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qu'on avoit d'en douter. En effet, fi cet Apôtre n'a pas mis fon nom & fa qualité à la tête de cette Epître, comme il a fait dans toutes les autres, ç'a été, ou parce que les Juifs mêmes qui avoient embraffé la foi, & aufquels elle s'adrefsoit, avoient toûjours quelque éloignement de fa perfonne, ou parce qu'il n'étoit pas fi proprement leur Apôtre, que celui des Gentils. Peut-être auffi qu'il la regardoit moins comme une lettre, que comme un livre, puifqu'il fait excufe de fa breveté elle eft en effet courte pour un livre, mais longue pour une lettre.

;car

A l'égard du ftile, la conformité avec celui des Actes, fait croire qu'il eft de faint Luc. Mais le fond de la doctrine,la fublimité des penfées, & la force des raisonnemens font tellement propres à faint Paul, qu'on a toûjours reconnu qu'il en eft l'unique auteur, & que faint Luc lui a feulement prêté sa main & fes paroles, pour exprimer en Grec, ce que l'Apôtre lui dictoit en Hebreu, qui étoit la langue naturelle.

Pour ce qui eft des motifs qui porterent faint Paul à écrire cette Lettre, il ne les faut point chercher ailleurs que dans fon zele pour le falut des ames, & fa tendreffe pour ceux de fa nation.

Les Juifs de la Palestine, qui avoient eu part à la vocation celefte, & à la grace de l'Evangile,

aprés avoir été éclairés de la lumie- · Hebrens 10. 32, re de la foi, foûtinrent avec un courage admirable le grand combat des fouffrances, aufquelles ils furent expofés; ils virent avec joie leurs biens pillés, fachant qu'ils avoient au-dedans d'eux d'autres biens plus excellens que la grace de Dieu y avoit mis, & que perfonne ne leur pouvoit ravir. Mais cette nouvelle ferveur fe ralentit bien-tôt; & plufieurs de ces nouveaux Chrétiens fatigués par la longueur & par la violence de la perfecution, fe retirerent de l'aflemblée des fideles, pour retourner à la fynagogue. Ils furent d'autant plus difpofés à ce changement, que leur cœur toûjours préoccupé en faveur de la loi, leur perfuadoit qu'ils trouve

roient chez elle tout ce qui étoit neceffaire pour leur justification; & les maux qu'ils fouffroient pour l'Evangile, groffiffant encore les hautes idées qu'ils s'étoient formées de leur loi; il y avoit lieu de craindre qu'ils n'abandonnaffent Tous la foi qu'ils avoient foûtenue avec tant de courage.

L'Apôtre qui aprit que ce malheur étoit déjà arrivé à quelquesuns, en fut vivement touché; & craignant que les autres ne fuiviffent ce mauvais exemple, il refolut de travailler à les retenir dans l'Eglife, & à les attacher plus fortement à Jefus-Christ. Pour cela il leur écrivit cette Lettre, dans la quelle il s'aplique particulierement à leur montrer, que ce feroit en vain qu'ils iroient chercher dans la loi la vraie juftice qu'elle ne pouvoit donner, & qu'il ne falloit attendre que de Jefus-Chrift, qui nous la communique par la grace & par fon Efprit. Il avoit déjà prouvé cette verité dans l'Epître aux Romains, & dans celle aux Galates, en faisant voir dans la premie

re, que les œuvres de la loi fans la grace étoient entierement inutiles pour le falut, & dans la feconde, que les ceremonies de la loi étoient d'elles-mêmes fans force & fans vertu pour la vraie juftice. Il le prouve encore plus fortement dans celle-ci, en montrant l'impuiffance des facrifices de laloi, la foibleffe de fon facerdoce, & l'infuffifance de ses victimes; & ainfi il acheve de ruiner tous les apuis que les Juifs pouvoient trouver dans leur loi; & il les force en quelque mas niere de demeurer fermes dans lá

profeffion qu'ils avoient faite, de croire en Jefus-Chrift, & de fuivre les maximes de fon Evangile; il leur reprefente les châtimens terribles préparés à ceux qui mépri feroient cette doctrine, qui aporté le veritable falut, & qui renon+ çant à Jefus-Chrift, renonceroient a la Victime fainte & à l'Hoftie fans tache, qui feule peut effacer les pechés des hommes & les reconcilier avec Dieu. Il les exhorte donc à demeurer fermes dans

la foi pour le falut de leurs ames qu'ils ne peuvent operer fans cette vertu; il leur montre qu'elle a fait tout le merite des Saints de tous les tems, il les conjure de fe rendre leurs imitateurs, & fur tout d'envifager les fouffrances de Jefus Christ, & la gloire dont elles ont été fuivies; afin que cette double vûe leur infpirant un nouveau courage & une nouvelle force, ils courent par la patience dans la carriere des fouffrances qui leur eft ouverte, étant perfuadés que Dieu les traite en cela comme fes enfans, & qu'il ne les châtie qu'autant qu'il fait que cela leur eft utile pour les rendre participans de fa fainteté. Il joint à ces confolations de faints avis pour la conduite des He breux; & il finit en leur faifant efperer de les aller voir bien-tôt.

Cette Lettre a été écrite de Rome environ l'an 63. de JefusChrist, trente ans aprés fa passion.

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