province entière fut soumise.

Aux approches de l'hiver, on proposa un armistice aux Espagnols le gouverneur des Pays-Bas, Castel-Rodrigo, le repoussa avec hauteur, en disant que cette suspension d'armes serait accordée par la nature, et qu'il n'avait pas besoin de la recevoir comme une grâce d'un ennemi. Cet accès de fierté, qu'il aurait fallu soutenir par des forces imposantes, fut puni de la perte d'un nouveau territoire.

« On était plongé dans les divertissements à Saint-Germain, dit Voltaire, lorsque, au cœur de l'hiver, au mois de janvier 1668, on fut étonné de voir des troupes marcher de tous côtés, aller et revenir sur les chemins de Champagne, dans les Trois-Évêchés des trains d'artillerie, des chariots de munitions s'arrêtaient, sous divers prétextes, dans la route

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1. Mignet, Introduction aux négociations relatives à la succession d'Espagne, p. 29. Au moment où commençait cette première guerre de Louis XIV, Colbert avait déjà, en six années, augmenté le produit des impôts de 11 500 000 livres, diminué les dépenses de 19 900 000 livres, par conséquent doublé le revenu net du trésor.

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