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Vue de Lyon prise en face du Palais de justice.

même, ils furent désarmés, et l'ordre parut rétabli, à la surface. Grenoble à son tour fut ensanglantée. A Paris éclatèrent les complots dits des tours de Notre-Dame et de la rue des Prouvaires.

Tel fut le ministère de Casimir Périer: une lutte énergique, dans laquelle sa forte volonté ne recula, pour la cause de l'ordre, devant aucun obstacle. Collègues, Chambres, le roi même, il maîtrisait tout. Une telle vie avait épuisé ses forces, quand le choléra vint l'enlever le 16 mai 1832.

Le choléra (1832). — Ce terrible mal, sorti du Delta du Gange, après avoir parcouru tout l'ancien continent, de la Chine à l'Angleterre, entra dans Paris le 26 mars; il en sortit le 30 septembre, laissant derrière lui de vingt à vingt-cinq mille victimes. Dans quelques journées il y avait eu douze cents morts. Douze mille sept cents personnes avaient péri dans le seul mois d'avril.

Ministère du 11 octobre 183% (MM. de Broglie, Guizot et Thiers). Insurrection des 5 et 6 juin à Paris. - La société était travaillée, dans ses profondeurs, par les partisans de Saint-Simon et de Fourier qui demandaient un autre ordre social. Ceux-ci ne jouaient encore que le rôle d'apôtres pacifiques, mais l'insurrection lyonnaise avait montré dans les prolétaires une armée toute prête pour appliquer les doctrines. La garde nationale défendit énergiquement la royauté, lorsque, à la suite des funérailles du général Lamarque, le parti républicain livra la bataille des 5 et 6 juin, derrière les barricades de Saint-Méry. Cet échec abattit pour quelque temps les républicains. Un mois après (22 juillet 1832), la mort du fils de Napoléon, le duc de Reichstadt, débarrassa d'un concurrent redoutable la dynastie d'Orléans, qui, à la même époque, semblait gagner un appui par le mariage de la princesse Louise avec le roi des Belges.

· Un autre préten

Arrestation de la duchesse de Berri, dant perdait aussi sa cause. La duchesse de Berri, débarquée secrètement sur les côtes de Provence avec le titre de régente, était venue allumer dans l'ouest la guerre civile au nom de son fils Henri V. Mais il n'y avait plus ni Vendéens ni chouans. Les idées nouvelles avaient pénétré là comme ailleurs, plus qu'ailleurs même. « Ces gens-là sont patriotes et républicains, » disait un officier chargé de les combattre. Quelques gentilshommes, des réfractaires, peu de paysans, répondirent à l'appel. Le pays, sillonné de troupes, fut promptement pacifié, et la duchesse, après avoir longtemps erré de métairie en métairie, entra dans Nantes, déguisée en paysanne. Cette aventureuse équipée montra la faiblesse du parti légitimiste. Pour achever de le ruiner, M. Thiers, alors ministre, fit rechercher activement la duchesse. Découverte et enfermée à Blaye, elle fut contrainte d'y avouer un mariage secret, et cet aveu rendait, pour l'avenir, toute tentative du même genre impossible.

Succès au dehors.

- La prise par nos soldats de la citadelle d'Anvers, que les Hollandais refusaient de rendre aux Belges, ter

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mina une situation critique d'où, à chaque instant, la guerre pouvait sortir (23 décembre 1832). L'occupation d'Arzew, de Mostaganem et de Bougie affermit notre établissement d'Alger, et ces expéditions aux bords de l'Escaut et sur les rives de la Méditerranée jetèrent quelque éclat sur nos armes.

En Orient, la diplomatie française intervenait entre le sultan et son victorieux vassal, le pacha d'Egypte. Le traité de Kutayéh, qui laissait la Syrie à Méhémet-Ali, ne rendait pas le sultan plus faible qu'il ne l'était auparavant, mais il fortifiait le vice-roi d'Egypte, gardien pour la France et pour l'Europe des deux grandes routes com

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Palais du quai d'Orsay ou du Conseil d'État, terminé en 1835.

merciales de la mer Rouge et du golfe Persique, dont l'Angleterre voulait se saisir.

Au Portugal, don Pedro venait de reverser don Miguel et d'octroyer, au nom de sa fille doña Maria, une charte constitutionnelle. En Espagne, Ferdinand VII mourait, en excluant du trône, par l'abolition de la pragmatique de Philippe V, son frère don Carlos; de sorte que la Péninsule tout entière échappait en même temps au régime absolutiste.

La quadruple alliance. Le traité de la quadruple alliance, signé le 22 avril 1834, entre les cours de Paris, de Londres, de Lisbonne et de Madrid, promit aux nouveaux gouvernements espagnol et portugais l'appui efficace de deux grands pays constitutionnels, contre le mauvais vouloir des cours du nord. En France, quelques

effets suivirent même ces promesses. Pour soutenir, au besoin, contre les légitimistes espagnols, alliés naturels des légitimistes français, la jeune reine Isabelle, on forma un corps d'armée de cinquante mille hommes au pied des Pyrénées.

