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D'autres bataillons de la garde, avec Lobau, arrêtèrent devant Planchenoit la moitié de l'armée prussienne durant une heure et demie, jusqu'à ce que l'immense cohorte abritée par leur sacrifice se fût écoulée sur la route de Charleroi. Lobau fut pris et subit d'indignes outrages; Duhesme fut peut-être assassiné; d'autres furent égorgés en rendant leurs armes. Odieuses et lâches vengeances des Prussiens que n'excusent pas le ressentiment de longs revers et l'orgie d'une victoire inespérée.

La bataille de Waterloo avait duré dix heures: « une jour

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née de géants, qui nous coûta 30 000 hommes tués, blessés ou pris et 22000 aux vainqueurs. 72 000 Français y avaient lutté contre 115 000 ennemis, et virent deux fois la victoire s'échapper de leurs mains.

Telle fut cette campagne de quatre jours.

Sans les retards du 15 et les désertions qui donnèrent l'éveil à Blücher, les alliés surpris éprouvaient un irrémédiable désastre.

Si, le 16, le corps de d'Erlon avait pu agir, les Prussiens étaient écrasés à Ligny, ou les Anglais aux Quatre-Bras.

Si Grouchy avait empêché les Prussiens de se réunir, le 18, à Wellington, les Anglais étaient écrasés à Waterloo.

Seconde abdication de l'Empereur (23 juin 1815). La retraite fut désastreuse comme celle de Leipzig et de Moscou; rien n'avait été préparé pour un revers : tout le ma tériel fut perdu. De Laon, où l'armée commença à se rallier, Napoléon partit pour Paris. Il entra dans la capitale à minuit, et s'établit à l'Élysée. Il comptait sur le patriotisme des Chambres. « Qu'on me seconde, disait-il, et rien n'est perdu. » Mais Fouché, ministre de la police, fit courir le bruit que

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l'Empereur méditait un 18 brumaire, et la Chambre des représentants, sur la motion de la Fayette, proclama la patrie en danger, appela la garde nationale à sa défense, et déclara coupable de trahison quiconque tenterait de la dissoudre.

Napoléon, stupéfait de cette attaque, essaya de rassurer les députés et fit appel à la concorde. « Je ne vois qu'un homme entre la paix et nous, dit la Fayette, nous avons assez fait pour lui: notre devoir est de sauver la patrie. Un message fut envoyé à l'Empereur pour lui demander son abdication. Napoléon s'y résigna. « Français dit-il, je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France; ma vie po

litique est terminée : je proclame mon fils, Napoléon II, Empereur des Français. »

L'assemblée accepta cette déclaration. Les libéraux espéraient sauver la patrie sans l'aide de l'Empereur. On nomma un gouvernement provisoire, et une commission spéciale fut chargée de négocier avec les alliés. Mais ceux-ci refusèrent toute offre de paix. Wellington et Blücher marchaient précipitamment sur Paris. Cette pointe était fort imprudente : les débris de Waterloo, le corps intact de Grouchy s'étaient concentrés près de la capitale, où, rejoints par de nombreux renforts, ils formaient une armée de 100 000 hommes. Plus de 60 000 gardes nationaux et ouvriers défendaient la ville, qu'on avait fortifiée du côté du nord. L'armée ennemie se trouvait moins nombreuse que la nôtre; mais le président du gouvernement provisoire, Fouché, voulait porter au trône la branche cadette des Bourbons, ou, s'il n'y pouvait réussir, revenir à la branche aînée.

Quand Napoléon offrit de se mettre à la tête des troupes en montrant combien il était facile d'écraser au moins ce premier ennemi, non-seulement Fouché répondit par un refus, mais il força l'Empereur à quitter la Malmaison, où il s'était retiré'.

