Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]

HENRI III (1574-1589).

61

l'épura. Le gouverneur de la Bastille, Bussy-Leclerc, se présenta au palais. Achille de Harlay s'y trouvait; averti le matin de rester chez lui: « Je n'en ferai rien, dit-il, ils ne sauraient me prendre en plus digne lieu qu'en mon siége. » Lorsque Bussy-Leclerc lut la liste de ceux qu'il venait arrêter, en tête de laquelle était le président, cinquante se levèrent et le suivirent.

Henri III n'avait rien fait pour tirer profit du meurtre. Sa mère lui avait dit avant de mourir « qu'il lui fallait maintenant promptitude et résolution. » Il croyait qu'il était encore l'heure de négocier, et il écrivait à la fois au pape, à Philippe II, à Mayenne, à Henri de Navarre, même à la Ligue qui renvoyait dédaigneusement son héraut sans l'entendre. D'Épernon et quelques milliers de seigneurs étaient accourus auprès de lui; mais il n'avait aucune force réelle : ce qui n'était pas à la Ligue appartenait aux politiques et aux protestants. L'excommunication pontificale, lancée contre lui, pour le meurtre d'un cardinal, accrut ses embarras; il n'avait plus qu'un recours contre les ligueurs : il se résigna à appeler à lui le roi de Navarre, alliance qui lui donnait du même coup celle des politiques.

Avant la dernière tragédie, le Béarnais avait été en de cruels embarras. Le triomphe de Guise ou des ligueurs eût causé sa ruine. « Le diable est déchaîné, écrivait-il (8 mars 1583), et est merveille que je ne succombe sous le faix. Si je n'étais huguenot je me ferais Turc. Ah! les violentes épreuves par où l'on sonde ma cervelle. Je ne puis faillir d'être bientôt ou fou, ou habile homme. Cette année sera ma pierre. de touche. Eile le fut. Il sortit de là l'homme qui sut mener si bien, à travers les écueils, sa fortune et celle de la France. Henri III reçut le Béarnais à Plessis-lez-Tours, après lui avoir livré le passage de la Loire à Saumur', en lui donnant cette ville et son fort château comme place de sûreté. Le roi de Navarre arriva habillé comme un soldat, le pourpoint usé sur l'épaule et aux côtés par la cuirasse, un manteau d'écarlate, un chapeau gris avec un panache banc. Il se jeta aux pieds de Henri III, qui le releva en l'appelant

1. Henri en donna le gouvernement à Duplessis-Mornay, une des plus

son frère. « La glace est rompue, écrivit-il à sans nombre d'avertissements que si j'y allais j'ai passé l'eau en me recommandant à Dieu. »>

La réunion de l'armée protestante et de l'a sous le même étendard changeait complétement la guerre. Ce n'était plus le protestantisme féod Ligue démocratique qui menaçait la royauté; 1 entrait en lutte avec les masses catholiques rév

[graphic][merged small]

elle. Henri III rappela à Tours son parlement inutile un manifeste contre Mayenne et les chefs de la L Béarnais conduisit rudement la guerre. Pithiviers, 1 Poissy furent enlevés de vive force. Pontoise fit une que résistance. Le roi de Navarre faillit y être tué : quebusade, qui lui était destinée, jeta mort un col guenot sur l'épaule duquel il s'appuyait, en obse

place. En deux mois il fut maître du terrain entre

[graphic][merged small][merged small][ocr errors]

rent en vue de Paris. Ils s'emparèrent du pon Cloud, et les Parisiens purent-voir la longue li ennemis s'allumer et s'étendre en un vaste demila rive gauche de la Seine, depuis Argenteuil jus rard. Le roi de Navarre établit son quartier Henri III à Saint-Cloud. En contemplant de ces 1 ville qui l'avait si ignominieusement chassé, i Paris, tête trop grosse pour le corps, tu as be saignée pour te guérir et purger l'Estat de ta C'est bien une Saint-Barthélemy qu'il comptait rec mais cette fois contre les ligueurs. Dans Paris amis ne s'en cachaient pas. Ils disaient qu'avant il y aurait tant de pendus, qu'on ne trouverait pa bois pour les gibets. Il avait mandé à la duchesse pensier qu'il la ferait brûler vive le jour de son quoi elle avait répondu qu'elle ferait du pis qu'ell pour le garder de passer les barrières.

