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dernières extrémités, sa garnison ayant mangé jusqu'à son dernier cheval, livra Mantoue (2 février). « Ainsi, en dix mois, outre l'armée piémontaise, trois armées formidables, trois fois renforcées, avaient été détruites par une armée qui, forte de trente et quelques mille hommes à l'entrée de la campagne, n'en avait guère reçu que vingt pour réparer ses pertes. Ainsi, 55 000 Français avaient battu plus de 200 000 Autrichiens, en avaient pris plus de 80 000, tué ou blessé plus de 20 000; ils avaient livré douze batailles rangées, plus de soixante combats, passé plusieurs fleuves, en bravant les flots et les feux ennemis. » La guerre ainsi faite, et pour une grande cause, devient un magnifique spectacle.

Pendant la lutte contre Wurmser, la régence de Modène avait montré sa sympathie pour les Autrichiens, et à l'approche d'Alvinzy, les troupes pontificales s'étaient mises en mouvement. Bonaparte, même avant Arcole, prononça la déchéance du duc, dont les États furent érigés en république cispadane, et, après Rivoli, marcha sur Rome. Pie VI, tremblant, signa la paix de Tolentino; elle lui coûta 30 millions, la Romagne (Ravenne, Rimini, etc.) qui fut réunie, avec les légations de Ferrare et de Bologne, à la république cispadane, et Ancône qui fut occupé jusqu'à la paix par une garnison française (19 février 1797). Au mois d'octobre précédent, une expédition qu'il avait fait partir de Livourne avait chassé les Anglais de la Corse.

Retraite de Moreau (octobre 1796). Les armées d'Allemagne n'avaient été ni si habilement conduites, ni si heureuses. Jourdan et Moreau refoulèrent bien d'abord les Autrichiens devant eux: Moreau les battit même à Rastadt (5 juillet), à Ettlingen (le 9), ce qui lui livra les passages des montagnes; mais Carnot, au lieu de prescrire aux deux généraux de réunir leurs 120 000 hommes dans la vallée du Danube, les faisait agir séparément, et les éloignait encore l'un de l'autre en leur commandant de déborder les ailes de l'ennemi. L'archiduc Charles, au contraire, se concentra entre Ulm et Ratisbonne, puis essaya de faire reculer Moreau en l'attaquant à Neresheim (10 août). Repoussé, il eut la pensée hardie de se dérober à Moreau, avec une partie de ses forces, pour se jeter de la vallée du Danube dans celle du Mein, s'y réunir à Wartensleben, qui reculait devant Jourdan, et accabler celui-ci, qui fut, en effet, arrêté à Neumark, à Amberg, vaincu à Wurtzbourg (3 septembre), et rejeté jusque

derrière la Lahn (10 septembre) '. C'était la même manœuvre qui venait de si bien réussir à Bonaparte au début de la campagne d'Italie. Elle eut le même succès, mais non les mêmes conséquences; car Moreau n'était pas Beaulieu, et l'archiduc n'était pas Boniparte. Il perdit un temps précieux au lieu de revenir sur notre seconde armée, qui était déjà au milieu de la Bavière; Moreau recula, mais lentement, s'arrêtant chaque fois qu'il était trop pressé pour infliger quelque leçon sévère aux Autrichiens qui le suivaient (victoire de Biberach, 2 octobre), traversa la forêt Noire par le val d'Enfer, et, sans avoir laissé derrière lui ni un caisson ni un homme, dans cette glorieuse retraite de vingt-six jours, il rentra en Alsace, quand et comment il voulut, par Brisach et Huningue, le 18 octobre.

Dernières victoires de Bonaparte en Italie; préliminaires de Léoben (1797). Heureusement les merveilleuses victoires de l'armée d'Italie compensaient ce revers. Cette armée n'avait pas encore rempli toute sa tâche; l'archiduc Charles, le vainqueur de Jourdan, arrivait à son tour avec une quatrième armée qui borda les Alpes Carniques et Juliennes, depuis le haut Adige jusqu'à l'embouchure du Tagliamento. Bonaparte le préviat; il se proposa de couper ce demi cercle sur trois points. A gauche, il dirigea Joubert, par le Tyrol, sur le Brenner; à droite, il fit marcher Masséna sur le col de Tarwis, où passe la grande route de l'Italie sur Vienne, et lui-même se porta contre l'archiduc, qui gardait derrière le lagliamento les approches de Trieste. Le passage du fleuve fut forcé le 16 mars; le 19, un combat furieux donna à Masséna le col de Tarwis, et Joubert, à la suite de plusieurs coups de vigueur sur le haut Adige, toucha au Brenner. Toute la chaîne des Alpes était conquise. Nous n'avions plus qu'à descendre leur revers septentrional. Tandis que Joubert se jette dans le Putersthal pour tendre la main à Masséna, Bonaparte arrive le 31 mars à Klagenfurth, sur la Drave. L'archiduc veut l'empêcher de pénétrer

1. C'est dans cette retraite de Jourdan qu'un jeune et brillant général de 27 ans, Marceau, qui donnait les plus belles espérances. fut tué au combat d'Altenkirchen A 24 ans il était déjà général en chef de l'armée de l'Ouest et vainquit les Vendéens au Mans (13 decen.bre 17:3). Il avait contribué pour beaucoup au gain de la bataille de Fleurus.