Sainte-Hélène. Menacé d'être livré à l'ennemi, Napoléon partit pour Rochefort, pensant chercher un asile aux États-Unis. Mais tous les passages étaient gardés; après de longues incertitudes, il se rendit à bord du vaisseau anglais le Bellerophon, et écrivit au régent d'Angleterre cette lettre admirable : « Altesse Royale, en butte aux factions qui divisent mon pays et à l'inimitié des grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir au foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale, comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. » Le gouvernement anglais traita en prisonnier de guerre l'homme qui venait si noblement réclamer son hospitalité. L'Empereur fut conduit dans l'île Sainte-Hélène, au milieu de l'Atlantique, sous un ciel brûlant, à 500 lieues de toute terre. En voyant disparaître la côte de France du pont du Bellerophon, il s'écria : « Adieu, terre

1. Joséphine avait acheté la Malmaison en 1792. Elle appartient aujourd'hui à la reine Marie-Christine.

des braves! adieu, chère France! Quelques traîtres de moins, et tu serais encore la grande nation, la maîtresse du monde ! » Comme si ce n'était pas assez d'un climat meurtrier et des douleurs de la solitude et de l'inaction, pour le génie ardent qui, durant quinze années, avait étonné le monde, le ministère anglais sembla prendre à tâche de tuer lentement, à force d'outrages, l'immortel captif. Napoléon endura ces tortures avec calme et dignité. Il ne songea qu'à la postérité, et il occupa les mornes loisirs de sa prison à dicter 1 histoire

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de ses campagnes. Après six années, qui furent six années de souffrances morales et de privations matérielles, il mourut à Longwood, le 5 mai 1821, à quatre heures du matin, enveloppé dans son manteau de bataille, et tandis qu'un ouragan des tropiques déchaînait sa fureur sur l'île et y déracinait quelques-uns des plus grands arbres, « comme si l'esprit des orages, porté sur les ailes du vent, courait apprendre au monde qu'un être puissant venait de descendre dans les sombres abîmes de la nature'. »

1. Récits de la captivité de l'Empereur Napoléon, par le général de Montholon; Histoire de la captivité de Napoléon à Sainte-Hélène, d'après les documents officiels et les manuscrits de sir Hudson Lowe, 4 vol.

Le long martyre de Napoléon à Sainte-Hélène l'a grandi encore, en lui donnant la seule consécration qui lui manquât : celle du malheur. Ce rocher fut comme l'autel où le héros passa demi-dieu. Une popularité immense s'attacha à son nom, même parmi les nations les plus lointaines; et, en apprenant sa mort, lord Holland s'écria au milieu du parlement anglais « L'univers porte le deuil du héros. » Il avait luimême prévu ce que gagnerait auprès des peuples le captif des rois « Si je meurs sur la croix, disait-il, et que mon fils vive, il arrivera. »

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Traités de 1815. Dans le naufrage de l'Empire, peu s'en fallut que la France ne périt. Ni la Chambre, ni le gouvernement ne surent défendre Paris. Davout, le ministre de la guerre, s'entendit avec Fouché, le génie personnifié de l'intrigue, et le héros d'Awerstaed et d'Eckmühl capitula devant Blücher, malgré une énergique adresse de dix-sept généraux qui voulaient continuer la lutte, malgré l'ardeur des troupes qui voulaient combattre encore. Il signa une convention par laquelle l'armée française dut se retirer derrière la Loire sans brûler une amorce. Les alliés prirent possession de Paris comme d'nne ville conquise. Blücher voulait faire sauter le pont d'Iéna, renverser la colonne de la grande armée. L'intervention du roi de Prusse sauva ces monuments. Le musée du Louvre fut dépouillé des chefs-d'œuvre que la victoire y avait entassés, et nos bibliothèques, nos collections précieuses furent mises au pillage. Mais la France entière ne l'était-elle point par les 1 200 000 étrangers accourus à la curée!

La Chambre des députés avait pensé que l'on compterait avec elle; les alliés fermèrent la salle des séances, et rétablirent Louis XVIII sur son trône. Cette seconde restauration coûta cher à la France. Il fallut d'abord payer aux alliés 100 millions, puis une autre indemnité de guerre de 700 millions, et encore 370 millions de réclamations particulières. Ce n'est pas tout: 150 000 soldats étrangers restèrent pendant trois ans sur notre sol, entretenus et nourris à nos frais, pour faire la police de l'Europe en France. Enfin, le traité de Paris nous enleva Philippeville, Marienbourg, le duché de Bouillon, Sarrelouis et le cours de la Sarre, Landau, plusieurs communes du pays de Gex, et la Savoie que le traité de 1814 nous avait laissée; en tout 534 000 habitants. On nous ôta le droit de tenir garnison dans la principauté de Monaco,

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