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l'embargo sur tous les navires des puissances alliées qui se trouvaient dans ses ports, et le 21 mars 1801 les amiraux Nelson et Parker, forçant le passage du Sund, vinrent livrer, sous les murs de Copenhague, une bataille bravement soutenue par les Danois. Pour épargner à leur capitale l'horreur d'un bombardement, ils signèrent une suspension d'armes. Cette exécution audacieuse et la mort du czar Paul Ier, assassiné dans son palais par ses courtisans, mirent fin à la ligue des neu

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tres. Alexandre, fils et successeur de Paul Ie", abandonna sa politique, et la France se retrouva seule à défendre la liberté des mers. Mais les Anglais, avec leurs 195 vaisseaux de ligne et leurs 250 frégates, avaient sur mer une telle supériorité de forces, que, loin d'être en état de lutter contre eux, nous ne pouvions même envoyer des secours à Malte, qu'ils bloquaient, à l'armée d'Égypte, qu'ils menaçaient.

Perte de l'Égypte. - Kléber, à qui Bonaparte avait, en partant, confié le gouvernement de sa conquête et l'armée,

était un excellent général; mais esprit frondeur, chagrin, il n'était grand qu'au milieu du danger. La perspective de rester abandonné en Égypte l'irrita profondément, et, après le tort de se laisser aller au découragement, il eut celui de répandre le même esprit dans l'armée. On ne parla bientôt que de sortir d'Égypte à tout prix, et une armée turque de 80 000 hommes survenant, il signa avec le commodore Sidney Smith la convention d'El-Arish, par laquelle les troupes devaient être ramenées en France sur des vaisseaux anglais. Le cabinet britannique, trompé par ce découragement, désavoua son représentant, et exigea que l'armée se rendît à discrétion. Kléber retrouve alors son énergie: il culbute les Turcs à la sanglante journée d'Héliopolis (20 mars 1800), reprend le Caire, qui s'état soulevé derrière lui, et rétablit par ces coups de vigueur la domination française en Égypte. Mais il tomba sous le poignard d'un assassin, le même jour où Desaix mourait à Marengo (14 juin).

Le commandement passa aux mains du général Menou, administrateur habile et général incapable. Il laissa les Anglais débarquer dans la presqu'île d'Aboukir, au nombre de 10 000, les attaqua trop tard et avec des forces trop inférieures (21 mars 1801). La défaite de Canope (9 avril) le contraignit de céder le Caire et Alexandrie. Nous occupions l'Égypte depuis trois ans, quand cette convention malheureuse nous força de l'évacuer (2 septembre 1801).

Paix d'Amiens (mars 1802).—C'était pour les Anglais un grand succès un autre l'avait précédé, la capitulation de Malte, après un blocus de vingt-six mois. Mais l'Angleterre fléchissait sous le poids d'une dette de 12 milliards et des immenses misères auxquelles ses classes laborieuses étaient condamnées par la cherté des vivres; au dehors, elle voyait avec effroi la marine de la France renaître sous la puissante impulsion du Premier Consul. Gantheaume avait deux fois, avec une escadre, couru impunément toute la Méditerranée. Le contre-amiral Linois venait de livrer, en vue même de Gibraltar, le beau combat d'Algésiras, où, avec trois vaisseaux, il en avait battu six et détruit deux. Enfin, et cela était plus grave, Bonaparte préparait à Boulogne une immense quantité de chaloupes canonnières pour une descente en Angleterre (voyez p. 571), et le vainqueur d'Aboukir, chargé de brûler « ces coquilles de noix, » avait éprouvé un échec. La crainte fit taire pour un moment les rancunes implacables de

l'aristocratie anglaise, et, le 15 mars 1802, la paix d'Amiens fut signée. Toutes les acquisitions continentales de la France, toutes les républiques fondées par ses armes étaient reconnues. L'Angleterre restituait les colonies françaises, rendait Malte aux chevaliers de Saint-Jean, le Cap aux Hollandais, elle ne gardait que l'ile espagnole de la Trinité et Ceylan.

