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mencé son rapport dans un sens nettement antirevisionniste le traître actuellement président d'un conseil de traîtres a fini, à force d'obsessions et même de menaces, par obtenir que le rapporteur modifiât du tout au tout ses conclusions, maintenant complètement favorables à la revision et peut-être à l'annulation pure et simple du procès du chenapan.

Et savez-vous comment le ministre s'y est pris pour convaincre le conseiller? Il lui a affirmé, le misérable, que la reconnaissance de la non culpabilité de Dreyfus était une « question nationale » ; que si la revision était repoussée, l'empereur d'Allemagne en personne entrerait en scène, circonvenu qu'il était par tout son étatmajor qui, en échange des services rendus par le traître, lui avait promis de l'arracher à son île.

Oui, voilà l'argument encore plus absurde qu'ignominieux dont se sert Dupuy auprès de la Cour suprême. Il promène tous les jours devant elle le spectre d'une nouvelle guerre dont il n'hésiterait pas à la rendre responsable! Chantage idiot, le jeune Guillaume étant infiniment trop avisé pour aller bénévolement se couvrir de ridicule aux yeux de l'Europe en nous cherchant querelle à propos d'un crapuleux espion, dont mieux que personne il connaît l'infamie, puisqu'il la payait de ses deniers.

Ceux qu'on n'a pu encore acheter, on les effraye par la perspective d'un conflit européen, et les magistrats, troublés par cet appel à la peur, vont tomber dans le piège que l'imposteur Dupuy leur a tendu, de complicité avec le Delcassé dont le front et les joues ont cessé de rougir.

La déposition que l'employé Paléologue a dirigée, par ordre, contre M. de Freycinet a été concertée, du premier au dernier mot, entre le ministre des affaires étrangères et celui de l'intérieur, dont le but était de se débarrasser du sixième ministre de la guerre qui refusât de croire à l'innocence du youpin de l'île du Diable.

2. Est-ce d'un assez triste Escobar?

Ce complot ministériel greffé sur la conspiration dreyfusarde éclatait si évidemment à tous les yeux que, malgré sa confiance dans l'abjection des panamistes de sa majorité, le cynique mais jésuitard Dupuy a de nouveau essayé de donner le change sur sa mauvaise foi. Comme le courageux député Lasies lui rappelait qu'il avait, au nom du gouvernement, affirmé qu'il n'existait aucun dissentiment entre M. de Freycinet et M. Delcassé, ce ministre de toutes les restrictions mentales a répondu piteusement:

« J'ai dit qu'il n'y avait pas de dissentiment... qui pût expliquer le départ de M. de Freycinet. »

Est-ce d'un assez triste Escobar? Et comme Lasies, au sujet de la peine qui frappe le commandant Cuignet, demandait en quoi cet officier était plus coupable d'indiscrétion que le Figaro, Dupuy s'est gardé de la moindre riposte sans quoi, il eût été obligé d'avouer que les documents publiés par le Figaro lui ayant été remis par le ministère lui-même, il se verrait contraint de prononcer sa propre mise en disponibilité et celle de ses collègues par retrait d'emploi.

Il trouve très légal qu'un journal dreyfusard serve à ses lecteurs le dossier de l'enquête, en attendant qu'il ajoute à cette publication celle du dossier secret, que Dupuy lui a vraisemblablement déjà fourni! Soit! Nous trouvons très bien aussi que le commandant Cuignet ait, par la publication de la correspondance échangée entre M. de Freycinet et le félon Delcassé, soulevé un coin du voile qui recouvre les hontes et les turpitudes dont la bande des valets de Rothschild et de Guillaume nous abreuve depuis si longtemps.