A l'intérieur, les Chambres avaient adopté une loi célèbre sur l'instruction primaire (1833). Dans le Parlement, sur toutes les questions graves, la majorité était acquise au ministère. Si le jury acquittait souvent les accusés politiques, l'armée était fidèle et la magistrature montrait envers les républicains une sévérité qui rassurait la cour. Un premier attentat contre la vie du roi faisait profiter la royauté de l'horreur qu'inspirèrent toujours de pareils crimes. «Eh bien! ils ont tiré sur moi, disait le roi. Sire, répondit Dupin, ils ont tiré sur eux. >>

L'année 1835 vit la ruine du parti républicain comme faction militante. Les insurrections d'avril à Lyon et à Paris, qui donnèrent lieu aux massacres du faubourg de Vaise et de la rue Transnonain, et les dramatiques incidents du procès intenté aux républicains devant la Cour des pairs, amenèrent l'emprisonnement ou la fuite de presque tous les chefs.

Attentats contre la vie du roi. A la revue du 28 juillet, un Corse, Fieschi, repris de justice et faussaire, dirigea contre le roi une machine infernale, dont les coups jetèrent morts autour du monarque le maréchal Mortier, une des gloires de l'empire et naguère président du conseil, un général, deux colonels, un vieillard, une femme, une jeune fille et plusieurs gardes nationaux. Cet épouvantable attentat effraya la société, encore tout émue de la guerre civile récente et des péripéties du procès d'avril. Le ministère profita de l'indignation universelle pour présenter les fameuses lois de septembre sur les cours d'assises, le jury et la presse. Elles étaient calculées de manière à rendre la justice criminelle plus sévère et plus prompte; elles interdisaient toute discussion sur le principe du gouvernement et élevaient le cautionnement des journaux de quarante-huit mille francs à cent mille.

Politique extérieure. - Jusqu'à ce moment, la cause de l'ordre avait été énergiquement soutenue à l'intérieur; maintenant qu'elle était triomphante, M. Thiers, président du conseil des ministres depuis le 22 février 1836, voulut reprendre au dehors le rôle de Casimir Périer.

Les carlistes espagnols faisaient dans la Péninsule de menaçants progrès; M. Thiers se décida à intervenir; l'Angleterre elle-même le demandait. C'était donc à la fois se rapprocher de cette puissance et prendre hautement en main la défense des idées libérales en Europe. Le souvenir de la malheureuse intervention de 1823 eût été ainsi glorieusement effacé.

Le jeune et hardi ministre avait conçu et préparé une autre expédition importante. Depuis la conquête d'Alger nous avions fait peu de progrès dans l'ancienne Régence. On avait pris quelques villes

sur la côte et livré quelques combats dans l'intérieur; mais nul système général n'avait encore été arrêté. M. Thiers chargea le maréchal Clausel d'attaquer Constantine, la plus forte place de toute l'Afrique, dans le même temps où il comptait faire entrer le général Bugeaud en Espagne à la tête de douze mille hommes. Ainsi, le gouvernement qui avait comprimé les troubles intérieurs, allait ouvrir au dehors une issue à l'activité de la France. A l'ordre qu'il avait donné, il voulait ajouter un peu de gloire. Le roi, que tout grand mouvement effrayait, consentit bien à l'expédition de Constantine, parce que les coups de canon tirés en Afrique, disait-il, ne s'entendaient pas en Europe; mais il se refusa à l'intervention en Espagne. M. Thiers, plutôt que de céder, sortit du ministère.

Lutte entre la cour et le parlement; M. Molé. — M. Molé remplaça, le 6 septembre 1836, M. Thiers comme président du conseil.

La première partie du ministère de M. Molé fut marquée par des événements malheureux. Le maréchal Clausel, laissé sans moyens suffisants, échoua dans l'expédition de Constantine. Le prince Louis, neveu de Napoléon, tenta de soulever la garnison de Strasbourg. Arrêté, il fut reconduit hors du royaume; ses complices comparurent devant le jury; les jurés renvoyèrent absous ceux qu'on leur avait déférés. Ce verdict mécontenta la cour, et le ministère présenta la fameuse loi de disjonction, qui était une atteinte au principe inviolable de l'égalité devant la justice. La Chambre la repoussa.

Elle rejeta aussi la demande d'une dotation pour le duc de Nemours. Mais un acte du ministère fut accueilli par d'unanimes applaudissements, l'amnistie promulguée le 8 mai 1837, pour les délits politiques.

Mariage du duc d'Orléans. Prise de Constantine. Peu de jours après l'amnistie, on célébra l'union du duc d'Orléans avec la princesse Hélène de Mecklenbourg, jeune femme d'un esprit élevé, et qui, dans le malheur, montra d'austères et touchantes vertus. Le traité de la Tafna, dont on ne connut que plus tard l'imprudence, venait de pacifier la province d'Oran; et, à l'autre extrémité de nos possessions algériennes, nos soldats plantaient enfiu le drapeau de la France sur les inexpugnables murailles de Constantine (1837). La nation était fière de ces succès, et le roi, s'associant au réveil du patriotisme, peupla de toutes nos gloires le palais désert de Louis XIV. L'érection du musée de Versailles, où la peinture retraça tous les grands faits de notre histoire, était une noble et patriotique pensée.

Bombardement de Saint-Jean-d'Ulloa. L'année 1838 continua cette prospérité. De longs démêlés avec le Mexique nécessitèrent l'envoi d'une escadre qui bombarda le fort de la Vera-Cruz, Saint-Jean-d'Ulloa, et le força à capituler. Le prince de Joinville se trouvait sur la flotte; il y montra le courage que ses frères avaient maintes fois déjà déployé en Afrique à la tête de nos soldats. Enfin

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