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Cluny fut fondée pour former les professeurs du nouvel enseignement. L'industrie française obtenait aussi son système particulier d'instruction, comme les professions libérales ont trouvé le leur depuis des siècles dans les études classiques. La création d'un concours général pour la France entière donna à ces deux ordres d'études le stimulant de l'émulation.

Les sciences et les travaux les plus élevés de l'esprit recevaient aussi de précieux encouragements par la fondation de prix considérables dans les cinq sections de l'Institut, par l'impulsion donnée aux sociétés savantes et par les nombreuses missions scientifiques envoyées en Grèce, en Egypte, en Asie Mineure, aux sources du Nil, etc.

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Guerres.

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Napoléon III, avant

Politique extérieure. d'être couronné, avait dit : « L'Empire, c'est la paix; » mais il ne s'était pas engagé à conserver cette paix à tout prix, à abandonner nos vieilles traditions de politique nationale et d'honneur militaire. Un homme dont le seul nom était une protestation contre nos revers de 1815 ne pouvait laisser la nation dans la situation où il l'avait trouvée en 1848, sans influence au dehors. Il s'occupa d'abord de tenir nos soldats en haleine et d'affermir notre domination d'Algérie par la conquête, que le maréchal Randon conduisit habilement, de la Kabylie et du Sahara algérien. Lorsque des complications politiques, qu'il n'avait pas cherchées, l'obligèrent à tirer l'épée, l'armée se trouva prête à reprendre le chemin de sa vieille gloire. Guerre de Crimée. Traité de Paris (1854-56). - Depuis les traités de 1815, la Russie exerçait sur l'Europe une prépon

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dérance menaçante. Le czar Nicolas était devenu la personnification d'un système redoutable de compression et de conquête. Il n'avait jamais pardonné à la royauté de Juillet d'être sortie d'une émeute; en Allemagne, il avait appuyé les souverains dans leur résistance aux vœux des peuples. Il avait tout fait pour dénationaliser la Pologne, dont les traités de 1815 lui avaient reconnu la possession, à la condition qu'il lui assurerait un gouvernement constitutionnel. Un instant étonné par la révolution de 1848, le czar avait bientôt

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repris son ambition. Après avoir sauvé l'Autriche en écrasant les Hongrois révoltés contre elle, il avait pensé que la présence d'un Napoléon sur le trône de France lui garantissait l'alliance de l'Angleterre, et il avait cru le moment venu de saisir l'éternel objet de la convoitise moscovite : Constantinople. En toute occasion, il affectait un protectorat hautain sur les sujets chrétiens de l'empire turc; il finit par essayer de s'entendre sous main avec l'Angleterre pour le partage de l'homme malade (le Sultan). En 1853, il fit occuper les

Principautées danubiennes et arma à Sébastopol une flotte qui semblait formidable. L'empereur Napoléon donna le premier signal de la résistance en envoyant hardiment la flotte française de la Méditerranée à Salamine pour la tenir à portée de Constantinople et de la mer Noire.

Il entraîna l'Angleterre, d'abord hésitante, dans son alliance, et s'assura la neutralité de l'Autriche et de la Prusse. L'attaque peu loyale et la destruction par les Russes d'une flottille turque à Sinope commencèrent les hostilités. La flotte anglo-française entra dans la mer Noire, tandis qu'une armée expédiée des ports de la GrandeBretagne et des nôtres se rassembla sous les murs de Constantinople. Le 14 septembre 1854, l'armée des alliés, forte de 70 000 hommes, débarqua sur les côtes de la Crimée, et la victoire de l'Alma, gagnée par le maréchal de Saint-Arnaud, lui permit de commencer le siége de Sébastopol, forteresse formidable, qu'il fallait anéantir pour mettre Constantinople à l'abri d'un coup de main. Ce siége, le plus long qu'on ait vu dans les annales de l'histoire moderne, dura près d'un an. Les généraux Canrobert et Pélissier y commandèrent successivement nos troupes. De continuels combats, deux victoires, celles d'Inkerman et de Traktir, méritèrent à nos soldats moins de gloire que leur indomptable courage contre un climat terrible et un ennemi qui se renouvelait sans cesse. Enfin, le 8 septembre 1855, après des miracles de constance, la furie française et la solidité anglaise eurent leur récompense: la tour Malakoff fut emportée et la ville prise. Quelques mois auparavant, l'empereur Nicolas était mort, en prévoyant la ruine de ses vastes dessins.

