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Chambre comprenait deux parties, dont la première estdevenue inutile après la demande en autorisation de poursuites; la seconde a pour objet la mise en liberté provisoire de nos collègues incarcérés. (Interruptions à gauche.)

En effet, d'après la loi constitutionnelle, la Chambre devant se prononcer sur la demande en autorisation de poursuites, aucun acte de poursuites ne peut être fait avant cette décision. (Nouvelles interruptions à gauche.) C'est le droit commun, c'est notre liberté à tous que je défends ici. (Exclamations à gauche. - Bruit.)

J'entends absolument réserver mon appréciation sur les actes imputés à nos collègues, jusqu'à ce que j'aie connaissance des documents qui nous seront fournis. Alors la Chambre sera en état de se prononcer. Toute la question est la suivante :

Pensez-vous qu'il est convenable, dans ces conditions spéciales, de prononcer la mise en liberté provisoire, tout en laissant la procédure suivre son cours? La Commission, d'ailleurs, statuera dans un délai très court. Il ne peut y avoir aucun inconvénient à attendre ses conclusions et la décision de la Chambre. J'ajoute que ce droit a été reconnu par les Assemblées de 1889 et 1892. Je ne préjuge rien. Quelle que soit la bataille où se trouvent engagés quelques-uns de nos amis, ils sont mus par un sentiment supérieur, leur amour pour la République. (Vives exclamations à gauche.)

M. DELON-SOUBEIRAN.

République !

M. LAGASSE.

Vous voulez l'assassiner, la

Le parti nationaliste s'est suicidé hier. M. CASTELIN. J'ajoute que, si j'avais pensé comme mes collègues, je ne serais pas ici, je serais à leurs côtés. J'ai l'habitude d'accepter la responsabilité de tous mes actes et d'aller jusqu'au bout de mes convictions. (Interruptions.) Si nos collègues ont été entraînés par leur passion, ils s'expliqueront et vous verrez s'ils sont aussi coupables qu'on veut bien le dire. (Interruptions et bruit.)

En attendant, pouvez-vous et voulez-vous, tout en réservant le fond du débat, décider que nos deux collègues seront mis en liberté provisoire?

Toute la question est là; nous nous expliquerons plus longuement lors de la discussion sur le fond.

M. CHARLES DUPUY, président du conseil, ministre de l'intérieur. La question posée par la lettre du procureur général est de celles qu'il convient de résoudre dans le plus bref délai. (Très bien! très bien !) Je demande donc à la Chambre de se réunir immédiatement dans ses bureaux pour nommer une commission. (Très bien! très bien!) M. le garde des sceaux et moi, nous nous tiendrons à la disposition de cette commission et nous lui demanderons de déposer son rapport aussitôt que possible, dans la séance d'aujourd'hui.

M. LASIES. C'est une simple question de loyauté qui m'amène ici. Hier, j'étais pour mon compte personnel aux côtés de M. Déroulède et de M. Marcel Habert; j'étais parti avec eux dès le début de la manifestation, et je me suis arrêté devant les portes de la caserne, qui se sont refermées devant moi. Je prends la responsabilité de mes actes jusqu'à ce moment, et si des poursuites sont ordonnées contre mes collègues, je demande à la Chambre de m'y comprendre. (Mouvements divers.)

La Chambre, consultée, décide qu'elle se réunira dans ses bureaux.

La séance est suspendue à trois heures moins dix minutes. Elle est reprise à six heures moins un quart.

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3. Reprise de la séance. - Lecture du rapport de la Commission. « Le peuple de Paris, admirable dans son attitude de deuil, a donné un nouvel exemple de fidélité aux lois. » Castelin. « Déroulède veut être poursuivi. » Millevoye. Intervention de Julien Goujon.

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Discours de
Discours de

« La Chambre

a le droit d'autoriser des poursuites, non de statuer sur la mise en liberté provisoire qui est du ressort du juge d'instruction. >> - Echec de la proposition Castelin.

M. MARC SAUZET, rapporteur, donne lecture du rap

port de la commission chargée d'examiner la demande en autorisation de poursuites.

La commission conclut, à l'unanimité: 1° à la suspension de l'immunité parlementaire en ce qui concerne MM. Déroulède et Marcel Habert; 2o au refus de suspendre la détention ou les poursuites.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. Castelin.

M. CASTELIN. La question qui se pose devant la Chambre est double. Il y a d'abord la question de l'autorisation des poursuites, et ensuite celle de la mise en liberté provisoire des prévenus.

Pour l'autorisation des poursuites, je crois savoir que M. Déroulède lui-même demande ces poursuites. (Rires à gauche et à l'extrême gauche.) Dans ces conditions, je n'ai pas à m'opposer à la première partie des conclusions de la commission renvoyant MM. Déroulède et Marcel Habert devant la juridiction qu'il plaira de déterminer.