2. Cette vallee, longue de 2 lieues, commence à 3 ou 4 lieues de Fribourg par le Himmelrich ou royaume du ciel, et, malgré son nom de Hollenthal, val d'Enfer, n'est vraiment difficile, même pour une armée, que sur un seul point.

dans le bassin de la Mühr; mais Bonaparte force la gorge de Newmark (1er avril); il entre, le 7, à Léoben et pousse son avant-garde sur la cime du Sommering, d'où l'on peut

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apercevoir, à 25 lieues dans le nord, les clochers de Vienne.

A ce moment, Hoche et Moreau entraient en opérations.

Le premier, à la tête de l'armée de Sambre-et Meuse, passa le Rhin en face de l'ennemi et en quatre jours fit 35 lieues, gagna trois batailles Neuwied (17 avril), Ukerath, Altenkirchen, et livra cinq combats. Il allait envelopper l'armée autrichienne de Kray, quand la nouvelle de l'armistice imposé par Bonaparte à l'archiduc Charles arrêta sa marche triomphante. Desaix, lieutenant de Moreau, franchit le fleuve aussi heureusement et replia l'ennemi dans les montagnes Noires. Si Bonaparte avait connu ce succès, il se serait refusé à toute négociation; mais la cour de Vienne, épouvantée, se hâta de signer les préliminaires de Léoben (18 avril) sur cette base que la France aurait la Belgique, et l'Autriche une indemnité dans les provinces de terre ferme de Venise, comme dédommagement de la perte du Milanais.

Venise avait profité de l'absence de Bonaparte pour massacrer nos malades, nos blessés et essayer de faire sur nos derrières une Vendée italienne; elle expia la lâcheté de son sénat. 4000 hommes pénétrèrent dans cette ville, et y établirent une république provisoire. Le sénat de Gênes fut renversé comme celui de Venise, pour des outrages à la France; mais la république ligurienne garda sa liberté avec notre alliance. L'Angleterre, consternée des échecs multipliés de son alliée, offrit elle-même de négocier, et des conférences pour la paix s'ouvrirent à Lille.

Anarchie intérieure.

Mais, tandis qu'au dehors la République était triomphante, au dedans la situation empirait tous les jours. Les mandats territoriaux, qui avaient remplacé les assignats (mars 1796), étaient tombés dans le même discrédit. La crise financière, devenue effrayante, jetait le gouvernement dans une voie d'expédients funestes. L'agiotage était scandaleux, et l'on imputait les malversations commises au Directoire tout entier, bien que Barras en fût seul coupable. Le désordre était au comble, avec ce gouvernement divisé et par conséquent mal obéi. Au commencement, il s'était trouvé assez fort pour déjouer deux tentatives des partis extrêmes. La première, préparée dans la Vendée par Charette, avec l'appui de l'Angleterre, avait échoué, grâce à l'activité du général Hoche. Charette et Stofflet, livrés aux républicains, avaient été fusillés (fév. et mars 1796). La seconde, celle du communiste Babeuf, qui proposait le partage égal des terres et des fortunes entre tous les ci

toyens, avait eu à peine un commencement d'exécution (mai 1796), et se termina par le supplice des deux principaux chefs du complot. I'nfin une conspiration des Jac bins pour enlever de nuit le camp de Grenelle fut aussi infructueuse (9 septembre 1796).

Mais à mesure que ce gouvernement vécut, on en sentit les vic s. Un immense bes in de jouir avait saisi cette société à peine échappée à la Terreur; on se précipitait, avec fureur, dans le plaisir et les affaires. La dissolution des mœurs était effrénée comme lagiotage. Les bandes de brigands pullulaient. Les compagnons de Jéhu et les enfants du Soleil désolaient le midi. Les chauffeurs épouvantaient l'ouest. 11 semblait que l'État allait tomber en dissolution.

Progrès des royalistes. — Les royalistes crurent qu'il y aurait peu à faire pour jeter à terre ce gouvernement chancelant. Les émigrés rentraient en foule. Ils inquiétaient déjà les acquéreurs des biens nationaux, et dans la société de Clichy ils poussèrent ouvertement à une contre-révolution. Enhardis par leurs succès dans les élections de l'an v pour le renouvellement des Conseils, ils portèrent à la présidence des Cinq-Cents le général Pichegru, à celle des Anciens BarbéMarbois, et remplacèrent Letourneur, membre sortant du Directoire, par Barthélemy, un de leurs partisans. Une restauration monarchique au profit des Bourbons semblait imminente. Le prétendant Louis XVIII, frère de Louis XVI ', se croyait sur le point d'être appelé et faisait déjà des conditions. Le Directoire se décida à le prévenir. Les armées étaient dévouées, et Bonaparte, des bords de l'Adige, promettait son

concours.

Le 18 fructidor an V (4 sept. 1997). - Dans la nuit du 18 fructidor, Augereau introduisit dans Paris 12000 hommes, qui cernèrent le lieu des séances des Conseils. Les deux minorités, sur l'invitation du Directoire, se déclarèrent en permanence, annulèrent les mandats de leurs collegues, dont les siéges restêrent vacants, rétablirent toutes les lois révolutionnaires abrogées depuis peu, et condamnèrent à la déportation cinquante trois députés, dont Pichegru, BarbéMarbois, Boissy d'Anglas, Portalis et Camille Jordan; en outre deux directeurs: Carnot, qui ne voulait pas qu'on recou

1. Le fils de Louis XVI, que les émigrés avaient nommé Louis XVII, était mort au Temple, de misère et des mauvais traitements de son ignoble gardien, en 1795.

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