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elle se résigna à sortir avec les honneurs de la guerre. L'ambassadeur, duc de Féria, passant avec elle sous les fenêtres du palais, ne fit au roi qu'un maigre salut. « Messieurs, dit Henri avec son ironie habituelle, recommandez-moi à votre maître, mais n'y revenez plus! » Ils n'y étaient que trop venus! Un ligueur, Villeroy, en fait l'aveu. « Nous n'avons soutenu la guerre depuis le commencement que des deniers du roi d'Espagne et avec ses forces. »

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Soumission des ligueurs. Le roi avait la capitale. où le parlement épuré et restauré abolit les arrêts rendus contre lui, où la Sorbonne reconstituée le reconnut pour vrai et légitime roi, mais il n'avait pas toute la France; les Espagnols y étaient encore, et les chefs ligueurs comptaient ne sortir de cette longue tourmente que les mains bien garnies.

Henri marcha d'abord contre les Espagnols et les Lorrains, fortement établis dans quelques places de la frontière du nord, surtout à Laon. Un de ses partisans les plus dévoués, dont le rôle grandissait chaque jour, Maximilien de Béthune, baron de Rosny, plus tard duc de Sully, fut chargé des traités et eut ordre « de n'y point user de façons ni remises; » Henri voulant à tout prix marier son royaume à la paix. » La présence seule du roi fit déclarer Abbeville malgré d'Aumale, Troyes et Sens malgré les Lorrains. Biron, le fils du maréchal récemment mort à Épernay, aussi brave et habile que son père, commença avec 8000 hommes les tranchées autour de Laon, tint tête à une armée de secours arrivée des Pays-Bas, et emporta la ville dont la reddition décida celle d'Amiens, de Beauvais, de Château-Thierry et de Cambrai.

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Le siége en règle fait par les promesses et l'argent de Sully à la Ligue eut des résultats encore plus prompts. Villars-Brancas livra Rouen et la Normandie pour la charge d'amiral et 60 000 livres de pension. Le fils du Balafré, Guise, céda ses places en Champagne pour 24 000 livres de pension et le gouvernement de la Provence (nov. 1594); le duc de Lorraine fit sa paix pour 900 000 écus et le gouvernement de Toul et de Verdun. On félicitait un jour Henri IV de ce que ses loyaux sujets lui avaient rendu son royaume : « dites vendu,» s'écria-t-il. Sully estime qu'il lui en coûta 32 millions qui en vaudraient quatre fois autant aujourd'hui. Pour mieux finir la guerre civile, Henri commença une guerre nationale contre l'étranger.

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çaise (1595). L'Espagne seule perpétuait des derniers ligueurs, et retardait l'absolution manquait encore à Henri IV. Peut-être même i ́étrangère à une tentative d'assassinat faite cont jeune homme, Jean Châtel, lui porta un coup de gorge. Henri, en se baissant pour embrasser évita le coup et ne fut frappé qu'à la lèvre. Chât dié chez les jésuites, et était en relations av d'entre eux. Ces pères s'étaient montrés dans plus ardents fauteurs des prétentions espagnole fut exécuté après Châtel '; un arrêt du parleme autres du royaume le 8 janvier 1595, « comme p du repos public et corrupteurs de la jeunesse. même mois, Henri déclara solennellement la gu lippe II.

Celui-ci ordonna au gouverneur du Milanais de passer dans la Franche-Comté, et à Fuentè neur des Pays Bas, de se jeter en Picardie. He rut au-devant du premier et renouvela en Bou héroïques témérités. Le 4 juin, il fut surpris ave chal de Biron près de Fontaine-Française par l'ar mie; il n'avait qu'une poignée de braves autour sonne. ‹ Faites, messieurs, leur dit-il, comme vo voir faire, et, en risquant dix fois sa vie, il arr des Espagnols; ses troupes eurent le temps de le Pendant qu'il était sur la Saône, le comte de Fue vait sur la Somme, entrait dans Ham, dans le Cat Doullens, où il saccagea tout, et faisant tomber Can la crainte d'un sort semblable.

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L'absolu

Absolution du roi (sept. 1595). puis longtemps demandée au pape par Henri IV, heureusement ces revers. Philippe II menaça en vai ment VII, dit un cardinal, a perdu l'Angleterre pa vivacité; que Clément VIII ne perde pas la France de lenteur. Les deux ambassadeurs du roi, Dup

1. Il avait approuvé, dans des écrits qu'on saisit au collège de le meurtre de Henri III, et y soutenait une doctrine qu'on retr l'interrogatoire de Châtel. Ce jeune homme, souillé de vices, av disait-il, racheter son âme en tuant le roi, chose permise, puisqu pas approuvé du pape. » Un vicaire de Saint-Nicolas des Champs fu pour des propos pareils : c'était le vieux levain de la Ligue qui f

d'Ossat, ayant abjuré l'hérésie au nom de Henri, et promis la publication des décrets du Concile de Trente, excepté ceux qui pourraient exciter quelques troubles, le grand pénitencier toucha de sa baguette la tête des ambassadeurs agenouillés, et le pape prononça la formule d'absolution au milieu des acclamations du peuple. Le roi, du reste, remplissait partout et minutieusement les devoirs d'un bon catholique. A la messe, il édifiait les fidèles; au plus long sermon, il ne montrait pas d'ennui, et le jour de Pàques il touchait les écrouelles. On n'eût pu trouver un prince plus orthodoxe '.

