Page images
PDF
EPUB
[graphic][merged small]

grands poëtes discutant avec l'un de nos plus grands hommes de guerre. Condé mourut en 1686, victime de son dévouement pour la duchesse de Bourbon sa petite-fille, atteinte de la petite vérole.

Campagnes de 1676; victoires navales : Duquesne et d'Estrées. On retomba l'année suivante dans cette guerre de siéges que Louis XIV préférait. Condé et Bouchain furent pris; Maestricht, assiégé par le prince d'Orange, fut délivré; mais les Allemands rentrèrent dans Philippsbourg, que du Fay défendit trois mois et ne rendit que lorsqu'il manqua de poudre. Une gloire inattendue consola la France de ces faibles succès et de ces revers. Les habitants de Messine, révoltés contre l'Espagne, s'étaient placés sous la protection de Louis XIV (1675): il leur envoya une flotte commandée par le duc de Vivonne, frère de Mme de Montespan, et qui avait Duquesne sous ses ordres. Ce grand marin, né à Dieppe en 1610, avait d'abord été armateur et corsaire, puis il s'enga-. gea au service de la Suède, où il acquit de la réputation; revenu en France pour entrer dans la marine royale, il passa par tous les grades, devint lieutenant général, mais ne put monter plus haut, parce qu'il était protestant. Sur les côtes de Sicile il eut pour adversaires Ruyter et les Espagnols. Un premier combat près de l'île de Stromboli resta indécis (1676); un second, à la hauteur de Syracuse, fut une complète victoire. Ruyter y fut tué. Louis XIV ordonna qu'on rendit les honneurs militaires, dans tous nos ports, au vaisseau qui rapportait en Hollande les restes de ce grand homme de mer. Enfin Duquesne, Vivonne et Tourville écrasèrent dans une dernière rencontre, à Palerme, les flottes ennemies. La France eut pour quelque temps l'empire de la Méditerranée (1676). Les Hollandais avaient, cette même année, pris Cayenne et ravagé nos établissements des Antilles. Le vice-amiral d'Estrées arma à ses frais huit bâtiments que le roi lui confia, moyennant réserve de moitié des prises, reprit Cayenne et détruisit dans le port de Tabago, où elle se croyait hors d'atteinte, une escadre ennemie de 10 vaisseaux. En 1678, il enleva cette ile même et tous les comptoirs hollandais au Sénégal. Le pavillon français régna alors sur l'Atlantique comme sur la Méditerranée.

Campagne de 1677; Créqui et Luxembourg; bataille de Cassel. Créqui avait succédé à Turenne en Allemagne, Luxembourg à Condé aux Pays-Bas. Le premier

[ocr errors]

répara sa défaite de Consarbruck dans une campagne digne de Turenne. Par une suite de marches habiles, qui le placèrent constamment entre l'ennemi et notre frontière, il couvrit la Lorraine et la haute Alsace contre un adversaire supérieur en nombre, le battit à Kochersberg, entre Strasbourg et Saverne (7 oct. 1677), et lui enleva Fribourg, ce qui repor

[graphic][merged small]

tait la guerre sur la rive droite du Rhin. Le second, qui rappelait plutôt le vainqueur de Rocroy, prit avec le roi Valenciennes, dont les mousquetaires enlevèrent, en plein jour, les formidables ouvrages, puis Cambrai, et gagna avec Monsieur sur le prince d'Orange la bataille de Cassel, près de SaintOmer, qui capitula (avril 1677). Gand ouvrit ses portes l'an

née suivante.

Défection de l'Angleterre (1678). — Ainsi Louis XIV attaquait ou se défendait partout un événement imprévu le décida à faire la paix. Les Anglais ne voyaient pas sans une sorte d'effroi les progrès de son influence sur le continent, et surtout le développement de sa marine 1; ils murmuraient contre leur roi, enchaîné à l'alliance de ce redoutable voisin, et l'opposition nationale devenait tous les jours plus vive dans le Parlement. Charles II disait tristement à l'ambassadeur français, M. de Ruvigny (6 juin 1675), que, pressé par ses sujets, il était comme une place assiégée qui ne peut plus se défendre. » Dès 1674 il avait cessé d'agir contre les Hollandais; en 1678 il fut forcé de s'unir à eux, de consentir au mariage de sa nièce, Marie, avec le stathouder, et de se déclarer contre la France (janvier 1678).

Traité de Nimègue (1678); pacification générale (1679). Alors Louis XIV proposa la paix aux ProvincesUnies. Le prince d'Orange devait son élévation à la guerre; il essaya de rompre les négociations en surprenant à SaintDenys, près de Mons, le maréchal de Luxembourg, qui se reposait sur la foi d'un armistice (11 août 1678) : il fut repoussé après un combat désespéré de six heures. « Je m'attendais bien, disait-il plus tard, à perdre du monde, mais cette perte devait être de peu de conséquence, puisque, aussi bien, la paix étant faite, il aurait fallu congédier les troupes. » Quel mépris de la vie humaine ont tous ces batailleurs! les hommes ne sont pour eux que les pièces d'un échiquier.

La Hollande, l'Angleterre, l'Espagne et l'Empereur traitèrent à Nimègue, l'électeur de Brandebourg à Saint-Germain, le roi de Danemark à Fontainebleau (août 1678 à septembre 1679). Cette fois encore ce fut l'Espagne qui paya les frais de la guerre; elle abandonna la Franche-Comté, et, aux Pays-Bas, les deux dernières villes de l'Artois, Aire et Saint-Omer, avec douze autres places, Valenciennes, Cambrai, Maubeuge, Condé, Bouchain, etc., que Vauban couvrit aussitôt de fortifications, pour en faire la barrière de la France. L'électeur de Brandebourg et le roi de Danemark durent restituer tout ce qu'ils avaient enlevé aux Suédois

1. « Le plus grand obstacle à l'alliance française, écrivait Charles II dès les premières années de son règne, c'est le grand soin que l'on se donne maintenant en France pour se créer un commerce et pour être une puissance maritime imposante. Chaque pas que la France fera dans cette voie, perpétuera la jalousie entre les deux nations. >>

nos alliés. Mais la France, déviant de la politique commerciale de Colbert, accorda aux Hollandais l'abolition du tarif de 1667, ce qui allait porter un rude coup à notre marine marchande et même à notre industrie.

Le traité de Nimègue marque l'apogée du règne de Louis XIV: c'est peu de temps après que les magistrats de Paris lui décernèrent le titre de GRAND (1680). Ils lui avaient

[graphic][merged small][merged small]

élevé déjà, pour cette guerre, deux arcs de triomphe, les portes Saint-Martin et Saint-Denis.

Cependant cette guerre avait dérangé nos finances, porté un premier coup à notre marine et à notre commerce; elle avait habitué l'Europe à se liguer contre nous et lui avait montré l'homme qu'elle devait prendre pour chef de ses conseils, le pays où elle devait placer le point d'appui de sa résistance. La guerre de Hollande prépara la fortune de Guillaume III et de l'Angleterre. Renversons les faits; supposons que Louis XIV fût resté comme son aïeul l'allié des Hollan

« PreviousContinue »