La nouvelle du traité d'Amiens fut accueillie en France et en Angleterre avec une joie sans mélange. La paix avec le continent n'avait jamais été qu'une trêve la paix véritable était celle qui amenait l'Angleterre à reconnaître la grandeur de la France; Bonaparte avait dit, après le 18 brumaire : « La Révolution est finie. » Maintenant, c'était des guerres de la Révolution qu'on disait : « Elles sont finies! » Le Premier Consul le pensait lui-même. « A Amiens, a-t-il dit plus tard, je croyais de très-bonne foi le sort de la France, celui de l'Europe et le mien fixés; la guerre finie, j'allais me donner uniquement à l'administration de la France, et je crois que j'eusse enfanté des prodiges. »

Glorieuse administration de Bonaparte. Le Concordat (1801). Déjà ces prodiges commençaient: Bonaparte était au comble de la gloire. Pour la seconde fois il venait de donner à la France une paix glorieuse. L'Égypte était perdue, Malte aussi, et une expédition pour faire reconnaître aux noirs de Saint-Domingue l'autorité de la métropole allait échouer. Mais ces lointains désastres éveillaient à peine un écho en France. On les oubliait en voyant, sous la main habile et ferme du premier consul, les partis se calmer, et partout l'ordre renaître. Il renouvelait pour l'industrie la puissante impulsion de Colbert, en s'efforçant d'habituer la France à fabriquer elle-même les produits qu'elle ne pouvait plus acheter aux Anglais. Le morcellement des grands domaines vendus comme biens nationaux avait fait arriver un morceau de terre à beaucoup de mains qui n'en avaient jamais eu, et l'agriculture doublait ses produits. Le commerce était encouragé, malgré l'extension donnée chaque jour au système protecteur par l'aggravation des tarifs de douane'; les finances étaient réorganisées, et le budget,

1. Importations en l'an VIII, 325 millions; exportations, 271; importations en l'an ix (1801), 417 millions; exportations 305. Le recensement de l'an 1x, donna, pour soixante-sept départements, 22 297 413 habitants. Ces mêmes départements n'avaient, en 1789, que 21 176 413 habitants. Augmentation : 1 100 000 âmes ou 1 sur 19.

pour la première fois depuis un siècle, mis en équilibre; les routes, les ponts réparés, les arsenaux remplis. A Paris, trois ponts étaient jetés sur la Seine: celui des Arts, et ceux qui prirent plus tard les noms immortels d'Austerlitz et d'Iéna. Entre les vallées de la Somme et de l'Oise, il faisait creuser le canal de Saint-Quentin; entre la France et l'1talie, il traçait la magnifique route du Simplon ; il faisait étudier celles du mont Cenis et du mont Genèvre, et il fondait des hospices sur la cime des Alpes. Le Code civil se discutait sous ses yeux, et il élaborait le projet d'une puissante organisation de l'instruction publique, l'Université, celui d'une grande institution de récompenses nationales, la Légion d'hon

neur.

Une merveilleuse activité, une puissance de travail inouïe, lui faisaient tout voir, tout comprendre, tout faire. Les arts, les lettres recevaient de lui de précieux encouragements. Étranger aux rancunes des dix dernières années, il rappelait les émigrés par une amnistie, mais en donnant une consécration nouvelle des ventes faites par l'État aux acquéreurs des biens nationaux; il rappelait les prêtres, il relevait les autels et signait avec le cardinal Consalvi, légat de Pie VII (15 juillet 1801), le Concordat, c'est-à-dire la paix religieuse'. D'après cet acte célèbre, la France devait être divisée en 10 archevêchés et 50 évêchés; un traitement payé par l'État était substitué à l'ancienne dotation territoriale du clergé. Le gouvernement avait la police du culte, la nomination des évêques et archevêques; mais au pape seul appartenait le droit de leur donner l institution canonique. Bonaparte inaugura la paix religieuse (le 18 avril 1802) avec une grande pompe, dans l'église Notre-Dame. Chateaubriand, dans le Génie du Christianisme, avait préparé, avec un magnifique langage, cette restauration du culte catholique.

Ainsi le Premier Consul essayait d'effacer les haines et de ne former qu'un grand parti, celui de la France. Enfin, tout en enchaînant la Révolution à son char, il en conservait les principes dans son Code civil, c'est-à-dire qu'il la rendait impérissable.

1. Le Concordat rencontra une opposition très-vive au sein du Tribunat, qui fut privé des membres les moins dociles au pouvoir par le nouveau coup d'Etat du 12 mars 1801. Cependant il fut adopté, avec les articles organiques qui le complétaient, par les tribuns, aussi bien que par le Corps législatif (8 avril 1802).

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