Cependant la grande ville était atterrée; le pe perdu de son énergie; mais la fureur s'était concen les chefs et au fond des cloîtres La duchesse de Mo n'épargnait rien pour entretenir l'exaltation des préc Un bras fanatique se fit l'instrument de la fureur c et mit en pratique la doctrine du tyrannicide plus soutenue dans l'école et dans la chaire.

L'assaut devait être donné le 2 août. La veille, a un jeune frère du couvent des Dominicains, Jacques sortit de Paris et se dirigea vers Saint-Cloud. Su récits royalistes, il allait exécuter un projet co Mayenne et la duchesse de Montpensier. Il s'y était par le jeûne et les sacrements. Il était muni d'une fa tre du président de Harlay pour Henri III et fort bie gné. Conduit au roi, il déclara qu'il avait à lui dire cret des choses d'importance. » Les gardes s'éloignè au moment où le roi s'approchait, l'assassin tira un de sa manche et le lui plongea dans le bas-ventre. « chant moine, s'écria le roi, il m'a tué! » Henri arra même le fer de la plaie, d'où les entrailles sortirent a et frappa son assassin au visage. Les gardes, accou bruit, massacrèrent le meurtrier sur la place.

On crut d'abord que la blessure ne serait point m mais bientôt une fièvre violente saisit le malade et a

HENRI III (1574-1589).

65

« Mon frère, dit le roi, vous voyez comme vos ennemis et les miens me traitent; soyez certain que vous ne serez jamais roi si vous ne vous faites catholique. » Puis se tournant vers ceux qui l'entouraient : « Je vous prie, leur dit-il, comme mes amis, et vous ordonne, comme votre roi, de reconnaître après ma mort mon frère que voilà; pour ma satisfaction et votre propre devoir, je vous conjure que vous lui prêtiez serment en ma présence. » Tous jurèrent. Il expira dans la nuit; il était âgé de trente-huit ans et en avait régné quinze. La race des Valois était éteinte.

La vieille Catherine de Médicis était morte six mois auparavant, le désespoir dans l'âme, sous la malédiction du cardinal de Bourbon, qui l'accusait d'avoir amené les Guises à la boucherie, et elle n'avait pas eu la consolation de penser que sa coupable vie avait été utile aux siens. Elle voyait, après trente années d'efforts, de ruses, de crimes pour affermir le pouvoir de ses fils, sa race menacée dans son dernier rejeton, le royaume déchiré, la couronne avilie, et la Ligue ou les huguenots prêts à triompher.

Catherine de Médicis a eu pourtant un apologiste qu'on ne s'attendait guère à lui trouver, Henri IV. Un jour, en 1600, que le président de Groulard rappelait au roi les maux déchaînés par elle sur la France : « Mais, je vous prie, dit-il, qu'eût pu faire une pauvre femme ayant, par la mort de son mari, cinq petits enfants sur les bras, et deux familles qui pensaient d'envahir la couronne, la nôtre et celle des Guises? Fallait-il pas qu'elle jouât d'étranges personnages pour tromper les uns et les autres, et cependant garder, comme elle a fait, ses enfants qui ont successivement régné par la sage conduite d'une femme si avisee? Je m'étonne qu'elle n'a encore fait pis! » C'est après tous ses malheurs que Henri parlait ainsi, quand « l'expérience des choses du monde lui avait appris d'être plus prudent que vindicatif'. Mais c'était oublier bien légèrement ses amis égorgés, et pour un brave soldat comme lui, qui n'avait sur les mains que du sang loyalement répandu, c'était pousser bien loin le respect de l'habi

D

« PreviousContinue »