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chet de nationalité qui manquait, disait-il, aux institutions parlementaires de 1814, de 1830 et de 1848, imitations plus ou moins fidèles de la charte anglaise ou de la législation des États-Unis. Le chef de l'État était responsable et gouvernait avec des ministres qui dépendaient de lui seul. Deux assemblées étaient instituées : le Corps législatif, issu du suffrage universel, avec le vote des lois et de l'impôt; un Sénat, formé des illustrations du pays, veillait à la conservation et au développement de la Constitution. Le conseil d'Etat, formé par le pouvoir, préparait les lois, les soutenait devant le Corps législatif et examinait les amendements. Cette Constitution substituait le système représentatif au système parlementaire. Elle n'enfermait pas cependant dans un cercle infranchissable les destinées de la nation. Elle laissait la voie ouverte à des améliorations qui pouvaient faire rentrer peu à peu dans la pratique les libertés un instant écartées.

Le Président, revêtu de la dictature, remania toutes les branches du gouvernement et de l'administration, pendant quatre mois, avant de mettre la Constitution en pratique. La vente forcée des biens personnels de la maison d'Orléans et le retour au domaine de l'État de ceux qui auraient dû y être réunis après l'avénement du roi LouisPhilippe, la récrganisation de la garde nationale restreinte et mise à la disposition du pouvoir, l'autorité départementale concentrée entre les mains des préfets, la nomination des maires des communes revendiquée par le gouvernement, furent les principaux traits de ce remaniement, conçu pour fortifier le pouvoir.

L'ordre était rétabli. La France en remercia le Président dans le voyage qu'il fit à travers les provinces de l'est et celles du midi. Parti de Strasbourg au milieu des cris de Vive le Président! il arriva à Bordeaux aux cris de Vive l'Empereur! Le 16 octobre, Paris reçut en triomphe l'auguste voyageur. Entraînée par le mouvement qui l'avait saisie depuis le premier vote en faveur de Napoléon, en 1848, la nation croyait ne plus pouvoir trouver le repos de l'ordre qu'au sein d'une monarchie héréditaire, et la satisfaction de son légitime orgueil, en face de l'étranger, que dans la dynastie napoléonienne. Le rétablissement de l'Empire suivit de près.

CHAPITRE IV.

LE SECOND EMPIRE (1852-1868).

Rétablissement de l'Empire (1852). Un sénatus-consulte, délibéré dans la première assemblée de l'État, proposa au peuple le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de LouisNapoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive; et les comices populaires adoptèrent cette proposition les 21 et 22 novembre, par 8 157 752 votes affirmatifs contre 254 501 négatifs. L'Empire fut solennellement proclamé le 2 décembre 1852.

Le nouvel empereur prit le nom de Napoléon III. De son mariage avec Mlle Eugénie de Montijo, comtesse de Téba, qu'il choisit en dehors de tous calculs politiques pour la faire asseoir sur le trône, naquit un Prince Impérial le 16 mars 1856. L'Empire, établi sur la large base du suffrage universel, avait une immense popularité. L'Empereur n'en fit pas une royauté fainéante. Il se proposa deux buts donner au dedans satisfaction aux besoins généraux du pays, ainsi qu'aux intérêts populaires, et au dehors relever la situation politique de la France, qui était encore sous le coup des grands revers de 1815. Viendrait ensuite le développement progressif des libertés publiques par l'amélioration successive de la Constitution.

L'Empereur a lui-même, à différentes reprises, tracé ce vaste programme, dans le langage élevé qui caractérise ses écrits: « Pour développer, a-t-il dit en parlant des améliorations intérieures qu'il méditait, pour développer notre commerce étranger par l'échange des produits, il faut améliorer l'agriculture, et l'affranchir de toutes les entraves intérieures qui la placent dans une condition d'infériorité. Aujourd'hui, non-seulement nos grandes exploitations sont gênées par une foule de règlements restrictifs, mais encore le bienêtre de ceux qui travaillent est loin d'être arrivé au développement qu'il a atteint dans un pays voisin (Angleterre). Il n'y a donc qu'un système général de bonne économie politique qui puisse, en créant la richesse nationale, répandre l'aisance dans la classe ouvrière. » Et, en exposant les principes de sa politique étrangère, dans d'autres circonstances, l'Empereur disait encore : « La France ne menace personne, elle désire développer en paix, dans la plénitude de son i dépendance, les ressources immenses que le ciel lui a données,

et ne saurait éveiller d'ombrageuses susceptibilités, puisque de l'état de civilisation où nous sommes ressort de jour en jour, plus éclatante, cette vérité qui console et rassure l'humanité, que plus un pays est riche est prospère, plus il contribue à la richesse et à la prospérité des autres.... Si l'on me demande cependant quel intérêt la France peut avoir parfois à prendre les armes, et à jeter ses armées sur de proches ou de lointains rivages, je répondrai que l'intérêt de la France est partout où il y a une cause juste et civilisatrice à faire prévaloir.... Car partout où l'on voit passer le drapeau de la France, les nations savent qu'il y a une grande cause qui le précède, un grand peuple qui le suit.... La France sait que jamais un intérêt personnel ou une ambition mesquine ne dirigeront mes actions. Lorsque, soutenu par le vœu et le sentiment populaires, on monte les degrés du trône, on s'élève par la plus grave des responsabilités au-dessus de la région infime où se débattent les intérêts du vulgaire, et l'on a pour premiers mobiles comme pour derniers juges, Dieu, la conscience et la postérité! »

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Travaux intérieurs et institutions. Il fallait, à l'intérieur, porter partout ses efforts à la fois, si l'on voulait donner satisfaction aux besoins légitimes, et diminuer par l'activité du travail ou l'organisation de la bienfaisance le malaise populaire, et par l'instruction plus largement répandue combattre l'ignorance, source la plus active de la misère et du crime.