La flotte anglo-française dans la Baltique avait détruit Bomarsund, le boulevard avancé de la Russie contre la Suède, et dans la mer Noire, nos canonnières cuirassées, servant pour la première fois, avaient obligé la forteresse de Kinburn à se rendre, ce qui nous ouvrait la Russie méridionale; une escadre alliée avait même pris Pétropaulosk, sur l'océan Pacifique. Enfin, la diplomatie française avait fait entrer dans la ligue contre la Russie le roi de Suède et le roi de Sardaigne; elle allait entraîner peut-être l'empereur d'Autriche. Le czar Alexandre II, successeur de Nicolas, demanda la paix; elle fut conclue à Paris, sous les yeux du souverain dont le pays avait eu ia part la plus glorieuse et la plus décisive à la guerre. Cette paix (30 mars 1856) neutralisait la mer Noire, interdisait par conséquent à la Russie d'y avoir une flotte de guerre, lui enlevait une province, la Bessarabie, et rendait libre jusqu'à ses embouchures la navigation du Danube; elle proclamait dans le sens de la liberté les droits des neutres pendant la guerre maritime. Ainsi la Russie reculait, le droit des gens faisait un pas, la France recouvrait la plénitude de son action internationale et toute l'influence morale qu'elle a le droit d'exercer dans les affaires de l'Europe. Les visites de la reine d'Angleterre, du roi de Portugal, du roi de Sardaigne Victor-Emmanuel, d'autres souverains encore à

l'empereur Napoléon III, furent un éclatant témoignage de cette grandeur retrouvée par la France avec son glorieux chef.

Guerre d'Italie, paix de Villafranca et traité de Zurich (1858-1859). Après la Russie, c'était l'Autriche qui avait été le plus en opposition avec les idées modernes; comme la première pesait sur la Turquie, la seconde pesait sur l'Italie. L'Autriche avait joué pendant la guerre de Crimée un rôle équivoque, tandis que le royaume de Sardaigne, seul État indépendant et constitutionnel en Italie, n'avait pas craint de joindre sa jeune armée aux troupes anglo-françaises. Cette circonstance avait fait de la France la protectrice naturelle du Piémont, et par conséquent de l'Italie, dont ce petit royaume était comme la dernière citadelle. Le mariage du prince Napoléon, cousin de l'Empereur, avec la princesse Clotilde, fille du roi Victor-Emmanuel, les rapprocha encore. Aussi, lorsque l'empereur d'Autriche, François-Joseph, en dépit des efforts de la diplomatie européenne, passa le Tessin, comme l'empereur Nicolas avait passé le Pruth, la France se trouva encore en face de ce nouvel agresseur et aux côtés de l'opprimé.

L'empereur Napoléon reprenait par cette guerre la politique séculaire de la France, qui consiste à ne point souffrir la prépotence de l'Autriche ou de l'Allemagne en Italie, c'est-à-dire sur notre frontière du sud-est. S'il avait, comme président de la République, contribué au retour du pape dans la ville de Rome, ce n'était pas pour perpétuer dans la Péninsule l'oppression autrichienne et la servitude générale. L'apparition de l'empereur Napoléon III en personne, à la tête d'une armée française, divisée en cinq corps, commandée par ses meilleurs généraux, sur cette terre consacrée par de si glorieux souvenirs, annonça comme une nouvelle ère dans la politique européenne. L'Italie voyant venir le moment de revendiquer son indépendance, se leva derrière l'Empereur. L'Europe attentive et émue, l'Angleterre bienveillante, la Russie et la Prusse étonnées, observèrent. L'Autriche et la France restaient seules en présence. La guerre dura à peine deux mois.