Nous discuterons ensuite la question de la mise en liberté provisoire.

M. LUCIEN MILLEVOYE. Il n'est pas dans le caractère de nos deux honorables collègues de se dérober devant les responsabilités; ce n'est surtout pas dans le caractère du grand patriote Déroulède. (Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Ils acceptent d'avance les décisions de la justice. (Ah! ah!)

Mais il est permis en ce moment de demander au Gouvernement, alors qu'on poursuit deux des meilleurs citoyens, comment ceux qui sont les pires ont joui pendant plus d'un an d'une impunité scandaleuse. (Bruit à gauche et à l'extrême gauche.); comment on ne poursuit pas ceux qui, pendant plus d'un an, ont conspiré avec l'étranger.

Voix à gauche et à l'extrême gauche. Les noms? les preuves?

On peut se demander

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ce

M. LUCIEN MILLEVOYE. reproche ne s'adresse pas au Gouvernement actuel, mais à celui qui l'a précédé - pourquoi on n'a pas

donné suite aux rapports des préfets qui signalaient que des sommes d'argent avaient passé la frontière; pourquoi on a mis les témoignages de Schwartzkoppen et de Panizzardi au-dessus des témoignages des officiers français. (Nouveau bruit à gauche et à l'extrême gauche.)

Si vous avez voulu avoir ce débat, vous l'aurez. (Bruit.)

M. JULIEN GOUJON (Seine-Inférieure). -Je regrette que dans ses conclusions M. le rapporteur ait joint deux questions distinctes d'abord celle de l'autorisation de poursuite; puis la proposition de M. Castelin relative à la mise en liberté provisoire des prévenus. Je crois qu'il faut diviser la proposition du rapporteur.

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M. LE RAPPORTEUR. Les propositions de la commission sont conformes au vœu que vous exprimez. La commission propose d'abord de suspendre l'immunité parlementaire, el ensuite de maintenir l'arrestation provisoire.

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M. JULIEN GOUJON (Seine-Inférieure). Permettezmoi de justifier ma proposition. (Bruit. — Aux voix!) Nous n'avons, dit M. le rapporteur, qu'à voter en ce moment sur la suspension de l'immunité parlementaire. Mais, quand nous aurons décidé de laisser MM. Déroulède et Marcel Habert entre les mains du juge d'instruction, il ne nous appartiendra plus de nous prononcer sur leur mise en liberté provisoire. (Interruptions à gauche.)

En fait, il serait dangereux pour la Chambre de procéder de la sorte. Il est déjà regrettable pour nous de faire sortir de cette enceinte deux de nos collègues, et je trouve que nous n'avons pas le droit de les juger dans un sens ou dans l'autre, en votant sur leur mise en liberté provisoire. (Interruptions à gauche.)

M. MILLERAND.

La Chambre ne demande pas au juge d'instruction la mise en liberté de nos collègues ; elle exerce le droit constitutionnel inscrit dans l'ar

ticle 14. paragraphe 2. Elle est amenée à statuer sur la suppression de l'immunité parlementaire et elle ne peut pas se soustraire à l'obligation de se prononcer sur la proposition qui lui est faite par un de nos collègues. (Très bien ! trẻs bien! à gauche.)

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M. JULIEN GOUJON. Il est question d'appliquer l'article 25 de la loi de 1881 sur la presse, modifiée par la loi de 1893. Or cette dernière loi autorise la détention préventive dans ce cas. Mais c'est le juge d'instruction seul qui peut rendre une ordonnance sur la liberté provisoire. (Interruptions à gauche.)

Plusieurs membres à gauche. - Et la proposition de M. Castelin?

M. JULIEN GOUJON. Je crois que M. Castelin a tort de maintenir sa proposition, car le vote de la Chambre à ce sujet serait certainement mal interprété au dehors. On croira que nous avons estimé, en maintenant leur incarcération, que nos collègues étaient coupables. (Interruptions à gauche.)

M. LE RAPPORTEUR.

Nous pouvons donner satisfaction à tout le monde et mettre la Chambre en situation de se prononcer avec une parfaite clarté. (Très bien ! très bien!)

La Chambre peut se prononcer d'abord, par voie de résolution, sur la suspension de l'immunité parlementaire, et en second lieu sur la proposition de M. Castelin. La commission ne fait aucune difficulté de donner cette satisfaction à M. Goujon. (Très bien! très bien!). La première partie de la proposition de la commission sur la suspension de l'immunité parlementaire est adoptée.

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M. LE PRÉSIDENT. Je vais mettre aux voix la proposition de M. Castelin : « La Chambre requiert, conformément à la loi constitutionnelle, la mise en liberté de M. Déroulède et de M. Marcel Habert. >>

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M. CASTELIN. Il s'agit, pour la Chambre, de l'exercice d'un droit inscrit dans le paragraphe 2 de l'article 14 de la loi constitutionnelle, en vertu duquel elle

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