L'assistance n'est pas un

Institutions de bienfaisance. droit pour ceux qui sont dans la nécessité de la réclamer, mais elle est un des plus impérieux devoirs de l'État et des particuliers. De là, l'idée des institutions de bienfaisance que le nouveau règne a tant multipliées. L'orphelinat du Prince-Impérial recueillit les enfants laissés sans soutien naturel et sans fortune. L'ouvrier qui vit de salaire, presque au jour le jour, est menacé souvent d'arriver à la vieillesse sans avoir de ressources pour ses derniers jours. La caisse d'épargne, sous la Restauration, avait mis déjà la prévoyance et l'économie à la portée des petites bourses. La caisse des retraites, fondée en 1849, réorganisée en 1851, prit un essor rapide. Dans la seule année 1863, il y a eu 200 000 versements.

Le décret-loi du 26 mars 1852 organisa sur des bases nouvelles et généralisa l'admirable institution des sociétés de secours mutuels.

Pour que le pauvre fût assuré de trouver justice et que le malade des campagnes reculées ne se crût pas abandonné, l'organisation de l'assistance judiciaire et de la médecine cantonale mit à la portée de l'inexpérience cu de l'incurie de sages conseils ou des remèdes nécessaires.

La loi sur l'assainissement des logements insalubres et les encouragements donnés par l'action personnelle de l'Empereur à la construction de maisons disposées pour les ménages ouvriers permirent d'établir, dans un certain nombre de villes, des demeures plus saines

sans augmentation de prix. Des bains et des lavoirs presque gratuits ont été aussi établis.

Il y a des catastrophes accidentelles ou des malheurs qui paraissent irréparables. Trois établissements fondés à Vincennes, au Vésinet et à Longchêne, près Lyon, pour les ouvriers et ouvrières convalescents qui sortent des hôpitaux, ont donné aux soldats de l'industrie leur hôtel des Invalides. On est allé plus loin : un projet de loi a été voté en 1868 pour organiser en faveur des ouvriers mutilés et de leurs veuves la caisse des Invalides du travail qui assure des pensions viagères et des secours, en combinant la prévoyance et l'assistance. Enfin un décret du 15 avril 1865 a placé les grandes institutions de bienfaisance sous le haut patronage de l'Impératrice. afin de bien montrer qu'elles seraient l'objet de la sollicitude la plus vive de la part du Gouvernement

Impulsion donnée aux travaux publics, encouragements à l'agriculture, aux industries, aux arts. Le développement prodigieux de l'industrie, en agglomérant la population sur certains points, avaient rendu nos villes trop étroites; nos relations entre les différentes parties du territoire semblaient maintenant trop lentes, et l'agriculture n'avait guère profité des progrès que les applications de la science pouvaient lui promettre.

L'empereur Napoléon III, secondé par le Corps législatif, donna aux travaux publics une activité qui, en dix ans, renouvela presque entièrement les plus grandes villes Paris presque tout entier fut rebâti sur un plan nouveau et grandiose par le préfet de la Seine, M. Haussmann; Lyon, Marseille suivirent cet exemple qui décida les municipalités des plus petites villes à faire entrer dans leurs vieux quartiers l'air, la lumière et la santé. A Paris, le Louvre, dont les travaux étaient depuis si longtemps suspendus, fut achevé; des boulevards percés, des quartiers assainis, d'autres créés, des écoles, des mairies, des églises bâties dans chaque arrondissement; au centre, les Halles, ce Louvre du peuple, construites dans un style original; partout des jardins, des promenades plantées d'arbres rares ou de fleurs précieuses et les magnificences des bois de Boulogne et de Vincennes. A Marseille, c'est une montagne qu'on coupe pour créer une ville nouvelle et deux ports qu'on creuse pour y abriter les innombrables navires que le commerce amène à la reine de la Méditerranée.

Les chemins de fer, dont l'exécution avait été jusque-là conduite si lentement, atteignirent en dix ans du centre aux extrémités à Strasbourg, Cherbourg, Besançon, Lorient, Bayonne et Marseille, sans compter le nouveau réseau des lignes secondaires. D'immenses travaux étaient en outre exécutés pour l'achèvement des canaux, des routes, des ports, et la restauration de nos églises.

L'organisation des chambres d'agriculture, l'établissement des comices et de concours agricoles contribua à répandre de meilleures méthodes parmi les agriculteurs et les éleveurs, tandis qu'une Société

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