Après la brillante affaire de Montebello, qui déjoua une surprise tentée par les Autrichiens, l'Empereur concentra l'armée francopiémontaise autour d'Alexandrie; puis, par un mouvement hardi et habile, il tourna la droite des Autrichiens, qui avaient déjà franchi le Tessin, les obligea à repasser cette rivière, les prit entre le corps d'armée du général Mac-Mahon et la garde à Magenta, leur tua 7000 hommes, fit 8000 prisonniers (4 juin), et, deux jours après, entra à Milan.

L'ennemi, étonné de ce choc si rude, nous abandonna sa première ligne de défense, où il avait cependant accumulé de longue main de puissants moyens d'action et de résistanc. Il se retira sur l'Adda, après avoir vainement tenu un moment au lieu déjà fameux de Marignan et sur le Mincio, en arrière des plaines illustres de Castiglione, entre les deux forteresses de Peschiera et de Mantoue, puis

il s'adossa comme à un point d'appui inexpugnable à la grande place de Vérone. L'empereur d'Autriche, avec un nouveau généra! et des renforts considérables, était venu y attendre l'armée française. Les Autrichiens avaient depuis vingt ans étudié ce champ les hauteurs, de bataille; ils étaient 160 000 échelonnés sur appuyés au village et à la tour de Solférino, et pouvant nous déborder dans la plaine. Napoléon III avait à peine 140 000 hommes sous la main et était obligé de combattre sur une ligne de cinq lieues d'étendue. Tandis que son aile droite lutte contre l'ennemi dans la plaine pour n'être point débordée, et que le roi Victor-Emmanuel l'appuie à gauche, il dirige l'attaque au centre, et, malgré une pluie de projectiles qui atteignent les cent-gardes autour de lui, emporte successivement le mont Fenile, le mont des Cyprès et enfin le village de Solférino. Le centre de l'ennemi est enfoncé; ses réserves sont atteintes, avant d'avoir pu s'engager, par les boulets de nos nouveaux canons rayés. Tout fuit dans un affreux pêle-mêle; mais un orage épouvantable, accompagné de grêle et d'une pluie torrentielle, arrête les vainqueurs et permet aux Autrichiens de repasser le Mincio; ils laissaient 25 000 hommes hors de combat. L'empereur Napoléon prenait, le soir, son quartier général dans la chambre même qu'avait occupée le matin François-Joseph (24 juin).

Deux fois vainqueur, l'Empereur offrit subitement la paix à son ennemi. L'Italie était délivrée, quoiqu'ure portion du territoire italien, la Vénétie, restât encore aux mains de l'Autriche. L'Europe, étourdie de ces rapides victoires, laissait voir que sa jalousie se réveillait. L'Empereur crut avoir assez fait pour l'Italie en rejetant derrière le Mincio l'Autriche établie naguère au bord du Tessin, et il signa avec François-Joseph, à Villafraca, une paix dont les conditions praticables furent confirmées à la fin de l'année par le traité de Zurich. Par cette paix, l'Autriche abandonnait la Lombardie, dont la France agrandissait le Piémont pour se faire un allié fidèle au delà des Alpes. Le Mincio devenait la limite de l'Autriche dans la Péninsule, dont les divers Etats devaient former une grande confédération sous la présidence du pape. Mais tous les intéressés rejetèrent ce plan, et le mouvement révolutionnaire continua. L'Empereur se borna empêcher l'Autriche d'intervenir. Alors on vit successivement s'écrouler ces gouvernements de Parme, de Modène, des Légations romaines, de Toscane et de Naples, qui, depuis 1814, n'avaient été que des lieutenances de l'Autriche, et l'Italie n'allait plus former qu'un seul royaume, moins Venise et Rome, lorsque l'Empereur crut devoir prendre une précaution nécessaire pour notre sécurité : il réclama le prix de l'assistance qu'il avait donnée, et se fit céder, par le traité de Turin, 24 mars 1860, la Savoie et le comté de Nice, qui augmentèrent la France de trois départements, et portèrent notre frontière méridionale sur la crête des Alpes. Pour la première fois depuis 1815 la France franchissait, non

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