Le commandant Cuignet a agi en loyal Français, et nous ne saurions trop souhaiter que d'autres l'imitent. A cette heure, il n'y a plus rien à ménager. J'ignore comment l'armée, décimée depuis deux ans au profit des fauteurs de trahison, prendra ce dernier crachat que Dupuy lui envoie à la figure; mais, puisque le succes

seur de M. de Freycinet ne la défend pas plus qu'il ne défend celui qui l'a précédé à la Guerre, je sais bien que, du grade de sous-lieutenant à celui de général, le droit de tous les officiers français serait de démissionner en masse devant une série de provocations auxquelles il leur est interdit de répondre.

Nous avons, il ne faut pas en douter, affaire à des gens capables de tout. Aujourd'hui, ils expulsent Cuignet, qui les démasque; demain, ils feraient sans le moindre scrupule assassiner Marchand, dont la réception enthousiaste constituera la plus sanglante avanie pour les drôles qui, après l'avoir lâchement désavoué, le font tous les matins insulter par Sébastien Faure et Jaurès.

CHAPITRE DEUXIÈME

L'homme qui ment. oracles sur cet exode. phéties.

- Ses Le prophète se rend à Grenoble. Séverine explique le sens de ses pro

La pantalonnade met en scène un personnage à robe rouge il calligraphie un rapport. On lit : « Pas de fait nouveau ». Entrée du porteur d'eau; un bandeau doré lui bouche l'œil droit. Il se livre à une mimique animée avec le calligraphe, il lui fait signe de biffer les mots de son parchemin. Le robin rature; il calligraphie. « Revision ». Entrée du clown.

Il est en colère. Il fait signe à la robe rouge de ne pas écouter le porteur d'eau. Le porteur d'eau tire de sa poche un croquemitaine en baudruche, le gonfle, l'agite au-dessus de la tête du rapporteur. Le clown est furieux, il se jette sur le porteur d'eau, le collete; il crève sa baudruche. Bravo, clown!

Le 15 mai, Drumont publie : « L'homme qui ment. » Il vocifère le verset: « Je suis encore mal revenu de l'impression d'écœurement et de dégoût que j'ai éprouvée vendredi dernier à la Chambre, en entendant mentir Delcassé. »>« Écœurement et dé

goût» sont euphémismes de «< faiblesse. » Pourquoi le prophète, après les avoir éprouvés, n'a-t-il pas trouvé un cri pour les jeter à ses collègues, avec la foi qui soulève les montagnes et opère les miracles? Que nous sommes loin du 25 janvier 1898! Alors Jérémie se lamentait sur la platitude et la lâcheté des représentants du peuple, en ce verset lapidaire : « Voilà ce qu'aucun député n'a le courage de dire ! » Quelle faillite ! Le prophète vocifère encore le verset: << Delcassé ne se rendait pas compte du mépris qu'il inspirait à tous et qui se lisait sur les visages de ses meilleurs amis politiques. >>

Hélas, oui, il ne se rendait pas compte ! L'œil du prophète voit, en effet, ce que nul œil n'a vu. Le prophète sait que le compte-rendu des débats n'est pas complété par un cinématographe, fixant la physionomie des «< meilleurs amis de Delcassé ». Il en abuse! Cependant, comment concilier le mépris qui se lit sur ces visages, avec vingt-deux salves d'applaudissements enregistrées par les sténographes, au cours de la déclaration de Delcassé? Comment, ô prophète ! expliques-tu, en particulier, la vingtdeuxième salve, celle qui accompagne la péroraison du ministre « applaudissements vifs et répétés à l'extrême gauche, à gauche, et sur divers bancs au centre. L'orateur, en retournant à son banc,

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reçoit de vives félicitations » ?

« L'homme qui ment » a réponse à tout. « Les mains applaudissent le visage respire le mépris. » Le prophète conclut d'ailleurs par ce verset monumental, joie de ses ouailles :

<< Cela prouve que le mensonge est comme tant de choses une affaire d'entraînement. Le premier mensonge est pénible: il sort difficilement, comme avec hésitation, de la gorge. Le deuxième est déjà plus

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