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dais une grande marine s'unissait à la nôtre pour disputer l'Océan aux Anglais, et cette marine appartenait à un pays que nous pouvions toujours atteindre par notre politique, nos alliances et nos armes. Quand elle eut émigré dans la GrandeBretagne, au lieu d'un adversaire à portée de ses coups, la France eut, en face d'elle, un ennemi que jusqu'à présent elle n'a pu saisir corps à corps.

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DERNIÈRE PARTIE DU RÈGNE DE LOUIS XIV (1679-1715)'.

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Conquêtes de Louis XIV en pleine paix; Réunion de Strasbourg à la France. - Après le traité de Nimègue, les nations licencièrent leurs troupes, Louis garda les siennes et fit de la paix un temps de conquêtes. Les derniers traités lui avaient livré un certain nombre de villes et de cantons, avec leurs dépendances. Pour rechercher quelles étaient ces dépendances, il établit à Tournay, à Metz, à Brisach et à Besançon des chambres dites de réunion, parce qu'elles furent chargées de réunir à la France les terres qu'on prétendait démembrées des villes de Flandre, des Trois-Évêchés, de l'Alsace et de la Franche-Comté. Des princes allemands, l'électeur palatin, le roi d'Espagne, durent comparaître par procureurs, pour justifier de leurs titres ; et des arrêts, soutenus par la force, donnèrent à Louis XIV vingt villes importantes, Sarrebruck, Deux-Ponts, Luxembourg, Montbéliard, Strasbourg, dont Vauban fit la plus forte barrière du royaume sur le Rhin (1681).

Strasbourg, place des plus importantes pour le passage du Rhin, se prétendait ville libre et neutre. Neutralité dérisoire: Strasbourg ouvrait et fermait tour à tour son pont aux armées allemandes et françaises suivant que l'une montrait plus

1. Le Gouvernement de Louis XIV, l'administration, les finances et le commerce de 1683 à 1689, par P. Clement; Quinze ans du règne de Louis XIV (1700-1715), par E. Moret et Sallart.

de usils que l'autre ou donnait plus d'écus. Louis XIV crut

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bon de mettre définitivement la main sur cette porte ni ou

verte ni fermée et d'en prendre la clef pour lui seul. On travailla les principaux de la ville, on gagna les magistrats. Le parti français fit peu à peu taire le parti allemand et tout se prépara en silence pour le coup de main qu'on méditait. Un jour Louvois fait appeler un jeune seigneur de la cour de Versailles, lui demande s'il ne veut pas rendre au roi un service signalé. Il ne s'agissait du reste que de courir en poste à Bâle, de manière à y arriver un certain jour; de s'établir à six heures du matin sur le pont; d'y rester jusqu'à midi, en notant soigneusement tout ce qu'il y verrait, et de revenir à toute bride. Le courtisan, joyeux de cette marque de confiance, court, vole, arrive et s'installe au poste indiqué, attendant quelque apparition étrange ou formidable: une flottille qui descend le fleuve, une armée qui franchit le pont ou un ambassadeur qui entre dans la ville et dont il fallait bien observer le visage. Mais tout se passe comme à l'ordinaire, et il écrit sur son calepin : « A six heures, deux paysans ivres; à sept heures, une vieille femme et un âne; à huit, un cheval boiteux; à neuf, des charretiers qui jurent, des femmes qui crient, des enfants qui pleurent; à dix, une sorte de baladin habillé mi-partie de jaune et rouge qui crache dans le fleuve et fait des ronds dans l'eau; à onze, la foule affairée; à midi comme à onze. » Sa faction était finie. Pour un homme qui avait cru qu'on allait lui,faire sauver la France, la déception était cruelle. Cependant il obéit jusqu'au bout et, comme il en avait l'ordre, il revient à fond de train. Le ministre le reçoit dès qu'il a fait passer son nom, le presse de questions, lit ses notes, et avant d'être arrivé au bout lui saute au cou, l'embrasse et à son tour se jette dans une voiture qui l'emporte de toute la vitesse des chevaux. L'homme jaune et rouge était le signal convenu avec le général Monclar que tout était préparé pour un des grands événements du règne de Louis XIV, et Louvois courait prendre possession de Strasbourg.

Cette ville est aujourd'hui une des plus françaises; elle est, sur le Rhin, le boulevard de notre pays, et présente à l'Allemagne bien des bons côtés de notre caractère : le patriotisme, l'esprit militaire, le goût des choses de l'intelligence.

En Italie, Louis XIV acheta Cassel, dans le Montferrat, au duc de Mantoue, pour dominer le nord de la Péninsule et le Piémont, qu'il tenait déjà par Pignerol (1681).

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Bombardement d'Alger et de Gênes. Sur d'autres points se montrait le drapeau de la France, et pour une cause plus légitime. Les Barbaresques avaient recommencé leurs pirateries. Le vieux Duquesne fut envoyé contre eux. Un marin obscur, Bernard Renau, venait d'inventer un engin terrible de destruction pour les places maritimes, les galiotes à bombes. Alger fut bombardé deux fois (1681-1683), détruit en partie et obligé de rendre ses prisonniers. Tunis et Tripoli éprouvèrent le même sort; la Méditerranée fut encore pour quelque temps purgée des corsaires.

Une ville chrétienne fut traitée comme ces repaires de pirates. Les Génois avaient vendu des armes et de la poudre aux Algériens, et ils construisaient, dans leurs chantiers, quatre vaisseaux de guerre pour l'Espagne, qui n'en avait plus. Louis XIV leur défendit d'armer ces galères; sur leur refus, Duquesne et Seignelay lancèrent en quelques jours 14 000 bombes, qui renversèrent une partie des somptueux palais de Génes la Superbe (1684). Il fallut que le doge vint à Versailles demander pardon au roi, malgré une loi ancienne qui ordonnait au premier magistrat de ne jamais s'absenter de la ville. On lui demanda ce qu'il trouvait de plus curieux à Versailles « C'est de m'y voir, » répondit-il.

Le pape même fut encore une fois humilié comme prince et blessé comme pontife. Les ambassadeurs catholiques, à Rome, avaient étendu le droit d'asile et de franchise, affecté de tout temps, et avec raison, à leur hôtel, jusqu'au quartier même qu'ils habitaient. Innocent XI voulut détruire cet abus, qui faisait d'une moitié de la ville un repaire pour les criminels. Il obtint sans peine le consentement des autres rois; mais Louis XIV, déjà irrité contre le pontife à cause de la régale (voy. ch. LIII), répondit avec hauteur « qu'il ne s'était jamais réglé sur l'exemple d'autrui, et que c'était à lui de servir d'exemple. Il envoya le marquis de Lavardin, avec 800 gentilshommes armés pour se maintenir dans la possession d'un privilége injuste; le pape excommunia l'ambassadeur; le roi fit saisir Avignon (1687). Cette affaire s'arrangea sous le successeur d'Innocent XI; mais ce pontife en conçut un dépit profond qui ne fut pas sans influence sur la guerre de 1688.

L'occasion de cette guerre fut, en effet, l'opposition faite par le pape au candidat de la France pour le siége archiépis. copal de Cologne, le cardinal de Furstenberg, qui nous avait

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