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Soumission de Mayenne, de d'Épernon et de Joyeuse (1596). C'était l'événement qu'attendait Mayenne pour faire sa soumission. Il rendit ses dernières places et reçut en échange le gouvernement de la Bourgogne, trois villes de sûreté et 335 000 écus. La première entrevue des deux anciens ennemis eut lieu au château de Monceaux, dans la Brie. Henri embrassa Mayenne, le prit par le bras, et le fit promener à grands pas par les jardins. Mayenne, très-gros, très-pesant, suait et soufflait, était rendu. Henri s'arrêta enfin, et lui tendant la main : « Touchez là, mon cousin, voilà le seul mal que vous recevrez jamais de moi. » Ce fut, en effet, la seule vengeance qu'il tira du chef de la Ligue. Mayenne, au reste, le servit depuis ce jour avec fidélité, et sauva peut-être devant Amiens l'armée royale, surprise par ses anciens amis, les Espagnols. Son neveu, le duc de Guise, fit mieux encore: il reconquit la Provence et Marseille sur le duc de Savoie, les troupes de Philippe II et des traîtres. Le premier de ces traitres, d'Épernon, trouva pourtant moyen de faire un bon accommodement. Il stipula, avant de poser les armes, qu'on lui assurerait les gouvernements d'Angoumois et de Saintonge, de Limousin et de Périgord. Joyeuse se fit de même donner le Languedoc. Le roi ne refusait rien, bien sûr de tout reprendre un jour, quand il aurait remis un peu d'ordre dans le chaos que la Ligue lui avait légué.

Assemblée des notables à Rouen (1596). Il fallait pourtant se procurer des ressources. Henri, pour les trouver,

1. Voy. le récit de la semaine sainte, passée par Henri IV en 1598 à Angers dans le Journal de Louvet, forcené ligueur qui n'était devenu royaliste que depuis l'absolution donnée par le pape. Mourin (La Ligue en Anjou, P. 313).

convoqua à Rouen une assemblée de notables, et leur parla avec cette bonhomie brusque qui cachait tant de finesse et qui lui gagnait les cœurs : « Si je voulois acquérir le titre d'orateur, j'aurois appris quelque belle et longue harangue, et vous la prononcerois avec assez de gravité. Mais, messieurs, mon désir me pousse à de plus glorieux titres, qui sont de m'appeler libérateur et restaurateur de cet Estat. Pour à quoi parvenir je vous ai assemblés. Vous savez à vos dépens, comme moi aux miens, que lorsque Dieu m'a appelé à cette couronne, j'ai trouvé la France, non-seulement quasi ruinée, mais presque toute perdue pour les François. Par la grâce de Dieu, par les prières et les bons conseils de mes serviteurs qui ne font profession des armes, par l'épée de ma brave et généreuse noblesse (de laquelle je ne distingue pas les princes, pour être nostre plus beau titre, foi de gentilhomme !), par mes peines et labeurs, je l'ai sauvée de la perte; sauvons-la à cette heure de la ruine. Participez, mes chers sujets, à cette seconde gloire avec moi, comme vous avez fait à la première. Je ne vous ai point appelés, comme faisoient mes prédécesseurs, pour vous faire approuver mes volontés. Je vous ai assemblés pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre; bref, pour me mettre en tutelle, entre vos mains, envie qui ne prend guère aux rois, aux barbes grises, aux victorieux. Mais la violente amour que je porte à mes sujets et l'extrême envie que j'ai d'ajouter ces deux beaux titres à celui de roi, me font trouver tout aisé et honorable. >>

Henri n'avait nul désir d'être pris au mot. Gabrielle lui marquant son étonnement qu'il parlât de se mettre en tutelle: « Il est vrai, répondit-il, mais ventre saint-gris! je l'entends avec mon épée au côté. » 11 portait aussi haut qu'aucun des rois, ses contemporains, l'idée de son pouvoir; ce prince, si débonnaire à Rouen, répondait un jour aux remontrances du parlement par ces paroles qui ne sentaient plus le Béarnais : « Ma volonté devroit servir de raison. On ne la demande jamais au prince dans un État obéissant. Je suis roi je vous parle en roi; je veux être obéi1. » Et il le fut. Sous les ruines amoncelées par tant de guerres, Henri IV retrouva et reprit sans effort nouveau l'autorité absolue de

1. Les Mémoires de d'Aubigné et les Historiettes de Tallemant ont tué le Henri IV débonnaire et paterne de 1814.

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